Le retour de l'Europe à deux vitesses

Publié le 18 mai 2010 par Copeau @Contrepoints
Les Allemands anticipent déjà l'échec du sauvetage de la Grèce et des garanties sur l'euro. Pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le futur, c'est une Europe à deux vitesses.

Il y a quinze ans, en pleine gestation de l'euro, on parlait de l'Europe à deux vitesses. Une rapide, composé des pays « centraux » à l'économie solide et au budget discipliné, et une autre lente pour le reste. Les pères de la monnaie unique tentèrent de conjurer ce scénario en fixant des conditions que tous les pays membres de la zone euro devraient remplir parce que, pour qu'existe une unité monétaire, il était indispensable que tous partagent des critères communs. Les deux plus importants étaient de ne pas s'endetter et d'éviter que le déficit budgétaire dépasse la barrière des 3%. Ce que firent les économies du sud et le Royaume-Uni. Avec cette seule différence que ce dernier pays pris soin de ne pas intégrer l'euro.

Le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le quotidien généraliste allemand le plus lu, vient de terminer un exercice d'histoire économique fiction qui se situerait en 2013. Sous le titre « Un regard en arrière depuis 2013 : l'alternative », le journal de Francfort trace les lignes de ce que serait une brève histoire de la chute de l'euro et de sa reconversion en deux devises : une solide réservée à l'Allemagne et à certains de ses voisins, une plus faible, dévaluée pour les autres membres de l'ex-zone euro.

La rupture serait provoquée par les élections fédérales allemandes de 2013. Angela Merkel, très usée politiquement et avec le spectre d'un parti populiste opposé au sauvetage, devrait se résigner à l'inévitable. Ensuite, tout se passerait très rapidement. D'après le Frankfurter, l'Allemagne serait accompagnée des pays du Benelux, de l'Autriche et de la Finlande, c'est-à-dire les pays qui orbitaient déjà autour de l'Allemagne aux temps heureux du Deutsche Mark.

On remarquera le fait que la France n'est pas incluse dans ce groupe ; signe que les Allemands commencent à se méfier de celle qui a été leur associé principal durant les 60 dernières années. En fin de compte, c'est bien Paris qui s'est montrée la plus intéressée au sauvetage de la Grèce via un plan milliardaire qui provoque le rejet presque total des Allemands. Et là, on ne parle plus de science-fiction, mais d'histoire réelle. Le revers de la CDU lors des élections régionales en Rhénanie du nord-Westphalie n'est qu'un avant-goût de ce qui viendra lors des comices suivantes.

Le sentiment qui s'installe clairement en Allemagne – le Frankfurter Allgemeine Zeitung n'est pas exactement un journal sensationnaliste – c'est que le sauvetage de la Grèce et les garanties sur l'euro ne serviront seulement qu'à prolonger une agonie qui, tôt ou tard, devra s'achever par un bon gros coup de poing sur la table de la part du moteur de l'euro, l'Allemagne, le pays qui supporte sur ses épaules la crédibilité et la valeur de la monnaie unique.