Flou artistique, les couleurs dégorgent dans la baignoire. Je me retrouve sur un quai gris, le soleil caché derrière d'épais nuages. Des gens courent puis se battent, s'abattent, détruisent. Je soupire de mélancolie puis je cours aussi, j'attrape un courant d'air, un monde se détache de moi, laissant quelques fils de son ancienne réalité accrochés à mon blouson. Dans ma course j'entraîne une jeune illusion qui s'accroche puis se perd pour se jetter avec moi, dans la gueule de métal de la première échappatoire venue.
Le train est traîné par un lézard violet, inventant des rails et de nouveaux arrêts toujours rempli par les ombres et les gens. Je vois et j'entends des étincelles de moi et de l'extérieur qui viennent s'échouer sur la vitre en fleurs mauves. L'illusion est fragile, elle déteint et se morfond face au paysage qui vacille. Une fille inconnue, assise par terre au milieu de rien est venue la rassurer en lui donnant des pillules. Les étoiles en poudre lui font tourner la tête et elle oubli qu'elle voyage sur des chemins inventés.
Personne ne sort d'ici, alors que l'extérieur se presse dans cet espace sans que jamais on ne l'y croise. C'est comme si tout disparaissait à l'intérieur, le chauffeur énumère des adresses au hasard et des foules inconnus se pércipitent loin de moi.
Vient le moment où nous sommes projetés au dehors, à la face d'un monde qui ne nous a jamais vu. Nous sommes dans une ville éclairée de milles feux. Toutes les couleurs du monde se mélangent devant nous et forment des infamies lumineuses. Les bâtiments sont tous en métal noir ornés de guirlandes blanches et personne ne semble vivre ici. Des nuages de poussière s'agitent puis s'éclipsent vers la lune rouge accrochée au ciel. Soudainement, la ville se met à bouger, nous la voyons partir, s'éloigner puis disparaître.
Le désert nous entoure, il n'y a rien d'autre que le sable et des soleils couchants qui frôlent doucement la ligne d'horizon. L'illusion habite ici, son foyer est de sable et elle sculpte le temps dans l'evanescence des dunes. Je ne vois que des restes de monstres et des plaies à venir. La peur me gagne et je finis par partir.
Au fur et à mesure tout s'est effacé, plus rien en moi n'a subsisté de ces moments de couleur. Mais encore aujourd'hui, je traîne en mon ombre ses soleils couchants.