Anthologie permanente : Julio Cortázar

Par Florence Trocmé

Les Éditions José Corti publient Crépuscule d’automne, un fort recueil de poésie de Julio Cortázar, dans une traduction et avec une présentation de Silvia Baron Supervielle.  
 
 
LOI DU POÈME 
 
Amer est le prix du poème, 
les neuf syllabes de chaque vers ;  
l’une superflue, l’autre manquante 
le font voler ou le condamnent. 
 
Nous sommes l’échiquier d’un cours d’eau 
la carte à jouer entre deux feux ; 
tombent les faces tombent les piles 
chaque fois que tourne le chemin 
 
Tombe le rythme dans les vers, 
pleuvent les larmes dans le souvenir, 
tombe la nuit, tombe l’oiseau 
tout est chute lente sans bruit. 
 
Ô liberté de la prison, 
coup de dés qui lance et détache 
l’énigmatique toile d’araignée 
des murs et des démarcations ! 
 
Comme ta bouche découvre la pomme 
comme mes mains découvrent tes seins, 
le papillon suivra le feu 
pour sa dernière danse danser 
 
• 
 
RÉSUMÉ EN AUTOMNE 
 
Dans la voûte du soir chaque oiseau est un point du souvenir. 
Je m’étonne quelquefois que la ferveur du temps 
revienne, sans corps revienne, déjà sans but revienne ; 
que la beauté, si brève dans son amour violent 
nous réserve un écho lorsque la nuit descend. 
 
Et ainsi quoi d’autre que de rester les bras pendants, 
le cœur entassé et ce goût de poussière 
que fut fleur ou chemin – 
Le vol dépasse l’aile. 
Sans humilité, savoir que ce qui reste 
a été gagné à l’ombre par œuvre de silence ; 
que la branche dans la main, que la larme obscure 
sont héritage, l’homme et son histoire, 
la lampe qui éclaire.  
 
 
Julio Cortázar, Crépuscule d’automne, traduit de l’espagnol (Argentine) par Silvia Baron Supervielle, José Corti, 2010, pp. 203 et 234. 
 
 
Version originale des poèmes en cliquant sur « lire la suite ». Attention : le livre n’est pas bilingue.  
 
 
Bio-bibliographie de Julio Cortázar 
 
 
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Une de Poezibao

LEY DEL POEMA 
 
Amargo precio del poema, 
las nueve sílabas del verso; 
una de más o una de menos 
lo alzan al aire o lo condenan.  
 
Somos el ajedrez de un río, 
el naipe siempre entre dos lumbres; 
caen las caras y las cruces 
a cada curva del camino. 
 
Cae en el verso la palabra, 
en el recuerdo llueve el llanto, 
cae la noche, cae el pájaro, 
todo es caída amortiguada.  
 
¡Oh libertad de no ser libre, 
golpe de dados que desata 
la sigilosa telaraña 
de encrucijadas y deslindes! 
 
Como tu boca a la manzana, 
como mis manos a tus senos, 
irá la mariposa al fuego 
para danzar su última danza. 
 
• 
 
RESUMEN EN OTOÑO 
 
En la bóveda de la tarde cada pájaro es un punto del recuerdo. 
Asombra a veces que el fervor del tiempo 
vuelva, sin cuerpo vuelva, ya sin motivo vuelva; 
que la belleza, tan breve en su violento amor 
nos guarde un eco en el descenso de la noche.  
 
Y así, qué más que estarse con los brazos caídos, 
el corazón amontonado y un sabor de polvo 
que fue rosa o camino. 
El vuelo excede el ala. 
Sin humildad, saber que esto que resta 
fue ganado a la sombra por obra de silencio; 
que la rama en la mano, que la lágrima oscura 
son heredad, el hombre con su historia, 
la lámpara que alumbra.