« Il faut peut-être arrêter cette expérience ». Stupeur : un ministre du gouvernement Fillon, Pierre Lellouche, s'est prononcé à titre personnel pour un aménagement du bouclier fiscal, lundi soir dans l'émission « Mots Croisés » sur France 2. Mais au milieu de la nuit, il a contacté l'AFP pour rectifier ses propos.
Le présentateur de l'émission, Yves Calvi, n'en a pas cru ses oreilles. Le représentant de l'opposition Pierre Moscovici non plus, qui salue une déclaration « assez importante ». Voici l'échange entre Calvi et Lellouche, vers 23h05, en direct :
« - Nicolas Sarkozy a annoncé officiellement aujourd'hui que les hauts revenus seraient sollicités pour les retraites. Est-ce que le bouclier fiscal est mort ce soir ?
- Si on parle des 600 millions [d'euros] qui sont reversés et qui font l'objet des attaques incessantes de la gauche, effectivement, ce serait bien que ça aille aux retraites. C'est ma position personnelle. » (Voir la vidéo, à partir de 59'40)
Une « position personnelle » qui se démarque clairement de celle du gouvernement… A l'Agence France presse, le journaliste chargé de suivre l'émission a eu le même mouvement d'étonnement que de nombreux téléspectateurs. Avant de rédiger son texte, il a visionné une seconde fois les propos du ministre.
Puis, à 23h57, l'info est diffusée sur le fil de dépêches. Pierre Lellouche, qui participait à la première partie de Mots Croisés, a déjà quitté le plateau. Rentré chez lui, le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes zappe sur les chaînes d'info continue.
Un rétropédalage express et efficace
Et constate les dégâts de ses déclarations. On peut aussi penser qu'un coup de fil de Matignon ou de l'Elysée est venu le rappeler à l'ordre… Vers 1h15, Pierre Lellouche appelle la rédaction en chef de nuit à l'AFP. Elle le met en contact avec le rédacteur de la dépêche, qui dormait.
Très calmement, le ministre explique qu'il s'est « mal exprimé ». Il rectifie :
« Je ne visais que les hauts revenus et les revenus du capital qui bénéficient de la ristourne. »
Mais le mal était fait, et des ténors de l'UMP ont dû faire le tour des matinales pour colmater la brèche ouverte quelques heures plus tôt par Pierre Lellouche : le patron des députés de la majorité Jean-François Copé sur France 2, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, sur RTL, ou le secrétaire d'Etat à l'Emploi Laurent Wauquiez sur i-télé.
Bel exemple de rétropédalage, plutôt rapide et efficace : en avouant s'être « mal exprimé », Pierre Lellouche utilise une règle d'or de la communication de crise (reconnaître son erreur), et convainc mieux que, par exemple, Rama Yade qui avait un jour accusé l'AFP d'avoir publié une dépêche « abusive ».
Par Augustin Scalbert | Rue89
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