Magazine Culture

Poezibao a reçu, n° 126, mardi 18 mai 2010

Par Florence Trocmé

Cette rubrique suit l’actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus par Poezibao. Il ne s’agit pas de fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel aux informations fournies par les éditeurs. 
 
°Alejandra Pizarnik, Journaux 1959-1971, José Corti 
°Julio Cortázar, Crépuscule d’automne, José Corti 
°Jean-Jacques Viton, selected sueurs, P.O.L. 
°Franck André Jamme, Au secret, Isabelle Sauvage 
°Valério Magrelli, Ora serrata retinae, Cheyne 
°Marie Cosnay, La Langue maternelle, Cheyne 
°Monique Thomassettie, L’Aïeule montagne et l’enfance de la vallée, M.E.O. 
° Lana Derkač, Qui a mis en rang les gratte-ciels ?, M.E.O.  
°Pétronille Danchin et Dimitra Nikopoulou, Lewis Carroll, l’œil du magicien, Éditions A Dos d’âne 
°Dany Moreuil, Opulences, L’Arbre à Paroles  
Notices détaillées de chacun de ces livres en cliquant sur « lire la suite de…. »

•Alejandra Pizarnik 
Journaux 1959-1971 
Édition établie et présentée par Silvia Baron Supervielle. Traduction de l’espagnol (Argentine) par Anne Picard. 
coll. Ibériques, José Corti, 2010 
22 € - sur le site de l’éditeur 
Depuis les années 50 jusqu’à son suicide, en 1972, Alejandra Pizarnik n’a eu de cesse de se forger une voix propre. Conjointement à ses écrits en prose et à ses poèmes, le journal intime qu’elle tient de 1954 à 1972 participe de cette quête. Une voix creuse, se creuse, avant de disparaître : « Ne pas oublier de se suicider. Ou trouver au moins une manière de se défaire du je, une manière de ne pas souffrir. De ne pas sentir. De ne pas sentir surtout  » note-t-elle le 30 novembre 1962.  
Le journal d’Alejandra  Pizarnik se présente comme une chronique des jours hybride, qui offre à son auteur une sorte de laboratoire poétique, un lieu où s’exprime une multiplicité de « je », à travers un jeu spéculaire. Au fil des remarques d’A. Pizarnik sur sa création, sur ses lectures,  de ses observations au prisme des journaux d’autres écrivains (Woolf, Mansfield, Kafka, Pavese, Green, etc.), une réflexion métalittéraire s’élabore, lui permettant un examen de ses propres mécanismes et procédés d’écriture. 
Le journal est aussi pour Alejandra Pizarnik une manière de pallier sa solitude et ses angoisses : il a indéniablement une fonction thérapeutique. « Écrire c’est donner un sens à la souffrance » note-t-elle en 1971. Alejandra Pizarnik utilise ainsi ses cahiers comme procédé analytique, refuge contre la stérilité poétique, laboratoire des perceptions, catalyseur des désirs ou exutoire à ses obsessions. Les Journaux sont toutefois moins une confession ou un récit de soi qu’un ancrage mémoriel, une matière d’essayer de se rattacher au réel par des détails infimes et de se rappeler qui l’on est. (Dos du livre)  
•Julio Cortázar 
Crépuscule d’automne 
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Silvia Baron Supervielle 
coll. Ibériques, José Corti, 2010 
22 €  
« Je ne sais pas ce qui rend un livre inoubliable mais je sais que, depuis que je découvris Salvo el crepúsculo, dans la première édition mexicaine, je n’ai jamais pu l’oublier. C’était en 1984, année de la mort de Cortázar. Une nouvelle édition est sortie récemment aux éditions Alfaguara, elle inclut de légères retouches faites par l’auteur sur des épreuves retrouvées. Mais il n’a rien supprimé, ni changé, ni désavoué de cet ensemble de textes d’époques diverses de sa vie, choisis et spécialement réunis par ses soins. 
De quelle manière ce livre est arrivé entre mes mains, je ne saurais le dire. J’en suis tombée amoureuse et ensuite il s’est de lui-même enraciné dans mon souvenir. Car peu de temps après, je me suis mise sans succès à le chercher sur mes étagères. Depuis lors, à intervalles réguliers, je n’ai pas cessé d’essayer de le retrouver en vain. Il me semblait impossible de l’avoir perdu ou prêté à quelqu’un ; il avait disparu et je ne me consolais pas. Il m’était cher, il enfermait une signification particulière, une musique, une indépendance, une nostalgie qui trouvaient en moi une résonance pleine. 
Après qu’il eut publié Rayuela (Marelle) en Argentine, Cortázar adressa une lettre à son ami Fredi Guthman, où il dit : "Maintenant les philologues, les rhétoriciens, les versés en classifications et en expertises se déchaîneront, mais nous sommes de l’autre côté, dans ce territoire libre et sauvage et délicat où la poésie est possible et arrive jusqu’à nous comme une flèche d’abeilles....".
(Silvia Baron Supervielle, dos du livre)  
•Jean-Jacques Viton 
selected sueurs 
P.O.L., 2010 
16,50 € 
Le titre initial de ce livre était VRAC. Qu'est-ce qu'un vrac ? Sa définition varie de « harengs mal lavés » à « désordre ». Dans cet intervalle apparaît tout le reste, lui-même en vrac. Un choix s'est donc établi sur le plateau de ce premier titre à partir d'un ensemble de situations soulignant des événements particuliers dans les domaines du social, de l'affectif, du sport, de la misère, des affrontements. Ce nouveau dépôt a fait surgir à son tour des signes indiquant une orientation à l'intérieur de laquelle le désir, le combat, le pari, l'habileté, le courage, l'obstination devenaient les clefs des signes retenus. Il en résulte ces couloirs d'expositions où les comportements s'affichent, chacun dans sa propre transpiration vitale.
La partie I, Attraction (le présent est un endroit dangereux) et la partie III, Tumulte (il se prépare quelque chose j'ignore quoi) fonctionnent dans leur démarche diamétralement opposée, la partie II (et puis les choses s'ajoutent...) comprend neuf cadres d'expositions précédés de neuf images, sans aucune volonté d'illustration, indiquant par là même que chaque sueur appartient à un damier insondable. (Dos du livre)  
•Franck André Jamme 
au secret 
Dessins de Jan Voss 
Éditions Isabelle Sauvage 
17 € 
les très délectables 
élégances 
de la mémoire 
les pensées devant lesquelles 
se dresse tout à coup 
une immense pensée 
les êtres 
qui se mettent à rêver 
sur la route 
et peu à peu 
c’est le chemin 
lui-même 
qui se mue 
en leur songe 
(2) 
 
•Valerio Magrelli 
Ora serrata retinae 
Traduit de l’italien et préfacé par Jean-Yves Masson 
édition bilingue 
coll. d’une Voix l’autre, Cheyne Éditeur 
20,50 € 
« La poésie de Valerio Magrelli est un soliloque écrit au crayon dans un carnet aux heures les plus hautes et silencieuses de la nuit. Une poésie aussi limpide que de l’eau dans un verre et non moins vertigineuse : en sa clarté les regards se noient. Une poésie où la pensée se regarde penser et, après avoir été pensée, s’évanouit. » (Octavio Paz) 
« Les poèmes de Valerio Magrelli ressemblent aux natures mortes de Morandi : elles ne sont pas les choses qu’on y voit bien que ces choses soient indispensables au surgissement de la clarté qui nous unit à elles. Ce surgissement réalise en nous l’ouverture dont nous voyons l’entrée dans la toile. Lire, tout à coup, n’est plus un mouvement sur la page, c’est l’incorporation de ce qui fait signe au milieu de nous. » (Bernard Noël) 
« On ne peut pas ne pas lire Magrelli. » (Federico Fellini) 
Pour parler, je préfère venir 
du silence. Préparer la parole 
avec soin pour qu’elle aborde à sa rive 
en glissant, tout bas, comme une barque 
cependant que le sillage de la pensée 
en dessine la courbe. 
 
(dos du livre) 
•Marie Cosnay 
La Langue maternelle 
Coll. Grands Fonds, Cheyne Éditeur, 2010 
15 € 
Marie Cosnay explore à nouveau l'histoire secrète et violente d'une famille : une fille se heurte à une loi paternelle venue du fond des âges, et dont les ordres, les interdits, les condamnations, s'expriment brutalement dans une langue et des gestes frustes. C'est cette fille qui parle ici. Elle reprend en boucle les données de son drame, dans une écriture poétique qui halète, qui dit les haines, les désirs et les échecs, mais aussi l'amour du monde, de la terre pyrénéenne, la soif de liberté, la terreur d'être à jamais privée d'amour. Plus que tout, la passion de l'héroïne, celle de l'écrivain Marie Cosnay, c'est d'inventer une langue qui témoignerait de son être intime, "langue maternelle", au plus près du corps, et capable, comme le rêve la dernière partie du livre, de sauver de l'effondrement les acteurs de cette histoire. 
(Jean-Pierre Siméon, dos du livre) 
•Monique Thomassettie 
L’Aïeule montagne et l’enfance de la vallée 
Poème accompagné de vingt et un dessins 
M.E.O., 2010 
12 € 
Dans ces poèmes se mêlent rêve, vision, réflexion, méditation et expérience tant sensorielle que mystique de la montagne. Celle-ci et la nature en général sont également exprimées par 21 dessins, les uns croqués sur le vif, les autres imaginaires.
Une ère va
vers l’aïeule montagne
L’ascension étire
les drapés des manteaux
Les tissus en prennent
un plissement de roche
Attention !
Point d’arrêt prolongé
sous peine de se figer
Mal ou bien,
il s’agit d’aller ! 
(d’après le site Rezolibre) 
•Lana Derkač 
Qui a mis en rang les gratte-ciels et autres poèmes 
Traduit du croate par Tomislav Dretar et Gérard Adam 
Éditions M.E.O., 2010 
14 € 
Derrière une apparence ludique, un non-sens provocateur, ces poèmes cachent une méditation sur la solitude de l’être, l’incommunicabilité, l’indifférence. Détourné de son sens, l’acte quotidien le plus banal ouvre à des interrogations angoissantes.
Traduit en français, le dernier recueil d'un des auteurs phares de la nouvelle poésie croate.
Lana Derkač, née à Požega (Croatie) en 1969, a publié une dizaine de recueils de poèmes, deux recueils de textes brefs ainsi qu’une pièce de théâtre. Elle est l’auteur de deux anthologies de poésie, l’une en collaboration avec l’écrivain croate  Davor Šalat, l’autre avec le poète indien Thachom Poyil Rajeevan. Elle a obtenu plusieurs prix littéraires dans son pays, figure dans la plupart des anthologies croates et a été l’hôte de nombreux festivals de poésie, en Croatie comme à l’étranger. De ses poèmes ont été traduits dans une quinzaine de langues et publiés en revues ou en recueils collectifs. 
(d’après le site Rézolibre, où on peut lire quelques poèmes) 
•Pétronille Danchin et Dimitra Nikolopoulou 
Lewis Carroll, l’œil du magicien 
Éditions à dos d’âne – site de l’éditeur 
7 € 
Pour présenter une nouvelles maison d’édition et une collection de livres créés pour faire « découvrir les femmes et les hommes qui ont changé le monde » aux 7-12 ans. On trouve dans la même collection des titres consacrés à François Truffaut, Théodore Monod, Miriam Makeba, Karen Blixen, Isadora Duncan.  
•Dany Moreuil 
Opulences 
L’Arbre à paroles, 2010 
12 € 
Après avoir écrit Le jardin des lenteurs, Dany Moreuil qui a choisi de vivre en Aquitaine, nous convie à ses Opulences : « Ici, aucune note explicative sur le chic de l’univers.» Avec elle, «Une colline, là-bas, expose les œuvres d’érosion », « Aujourd’hui, le temps postillonne », « Dans l’anfractuosité, une abeille badine avec l’obscur », « Les couleurs tombent de l’arbre et peignent le terrain », « à perte de vue, les oiseaux déclinent des histoires de concordance de cœur », « La nostalgie fait son travail de labour, et le quotidien grimace »… : des mots en somme très ordinaires mais que transfigure l’alchimie d’une écriture qui les assemble pour leur faire dire davantage parce qu’elle « ose la langue du corps ». Alors que « L’ambition, l’arrogance de la finance pavoisent à l’avant-scène du monde », « Il suffit de s’incliner un peu pour ausculter les éboulis ». 
Après quelques années d’enseignement de la philosophie, Dany Moreuil exerce la profession de chorégraphe à Paris, au sein de la compagnie écriture et Chorégraphie. Ses créations sont toujours en relation avec l’écriture. Installée depuis six ans en Aquitaine, elle se consacre essentiellement au travail littéraire. Elle écrit, bien sûr, et dans le cadre de l’écriture vive, elle anime des ateliers et organise des évènements autour de la poésie.
Publication de textes dans diverses revues : Les cahiers froissart, Pour la danse, Sépia, L’Arbre à paroles, Les cahiers du détour, Les cahiers du sens, etc. (Dos du livre)  


Retour à La Une de Logo Paperblog