Magazine

Justes attaques du projet PS

Publié le 18 mai 2010 par Argoul

Samedi 15 mai, dans ‘Le Monde’, c’est une salve d’attaques internes qui monte de l’intérieur du parti Socialiste. Manuel Valls qualifie « d’erreur profonde » la société du soin proposée par Martine Aubry. Zaki Laïdi qualifie de « vision erronée » le juste échange opposé contre le libre-échange. C’est ne rien comprendre à la société réelle dit le premier, ne rien comprendre aux échanges mondiaux dit le second. Avant même d’être inauguré, le projet PS prend l’eau. Et c’est heureux ! On ne bâtit pas une politique crédible sur des illusions ou des mensonges.

manuel-valls.1274008742.jpg

Le député de l’Essonne, réputé pour sa jeunesse par rapport aux caciques du parti et pour son franc-parler, fait le même diagnostic que nous : la société française n’a plus confiance en l’avenir. La double insécurité, économique et physique, incite chacun au repli sur soi. Mais l’enfer de gauche est pavé de bonnes intentions : « il faut mettre l’accent sur l’autre » certes, mais « l’individu n’est ni malade ni en demande de soins ». Voilà qui est clairement dit : on attend une politique, pas des lits d’hôpitaux, des leaders qui inventent, proposent et agissent, pas des infirmières ni des doudous !

L’individu « demande à pouvoir agir en toute liberté car partout il est empêché. » Un chômeur n’est pas malade d’être sans travail, « il est empêché d’agir dans sa capacité d’agir et de répondre aux besoins essentiels de sa famille. » Voilà qui fait du bien à entendre ! Nous n’avons rien contre la revendication féminine, mais les valeurs positives valent mieux que les lamentations maternantes. Les citoyens ne sont pas des bébés impuissants en attente de toilettage mais des acteurs adultes qui veulent se mettre au travail. Les réduire aux langes est infantilisant et un brin méprisant. L’Etat n’est pas la vache à lait qui doit offrir à téter inconditionnellement et à tous. L’Etat est l’organisation collective qui permet à chacun de se voir proposer les moyens de s’en sortir par lui-même. Une autorité émancipatrice et non pas étouffante : un guide qui montre la voie et non pas une mère castratrice.

L’échec de Nicolas Sarkozy, pour Manuel Valls, est d’avoir déçu les attentes en ce sens : « sur le fond, l’absence de cap sur le plan économique, le péché originel du bouclier fiscal injuste, mais aussi sur la forme, l’orchestration permanente des oppositions entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre les réformes et le ‘bougisme’ permanent n’ont pas permis aux Français de comprendre quel était leur intérêt – mais aussi celui du pays. » Mais le PS court à l’échec s’il s’enferre dans le care. Rappelez-vous : l’Icare était ce Grec roublard qui croyait s’évader en inventant des ailes – il avait juste oublié que le soleil chauffe et fait fondre les illusions… Impitoyablement.

gamin-futur-esclave.1274008758.jpg
Le Directeur de recherche à Science Po Zaki Laïdi, réputé pour son acuité intellectuelle et son immersion dans l’actualité réfléchie, pointe « trois défauts peu négligeables » dans le projet socialiste : « une connaissance assez fruste des mécanismes concrets de l’échange et de ses effets ; des propositions extraordinairement vagues et difficiles à mettre en œuvre ; plus grave encore, une occultation des faiblesses françaises, qui conduit à blâmer le reste du monde des difficultés qui trouvent leur origine dans l’Hexagone. » Pour le PS, une très mauvaise note en économie !

D’abord les bons sentiments – avec lesquels on ne fait jamais de bonne politique. L’échange serait biaisé en faveur des pays émergents et sa liberté serait donc à contrôler par le protectionnisme. Or c’est faux : « Le commerce mondial est une des activités les plus régulées du monde, ce qui explique d’ailleurs pourquoi il a amorti le choc de la grave crise financière. » L’OMC est bien plus démocratique que l’ONU « car chacun y dispose d’un droit de veto ! » Les pays en développement sont d’ailleurs « devenus les farouches partisans d’un système multilatéral ouvert », ce que la gauche ne comprend pas. Ses œillères idéologiques crient toujours à l’exploitation sans voir le réel : « le fait que l’ouverture des marchés constitue une source exceptionnelle d’enrichissement économique pour tous. »

Ensuite les propositions. Elles ressortent du « populisme petit blanc » selon Zaki Laïdi. La taxation verte aux frontières de l’Europe est de ce type, faute d’instrument de mesure pertinent, de reconnaissance de la responsabilité des pays industrialisés et d’un accord global sur le climat. « Ainsi, le discours du PS pourrait être ratifié sans difficultés par M. Berlusconi, qui tient des propos ravageurs contre le libre-échange ». La désindustrialisation française ? Elle est réelle mais le projet PS y répond-t-il ? - Non.

Le parti Socialiste vit dans l’illusion confortable du célafôta : au libre-échange, aux pays émergents, à la mondialisation libérale. Mais non ! « Doit-on rappeler que la France réalise plus de deux tiers de ses échanges avec des pays qui ont un niveau de développement similaire » ? Donc cépalafôt aux pays émergents. « Doit-on rappeler que (…) l’Allemagne conserve une industrie très puissante, qui représente 30% de son PIB contre seulement 16% pour la France (…) que l’Allemagne a des échanges excédentaires avec la Chine » ? Donc cépalafôt à la mondialisation.

En revanche, célafôt bel et bien aux politiques, notamment aux années de gauche Jospin avec les 35 h de Martine Aubry : « un renchérissement du coût du travail depuis la fin des années 1990, un prélèvement sur la valeur ajoutée des entreprises deux fois plus élevé qu’en Allemagne, enfin une politique de délocalisation désastreuse. » Depuis la fin des années 1990, vous avez bien lu. L’époque Aubry-Jospin.

Les Allemands délocalisent les activités à faible valeur ajoutée, les Français délocalisent tout. « Pourquoi ? Voilà la vraie question qui se pose à nous et à laquelle le PS ne répond pas. » La réponse (que Zaki Laïdi laisse en suspension) est assez simple : le poids des charges sociales, la rigidité du marché du travail, les réglementations tatillonnes. Ce qui n’a jamais été réformé sous Chirac après les illusions Mitterrand.

Les socialisme français apparaît donc comme l’art de l’esquive plus la démagogie. Avec l’idée technocratique et léniniste du « dormez bonnes gens, nous les Compétents on s’occupe de tout, on s’occupe de vous. » C’est prendre les citoyens adultes responsables pour des incapables mineurs indigents. Et ces critiques viennent de l’intérieur même du parti… Moi, je vote clairement : NON !


Retour à La Une de Logo Paperblog