A l’instar d’un vrai Manhattan (4 centilitres de whisky, 2 centilitres de vermouth rouge, 1 trait de bitter angostura et une cerise pour décorer) certains passages assomment le lecteur alors que le récit devient soudain plus léger à d’autres moments.
Jesse Kellerman est hanté par le 11 septembre. Il abuse des ellipses et des allusions pour initiés. Il s’amuse en faisant dire à un personnage qu’il connait le père de l’autre après l’avoir « googlisé », joli trait de plume. Sauf que le lecteur doit lui aussi googliser à tout va pour comprendre les références artistiques qui truffent le bouquin. J’aurais apprécié quelques notes de bas de page m’expliquant quelle sorte d’artiste étaient par exemple Julian Snabel ou Richard Serra, pour ne citer qu’eux, plutôt que de devoir toutes les 50 pages interrompre la lecture et faire des recherches personnelles.
Certes le roman n’est pas « que » policier. C’est aussi une leçon d’histoire et un drame familial autour de la question de la filiation. On pourrait dire que c’est « encore » une leçon d’histoire et un drame familial autour de la question de la filiation. Après l'Homme qui m'aimait tout bas d'Eric Fottorino, le Sens de la famille de Homes, un Amour exclusif de Johanna Adorjan, les Enfants de Staline, le Testament caché, les Saisons de la solitude ... je commence sincèrement à avoir envie de lire autre chose. Je suis probablement trop critique mais je n’ai pas éprouvé de véritable plaisir de lecture. Armande fait aussi une analyse en demi-teinte. Mais j'ai lu des articles plus enthousiastes.
Il y a quelques jolies pages un peu nostalgiques, à l’instar de la description des grands aéroports (page 123) et les personnages sont diversement attachants. Trahisons, manipulations … la trame est si complexe que j’en ai souvent perdu le fil.
Je n’étais apparemment pas la seule. Fitzhugh avoue (page 185) « là je n’y comprends foutrement plus rien ». Et plus loin (page 249) James Einer déclare n’avoir « aucune prétention à comprendre ce qui se passe ».
Je suis un peu ironique mais il est agaçant de mesurer combien la politique internationale échappe complètement au quidam que nous sommes. Ce ne serait rien s’il n’y avait des vies humaines en jeu. Dans ce roman qui se fonde sur des faits tristement réels il y a une juste mesure d’humour qui permet de digérer les évènements et de ne pas renoncer. Il n’empêche que le fond de réalité qui reste toujours sous-jacent est plutôt oppressant.
Les visages, de Jesse Kellerman, chez Sonatine
Le touriste d'Olen Steinhauer, éditions Liana Levi