Je mate la révolution. Jumelles ou sniper dans l'oeil, c'est pareil. Je mate les corps minuscules contrebas qui s'agitent. Le champ de bataille c'est terrain vague. Le terrain vague des voies ferrées. Les voies ferrées points de fuite éteints sur l'horizon qui crame. Les toits des immeubles maintenant des balcons où on mate. Je suis fatigué de mâcher une vie qui est plus la mienne. Plus bas je reconnais l'un des corps, grenade F-1 à la main prêt à dégoupiller. Foulard collé au cou qui l'étouffe à moitié mais protège bien des vagues lacrymo. Lunettes de ski, de nage ou plongée pour pas chialer. Épaule en sang, droite ou gauche. S'abrite derrière un quai fauché par une mine. Attend le bon moment. Je vois dans ses verres défiler un passé minuscule. Sous sa gorge le viseur du sniper, objectif des jumelles, le marqueur pour voir juste le bordel trop lointain. Pression du doigt cramerait d'un coup sa vie, la grenade lui péterait dans les moignons. Mais j'hésite. Mon taf en fait c'est dire ce que je vois et je ferme ma gueule. Mon taf en fait c'est faucher par balles traçantes la vie des autres à découvert, et moi je regarde. J'ai encore chaud dans mon chargeur les 7 cartouches déjà chargées mais sans détente. J'attends de voir. Je mate le show. L'autre en bas sort de son trou, balance derrière sa bombe. La grenade pète : kilos de sable que ça soulève : rails éventrés, points de fuite foutus, et quelques corps s'enfoncent sous la fumée. La fumée m'étouffe, je perds sa trace. Je le cherche entre les dunes de zinc mais aucun corps à l'horizon pour porter le même foulard, les mêmes lunettes, la même ceinture de TNT autour des hanches. Quand je le retrouve il a changé. C'est peut-être plus le même. Le sang séché sur l'autre épaule, foulard défait, lunettes fondues. Je charge un peu le PGM Hécate II et je vise droit contre ses pompes. Presse la détente. Tire. L'autre en bas se jette par terre, lève la tête et voit. Je lance des codes à coup de miroir qu'on bouge face au soleil et qui veulent dire : réponds-moi, j'y comprends rien. Et j'attends sa réponse.
Tu mates la révolution. Jumelles ou sniper dans l'oeil, c'est pareil. Tu mates les corps minuscules contrebas qui s'agitent. Le champ de bataille c'est terrain vague. Le terrain vague des voies ferrées. Les voies ferrées points de fuite éteints sur l'horizon qui crame. Les toits des immeubles maintenant des balcons où tu mates. T'es fatigué de mâcher une vie qui est peut-être pas la tienne. Plus bas tu reconnais un corps, grenade F-1 à la main prêt à dégoupiller. Foulard collé au cou qui l'étouffe à moitié mais protège bien des vagues lacrymo. Lunettes de ski, de nage ou plongée pour pas chialer. Épaule en sang, droite ou gauche. S'abrite derrière un quai fauché par une mine. Attend le bon moment. Vois dans ses verres défiler un passé minuscule. Sous sa gorge le viseur du sniper, objectif des jumelles, le marqueur pour voir juste le bordel trop lointain. Pression du doigt cramerait d'un coup sa vie, la grenade lui péterait dans les moignons. Mais t'hésites. Ton taf en vrai c'est dire ce que tu vois et tu la fermes. Ton taf en vrai c'est faucher par balles traçantes la vie des autres à découvert, sauf que tu mates. T'as encore dans ton chargeur les 7 cartouches déjà chargées mais sans détente. Alors t'attends de voir. Tu mates le show. L'autre en bas sort de son trou, balance derrière sa bombe. La grenade pète : kilos de sable que ça soulève : rails éventrés, points de fuite foutus, et quelques corps s'enfoncent sous la fumée. La fumée t'arrache la gueule, tu perds sa trace. Tu cherches entre les dunes de zinc mais aucun corps à l'horizon pour porter le même foulard, les mêmes lunettes, la même ceinture de TNT autour des hanches. Quand tu le retrouves il a changé. C'est peut-être plus le même. Le sang séché sur l'autre épaule, foulard défait, lunettes fondues. Tu charges sans âme le Hécate II et tu vises juste, mais à côté de ses pompes. Presses la détente. Tires. L'autre en bas se jette par terre, lève la tête et voit. Tu lances des codes à coup de miroir qu'on bouge face au soleil et qui veulent dire : réponds-moi, j'y comprends rien. Et t'attends sa réponse.