Décidément l'Union syndicale suisse ici manque d'imagination. En réponse à la crise économique elle ne voit qu'une solution : instituer un salaire minimum légal.
Voici l'article constitutionnel que la plus grande organisation syndicale faîtière de Suisse a concocté et publié aujourd'hui :
Art. 110a Protection des salaires
1 La Confédération et les cantons adoptent des mesures pour protéger les salaires sur le marché
suisse de l’emploi.
2 Ils encouragent en particulier à cette fin l’adoption et le respect de salaires minimums
d’usage dans la localité, la profession et la branche dans les conventions collectives de travail.
3 La Confédération édicte un salaire minimum légal. Ce salaire est indexé régulièrement sur
l’évolution des salaires et des prix, dans une mesure qui ne peut être inférieure à l’évolution
de l’indice des rentes AVS.
4 Le salaire minimum légal est applicable à tous les travailleurs et constitue une limite inférieure
contraignante. La Confédération peut édicter des dérogations pour des rapports de travail
particuliers.
5 Les dérogations et l’indexation du salaire minimum légal sur l’évolution des salaires et des
prix sont édictées avec le concours des partenaires sociaux.
6 Les cantons peuvent édicter des suppléments contraignants au salaire minimum légal.
Disposition transitoire ad art. 110a (Protection des salaires)
Le salaire minimum légal se monte à Fr. 22.-- par heure. Au moment de l’entrée en vigueur, ce
montant est majoré de l’évolution des salaires et des prix accumulée depuis 2011 conformément
à l’art. 110a, al. 3.
Le Conseil fédéral met en vigueur l’art. 110a au plus tard trois ans après son acceptation par le
peuple et les cantons.
L'initiative correspondante sera lancée à l'automne.
Le mot-clé employé est protection. Quand une organisation syndicale veut protéger des salariés, elle le fait systématiquement aux dépens d'une liberté. Ce faisant elle obtient l'effet inverse de celui recherché. L'intention est louable, le résultat catastrophique.
La liberté qui disparaît ici est celle de contracter librement. On considère qu'un salarié n'est pas assez grand pour se mettre d'accord avec un employeur sur un montant de salaire. On veut donc le protéger, éventuellement contre lui-même.
Avec un salaire minimum légal il est interdit à un salarié de travailler à un salaire inférieur, même s'il préfère travailler que pointer au chômage. Il n'a pas le choix. De même il est interdit à un employeur de verser un salaire inférieur au minimum légal. S'il n'a pas les moyens de s'offrir les services d'un salarié au salaire minimum, il sera contraint de renoncer à l'employer tout court ou l'emploiera clandestinement...
L'exemple de la France devrait pourtant faire réfléchir. En effet le salaire minimum légal s'est traduit par deux effets pervers : le chômage et l'égalisation par le bas des salaires.
Le chômage en France est à un haut niveau, crise ou pas crise. Au plus bas il se situe à 7,4%, au plus haut à 10,7% au cours des 20 dernières années. Tous les emplois potentiels ne peuvent pas être rémunérés au salaire minimum légal, le SMIC. Disparaissent ainsi tous les emplois qui sur un marché libre de l'emploi auraient été rentables en dessous du SMIC, mais qui ne le sont plus à ce niveau et au-delà.
Pour protéger toujours plus les salariés le salaire minimum légal a augmenté plus vite que l'ensemble des salaires - tentation inévitable des pouvoirs publics pour s'attirer les suffrages des plus nécessiteux. Il en résulte qu'il y a de plus en plus de personnes payés au SMIC en France. En 20 ans le nombre d'actifs payés au SMIC est passé de 10% en moyenne dans les années 1990 à 15% en moyenne dans les années 2000. Au premier juillet 2008 il y avait ainsi 3,4 millions de smicards en France ici , ce qui correspond à un nombre considérable de personnes qui se retrouvent au tout bas de l'échelle sociale...
Complètement déconnecté du marché de l'emploi un salaire minimum légal est purement arbitraire. Son indexation sur l'évolution des salaires et des prix ne le rend pas plus justifié sur le plan économique. Il est donc curieux que certains y voient un remède à la crise. Sans salaire minimum légal la Suisse peut se vanter pourtant d'avoir un des chômages les plus bas et un des niveaux de vie les plus élevés du monde occidental.
Francis Richard
Le dessin qui illustre cet article provient d'ici .
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