C’est la première fois qu’une assistante maternelle accepte chez elle la présence d’une caméra.
La matinée est dense. Directeur juridique d’une société immobilière en plein essor, Cédric, 32 ans, enchaîne les rendez-vous. Pas une minute à perdre… sauf pour Salomé, sa fille de 5 mois. Un clic de souris, en haut, dans ses nombreux favoris où se côtoient sites de droit et d’actualité, et la fillette apparaît «en live». La sieste vient de se terminer, elle joue sur son tapis d’éveil sous l’œil bienveillant de Valérie, sa nourrice, et de la caméra qu’elle a installée chez elle.
Pas tout à fait comme les autres, cette assistante maternelle agréée de 40 ans a décidé elle-même de se placer sous haute surveillance, il y a neuf mois. «Il me semblait normal, avec tous les faits de maltraitance que l’on voit et l’inquiétude bien naturelle des parents, d’installer un système vidéo chez moi pour les rassurer», explique Valérie Boccara.
Au plan local en effet, les chiffres sont alarmants. Entre 1999 et 2006, selon la commission consultative paritaire départementale, sur les 118 retraits d’agrément d’assistants maternels du Rhône, 55 l’ont été pour sévices sexuels, violences physiques et maltraitance psychologique. «99 % des parents que je rencontre ont d’abord fait une demande en crèche avant de démarcher une nourrice, alors que les tarifs sont équivalents. Pourquoi, si ce n’est par manque de confiance ?, s’interroge Valérie Boccara. Dans ce domaine plus que tout autre, la politique c’est la tolérance zéro».
Ce ne sont pas les parents des trois enfants que garde Valérie qui s’en plaindraient. «C’est clairement un plus, même si ce n’est pas ce qui nous a décidés à choisir cette nounou», confie Cédric, le papa de Salomé, en changeant les angles de la webcam depuis le site. Comme lui, Céline, la maman de Nathan, 18 mois, avoue ne se connecter que rarement, «juste pour voir bébé évoluer». En aucun cas «pour épier Valérie», en qui elle dit avoir une confiance aveugle.
Hautement polémique
Ces méthodes ne sont pas du goût des associations et des autorités locales de la Protection maternelle infantile (PMI) qui voient en cette initiative un sujet hautement polémique. En effet, elles estiment que la présence d’une caméra altère la nécessaire et sacro-sainte relation de confiance entre une nourrice qualifiée et des parents.
«Sans compter que cela va à l’encontre de la professionnalisation des nounous», commente Hervé Laufer, responsable des assistantes maternelles au conseil général du Rhône. Pour Michaël Stora, psychanalyste spécialiste des ados et des mondes numériques, rien d’alarmant à cette pratique «dès l’instant que l’initiative vient de la nounou» et que «l’usage de ce troisième œil ne soit pas pathologique, autrement dit pour pallier ses propres angoisses de séparation avec son enfant».
Quant à ceux qui s’indignent d’un espionnage sur un lieu de vie privé, Valérie Boccara argumente : «Ma maison, à certaines heures, est mon lieu de travail. Je suis salariée des parents, et à ce titre je leur dois des comptes. Au lieu que mon patron passe la tête dans mon bureau, il jette un coup d’œil à distance, c’est tout !»