Balzac, Les chouans

Par Alain Bagnoud


Il y a quelque chose d'appliqué dans certaines partie des Chouans, des moments où Balzac veut trop bien faire. C'est son premier livre, ou du moins le premier qu'il daigne signer.
Désireux de capter l'attention, il utilise une multitude d'effets et de procédés, surnourrit ses scènes. L'amour, le devoir, la politique, la morale, les préjugés, la religion surchargent les relations entre personnages, et produisent des fluctuations rapides dans les positions, les attitudes, les liens. Par exemple entre le héros et l'héroïne, dont la passion varie extrêmement vite. On dirait une flamme de bougie dans le vent. Attirance, révélations, transports, volte-faces.
De plus, tout un attirail romanesque convenu englue le récit: espions, cachette derrière la cheminée, souterrain, passages secrets chez l'usurier, etc.
Pourtant, sous le jeune écrivain inspiré par Fenimore Cooper et Walter Scott, Balzac est déjà là et bien là. Ce qui ressort fortement du livre, ce sont les inscriptions des personnages dans l'Histoire et le milieu, les descriptions de batailles, de paysages, les mœurs de la Bretagne à cette époque, tout un arrière-fond puissamment campé. Les forces dont on a parlé plus haut animent ces personnages un peu outrés et constitués volontairement en types: l'aristocrate, le républicain, la femme supérieure, le chouan, etc. Personnages, que la puissance de l'écrivain anime progressivement, donnant au fil du texte à ces silhouettes passions, sang et vie.
Ce gros roman fait partie des Scènes de la vie militaire, que Balzac ne complètera pas, sinon avec une nouvelle, Une passion dans le désert. Mais il a longtemps rêvé de les remplir d'autres oeuvres, notamment de sa fameuse bataille, qu'il n'écrira jamais et que Patrick Rambaud a faite à sa place...