Posté par Rémi Begouen le 17 mai 2010
Une bonne moitié – au pifomètre - est attribuée à ‘la littérature générale’, classée à peu près par ordre alphabétique des noms d’auteurs (romanciers, essayistes, dramaturges, poètes…). Autres rayons :
- Ceux de la poésie, avec un beau rayon de la précieuse collection de Seghers ‘Poètes d’aujourd’hui’ et beaucoup de petites publications (qui seraient perdues dans les rayons alphabétisés… d’ailleurs où mettre des brochures de recueils de divers auteurs ?).
- Ceux des essais ou documents sur la société, l’écologie, etc. dont j’ai extrait récemment une sous catégorie, tant elle prenait de place, consacrée au ‘monde arabe’ en général, et en particulier au Moyen-Orient (je dois ce remaniement salvateur à un petit meuble à étagères, trouvé dans la rue et que j’ai ramené chez moi avec l’aide d’un jeune qui était par là… et qui fut assez maladroit – tant il était pressé de rejoindre sa copine – pour me faire chuter sur une arête de trottoir… mais c’est une autre histoire, comme c’est une autre histoire de vous confier que la moitié de mon ameublement vient de ‘récup’, et l’autre de bricolages ‘perso’…)
- Ceux des ‘beaux livres’, je veux dire plus simplement de documents sur des artistes peintres ou sculpteurs, et bien plus encore de photographes, mon autre passion avec la poésie. Et cela cohabite avec mes ‘monstrueuses’ archives mal rangées de milliers de mes propres photos (je solde !), datant d’une époque de 30 ans où je me croyais photographe en plus de me croire poète – avec le concept de ‘phoète’ (dont je devrais faire un essai de 500 pages !).
Et puis il y a bien sûr divers dictionnaires et atlas, cela va de soi, et ‘Le Livre de la Nature’. Inclassable. Avant d’en dire plus, quelques mots sur le comment j’ai connu ce bouquin et comment j’ai pu l’avoir. Nous vivions en communauté libertaire à Vincennes, vers 1970. J’avais ma compagne et mon copain D. avait la sienne, on s’entendait fort bien, nous tous et en particulier nous quatre. Bon. Et puis les choses se compliquent. D, instituteur, avait ce livre que je découvrais, seul dans la salle commune, cependant que le couple ami, de l’autre côté du mur, faisait grand bruit. La compagne de D fit soudain irruption, presque nue, jusque dans mes bras… Je passe… D et moi sommes restés bons amis, bien que sa compagne devienne la mienne, plus tard… Plus tard, je cherchais ce bouquin, introuvable, car ‘retiré de la vente puisque dépassé par le progrès de la science’, sic. J’ai fini, têtu, par aller chez Flammarion, enquêter. Un archiviste a entendu ma plaidoirie, m’a emmené dans les sous-sols et m’a montré une caisse pleine de cet ouvrage destiné au pilon. Ouf, merci, il m’en a discrètement donné un exemplaire (j’aurais dû en demander 2 ou 3 pour le même prix…
Il est exact que, sur des points de détails, cet imposant ouvrage (2 tomes de 17 x 26 cm faisant ensemble environ 800 pages, pesant bien 3 kg.) est ‘dépassé’… comme l’est par exemple la si ‘Grande Encyclopédie’ de Diderot et d’Alembert. Que l’on consulte toujours avec délectation, tant l’effort collectif de l’époque fut fécond, en particulier dans l’alliance des textes et des illustrations. Et là, l’analogie s’impose. Le génie de l’auteur, c’est l’alliance des dessins pédagogiques et inventifs (près de 400 !) ou des rares photos, avec sa ‘dissertation’, parfaitement enlevée. Du bel ouvrage, à la fois très littéraire (c'est-à-dire agréable !) et très construit, sobrement. Le premier tome - ‘la ciel, la terre, la vie’- comporte d’abord une brillante première partie : ‘Espace et temps – Force et matière’. Le second - ‘la plante, l’animal, l’homme’ se décompose en quatre parties : ‘la plante, les invertébrés, les vertébrés, les primates’. Voilà le programme de ce ‘Panorama de la science moderne à la portée de tous’ ! Son auteur est le D° F.Kahn, dont l’éditeur ne dit rien, sinon que la parution initiale de son livre est en allemand, chez un éditeur de Zurich (la première édition française est de 1958, j’ai dû l’avoir en 1973). Herr Doctor F.Kahn est donc Suisse Alémanique ou Allemand. Cela ne se sent que dans ses belles références au grand poète philosophe Goethe. J’ai tenté d’en savoir plus sur Google, mais en vain : Il y a 72 pages sur ‘Kahn’ ou ‘Khan’… et 718 en tout, si l’on veut poursuivre ! (sur ‘le livre de la nature de F.Kahn’, vous trouverez 2 vendeurs). Je suppose que sa première édition à Zurich doit dater d’environ 1955, soit dix ans après le régime nazi. C’est dire que, pour moi, cet ouvrage reste important, puisqu’il m’a réconcilié avec la pensée humaniste et créatrice de l’allemand, si perturbée par le nazisme !… Il est aussi probable que l’auteur soit juif et ait pu fuir, ‘se réfugiant’ à réaliser son œuvre gigantesque… Mais j’ai bien sûr oublié cet aspect des choses, plus tard : je relit régulièrement des passages de cet ouvrage, entre deux lectures. Il est devenu si l’on veut ‘ma bible’, mais une bible illustrée et ô combien foisonnante de clarté !
Presque toute sa lecture, dont l’éditeur nous dit qu’elle est ‘plus passionnante que celle de toutes les fictions’ (!) reste d’actualité. Les ‘réserves’ à avoir doivent surtout concerner, sans doute, le début – puisqu’on en sait beaucoup plus sur ‘l’espace-temps’ et ‘le ciel’ qu’il y a 55 ans – et la fin, puisqu’on a également beaucoup progressé - merci Yves Coppens ! – dans l’étude des primates et de l’homme. Sans tomber dans le grossier racisme de ‘l’homme blanc supérieur’, l’auteur reste marqué de l’idéologie de son époque : ce n’est que vers 1960-70 que les scientifiques ont commencé d’abandonner le mot ‘race’ pour l’étude de l’espèce humaine, et c’est en 1998 qu’Albert Jacquard a publié le merveilleux livre ‘L’équation du nénuphar’ (ou ‘les plaisirs de la science’). Dans lequel il tord le cou, avec brio, au concept de ‘race humaine’ (réédition en poche en 2005, à 3,50 euros, offrez-vous ça !)… Avec ce petit régal en complément du gros pavé qu’est ‘le livre de la nature’, je suis gâté : à défaut d’avoir ‘poursuivi de grosses et savantes études’, je poursuis ainsi mon petit bonhomme de chemin d’autodidacte. Quitte, en tant que citoyen conscient de la si grande nature et de la si petite nature humaine en son sein, à aimer surtout vagabonder ailleurs, vers la poésie et la photographie ! Sans oublier d’écouter ‘cette musique qui nous vient des étoiles’…