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Etat chronique de poésie 891

Publié le 17 mai 2010 par Xavierlaine081

891

La douleur est impalpable mais elle demeure.

Ce qui ne se dit plane dans l’air, porté par un vent qui jamais ne s’arrête.

Des nuées, subrepticement, s’amoncellent, larguent leur pluie froide, et s’en vont.

Lorsque la marée s’en vient, couvrant le sable et les rochers, voici la boue qui suit, comme si la plaie des fonds marins cherchait, sans y arriver, à se cautériser.

« C’est déjà du passé, il faut regarder devant »

Mais les mots ne servent qu’à cacher la peur tellement présente.

*

Ici la variété vocale des oiseaux s’envenime.

Ils croisent leurs chants dans le petit matin frais, balancent leurs vocalises d’arbre en arbre, de futaie en futaie.

Le regard est insuffisant à les apercevoir, mais leurs gorges déployées appellent le jour.

*

Et le jour s’en vient.

Le sommeil traîne un peu plus en longueur : il faut repousser les limites de la fatigue accumulée, se laisser bercer encore un peu dans la quiétude du mouvement des marées, retrouver le sens d’un rythme plus conforme à l’absence d’obligations.

On marche sur la grève, à marée basse : les galets roulés et perforés se dissimulent sous le sable, d’étranges coraux se sont déposés, discrètement.

Au loin la vague se rapproche avec le vent froid prémonitoire de haute marée.

La foule dispersée erre sur la digue.

Les navires restent à quai, attendent un signe pour s’évader vers d’autres rivages.

L’esprit les suit, parfois les précède. On se prend à rêver d’appareiller pour quelque port lointain.

L’enfant qui sommeille reprend ses mots laissés en quelque carnet souterrain : « Lorsque je serai grand, je serai capitaine, et je ferai un long voyage. »

L’enfant présent se roule dans le sable, s’émerveille devant les algues déposées par la houle.

Un goéland frôle la balise, au bout du quai.

Le vent fait claquer les élingues contre le fer des mâts.

Un soleil timide vient nous réchauffer l’échine.

Le thé fumant dans la tasse, incite au rituel de se perdre dans l’odorante buée.

*

On est ici.

On est ailleurs.

Ce qui compte, c’est l’instant.

.

Saint Pierre d’Oléron, 5 avril 2010

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