Bulletin de santé de l'économie américaine: la "reprise" n'est qu'un mirage

Publié le 16 mai 2010 par Objectifliberte
Pendant que nous tremblions devant le psycho-drachme grec et ses possibles répercussions pour l'ensemble de la zone Euro, nous parvenaient des USA des indicateurs plutôt rassurants: la reprise "serait là" et bien là. 3,4% en rythme annualisé. Pas mal !
Rien ne saurait me faire plus plaisir que de pouvoir entamer le choeur de la reprise et l'Ave Obamaria, parce que les perspectives d'écroulement généralisées des états providence occidentaux risquent de faire très mal à beaucoup de monde, et que tout ce qui pourrait nous en éloigner serait pain bénit.
Mais dès que l'on gratte la surface des chiffres positifs, l'enthousiasme retombe très vite.

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Reprise de l'emploi ? Si les chiffres de l'emploi sont enfin légèrement positifs, avec un solde net de 290 000 emplois en avril, il ne faut pas perdre de vue la perspective plus large: d'avril 2009 à 2010, 1,38 millions d'emplois ont été perdus, et le BLS reconnaît lui même que la stagnation de la population considérée comme active alors que la population globale a encore augmenté de 2,1 millions, provient d'une amplification du découragement des éléments les moins employables de la force de travail. Ce qui dégonfle artificiellement les comptes du chômage.

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Reprise ? "Où sont les rentrées fiscales ?" - Un premier indicateurs du caractère curieux de cette "reprise" est l'absence de sa traduction dans les rentrées fiscales - Bloomberg

The excess of spending over revenue rose to $82.7 billion last month compared with a $20.9 billion gap in April 2009, (...)  It was the second April deficit since 1983 and exceeded the median forecast in a Bloomberg News survey.

April marked a record 19th straight monthly shortfall, highlighting the challenges facing the Obama administration. Deterioration in the government’s balance sheet in coming years raises the risk of higher interest rates even as an improving economy helps lift tax receipts.

(..)

The government’s April budget deficit compares with a median forecast of $57.9 billion, according to a Bloomberg survey of 30 economists. Projections ranged from deficits of $20 billion to $90 billion.

The last time the U.S. had back-to-back April deficits was 1963-1964. The government has reported budget surpluses in 43 of the past 56 Aprils. For the fiscal year that began in October, the budget deficit totaled $799.7 billion compared with $802.3 billion during the same period last year.

(...)


Ajoutons que si les impôts "corporate" ont augmenté de 8% à 77 milliards, ceux payés par les ménages ont chuté de 11% à 500 Mds.
Bref: le mois d'avril est rarement en déficit, du fait du calendrier des rentrées fiscales aux USA. Et pourtant, cette fois ci, le déficit bat toutes les prévisions au plus haut de la fourchette estimative. Or, le déficit sur les 7 premiers mois de l'année fiscale est très légèrement inférieur à celui de la même période fin 2008-2009. Donc, cela signifie que la situation fiscale, qui pouvait sembler s'améliorer sur le premier semestre, a gravement rechuté en Avril. Simple accident de parcours ? Les impôts encaissés en Avril concernent sûrement un calcul de revenus basé sur l'année précédente, mais cela mériterait des analyses plus fines. Selon la formule consacrée, je suis preneur de tout lien utile pour approfondir la question.
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Rechute immobilière en mai - Pire, le mois de mai s'annonce très morose, puisque les mesures d'aide à l'immobilier se sont arrêtées, et que dès les premiers jours de mai, plusieurs marchés de grandes métropoles s'effondrent à nouveau.

  Metros With Price Reduction Levels At 30% Or More

RANKCITYSTATELISTINGS WITH PRICE REDUCTIONSAVERAGE REDUCTION

1MinneapolisMN40%8%

2MilwaukeeWI37%9%

3BaltimoreMD35%11%

4PhoenixAZ33%13%

5DallasTX32%9%

6JacksonvilleFL31%11%

7MesaAZ31%12%

8Kansas CityMO31%8%

9BostonMA31%6%

10ColumbusOH30%8%

11ClevelandOH30%12%

12NashvilleTN30%8%

Source: Trulia, Inc.
Une telle rechute risque d'alimenter plus encore la dynamique des "défauts stratégiques", ces défauts de débiteurs qui peuvent payer mais choisissent de ne pas le faire parce que payer des intérêts sur 400 000 pour un bien qui n'en vaut plus que 200 et n'a aucune chance d'en revaloir 400 dans un horizon raisonnable n'a pas de sens.
Ce serait salutaire, si les économies occidentales savaient gérer les faillites bancaires sans en avoir peur et sans ouvrir les vannes du contribuables à chaque perspective de coup de tabac...

Non, les ennuis des banques US ne sont pas terminés. Enfin, des banques ordinaires. 

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Merci la FED ! - Car ceci dit, les très grosses banques, grâce au bailout de la FED, affichent des résultats flatteurs, merci pour elles, et contre toute attente, je dois bien l'avouer. So says Bloomberg:

Bank of America Corp., JPMorgan Chase & Co. and Goldman Sachs Group Inc., the first, second and fifth-biggest U.S. banks by assets, all said in regulatory filings that they had zero days of trading losses in the first quarter. Citigroup Inc., the third-largest, doesn’t break out its daily trading revenue by quarter. It recorded a profit on each trading day, two people with knowledge of the results said.

“The trading profits of the Street is just another way of measuring the subsidy the Fed is giving to the banks,” said Christopher Whalen, managing director of Torrance, California- based Institutional Risk Analytics. “It’s a transfer from savers to banks.”

The trading results, which helped the banks report higher quarterly profit than analysts estimated even as unemployment stagnated at a 27-year high, came with a big assist from the Federal Reserve. The U.S. central bank helped lenders by holding short-term borrowing costs near zero, giving them a chance to profit by carrying even 10-year government notes that yielded an average of 3.70 percent last quarter.


Si on met à part une perte exceptionnelle de 7 Mds pour Morgan Stanley, ni la chute continue de l'immobilier, ni le retour aux normes comptables FASB167 ne semble troubler les géants bancaires.

Hypothèse: l'essentiel de leurs actifs toxiques ont été déjà refourgués à la FED qui encaisse seule les pertes. Mais c'est invérifiable tant que l'Audit de la banque centrale US, tant attendu, est rejeté par le sénat...

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Un gigantesque gâchis - Le journal financier Barron's, analysant les tableaux ci dessus, estime que non seulement la fin du crédit d'impôts marque le début d'un nouvel halali sur les crédits immobiliers, mais que la subvention n'a fait que permettre aux vendeurs d'augmenter les prix artificiellement, comme en témoigne l'accélération de la vitesse de la baisse constatée dans les marchés ci dessus depuis 15 jours. Enfin, la baisse (souhaitable, de mon point de vue contrariant) de l'immobilier n'a été que retardée, et la dette supplémentaire subséquente de l'état fédéral contractée en vue de ce programme n'aura servi à rien.
The preliminary evidence seems to be that the government's subsidies may have altered the timing of some sales, but not their total. Once the subsidy lapses, sales revert to their natural trend. But the debts incurred by the federal government to pay the subsidies remain. And that doesn't make sense.
Répétons le: aux USA comme ici, les aides publiques ne vont pas aider à sortir de la crise mais vont l'aggraver. Effet d'aubaine, quand tu nous tiens...
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Encore beaucoup de moisi dans les placards - J'ai affirmé à plusieurs reprises que les banques US trainaient pour intégrer leurs pertes dans leurs bilans, et qu'elles craignaient plus que tout le retour à une philosophie comptable plus proche des  règles de mark to market effective depuis janvier.
Selon Realty Trac, le revendeur numéro un de maisons saisies sur faillites aux USA, un nombre croissant d'emprunteurs s'arrêtent purement et simplement de payer... et attendent qu'il se passe quelque chose, et ne voient rien venir. Les banques, officiellement, sont débordées. Selon un officiel de RealtyTrac
"The fact that we have six to six and a half million loans that are either seriously delinquent or in foreclosure also suggests we are not nearly out of the woods. If we just started to absorb that inventory at the pace we're currently seeing new foreclosure proceedings we have about a 50 to 55 month supply of loans that yet have yet to be processed, so we have a way to go before we are out of the mess."
Je n'achète pas cette explication facile, du moins pas seule. Tant qu'une situation de retard de paiement n'est pas enregistrée, elle n'apparait pas au bilan. Tant qu'elle n'est qu'un "Non Performing Loan", elle apparait "moins" au bilan. Les banques touchées par le phénomène cherchent à gagner du temps.
En pure perte.
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Etats fédérés en crise - "Allo, la Grèce ? Ici les USA. Pareil que chez vous !" - Les états fédérés s'enfoncent dans la faillite réelle. Combien de Grèces potentielles en zone dollar ? De fait, les situations sont assez similaires: monnaie unique, pas de possibilité de fabriquer sa monnaie, et reflux des investisseurs du marché des "munis", les obligations émises par les collectivités sub-fédérales aux USA.
Désastre budgétaire des états: voir cette carte interactive

La Californie : Un petit slide vaut mieux qu'un long discours... cliquez sur ce lien pour comprendre la situation. Schwarzie annonce 13 milliards de coupes budgétaires, et espère 3 milliards de sauvetage fédéral, ainsi que 3 autres milliards de prêts de la part des états mieux portants.

Ajoutons que de nombreuses communes de l'état, dont L.A., sont également au bord du gouffre.


L'Illinois :
L'état d'Illinois franchit un pas que les autres états en difficulté n'avaient pas encore envisagé - il arrête de payer ses factures, ce qui n'est pas sans conséquence sur les fournisseurs concernés... :
Paralyzed by the worst deficit in its history, the state has fallen months behind in paying what it owes to businesses and organizations, pushing some of them to the edge of bankruptcy.

Illinois isn't bothering with the formality of issuing IOUs, as California did last year. It simply doesn't pay.

Plenty of states face major deficits as the recession continues. They're cutting services or raising taxes or expanding gambling to close the gap. But Illinois is taking the extra step of ignoring bills.

Right now, $4.4 billion worth of bills, some dating back to October, are sitting in the Illinois comptroller's office waiting to be paid someday.


Alors qu'au New Jersey,face à une situation comparable, le gouverneur Christie a déjà prononcé des coupes budgétaires drastiques et a fait savoir aux syndicats, lesquels, naturellement, s'y opposent, qu'ils pouvaient "aller se faire voir", en Illinois, le Gouverneur Quinn se couche devant les syndicats et promet d'augmenter les impôts fortement pour maintenir les privilèges des fonctionnaires syndiqués.

Chicago connaîtra la même triste décrépitude que détroit: les forces vives de l'Illinois iront se relocaliser ailleurs ! Dans le New Jersey ? Et les syndicats accuseront le grand méchant marché.

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Syndicats US: la même infamie que chez nous
Le livre de Steve Greenhut, "Plunder", explique comment les syndicats de fonctionnaires fédérés ont plongé leurs états employeurs dans le rouge en accaparant pour eux même l'essentiel des fruits de la croissance des rentrées fiscales des années faussement fastes. Dans cet article très détaillé du City Journal, Greenhut dévoile la puissance des syndicats des  employés de l'état californien, et dans celui ci, rappelle qu'ils sont devenu une nomenklatura. j'avais déjà cité cet extrait, mais il mérite d'être relu:
One class of Americans is doing quite well: government workers. Their pay levels are soaring, they enjoy unmatched benefits, and they remain largely immune from layoffs, except for some overly publicized cutbacks around the margins. To make matters worse, government employees—thanks largely to the power of their unions—have carved out special protections that exempt them from many of the rules that other working Americans must live by. California has been on the cutting edge of this dangerous trend, which has essentially turned government employees into a special class of citizens.
When I recently appeared on Glenn Beck’s TV show to discuss California’s dreadful fiscal situation, I mentioned that in Orange County, where I had been a columnist for the Orange County Register, the average pay and benefits package for firefighters was $175,000 per year. After the show, I heard from viewers who couldn’t believe the figure, but it’s true. Firefighters, like all public-safety officials in California, also receive a gold-plated retirement plan: a defined-benefit annual pension that offers 90 percent or more of the worker’s final year’s pay, guaranteed for the rest of his life (and the life of his spouse).
As I document in my new book, Plunder!, government employees of all stripes have manipulated the system to spike their pensions. Because California bases pensions for employees on their final year’s salary, some workers move to other jurisdictions for just that final year to increase their pay and thus the pension. Even government employees convicted of on-the-job crimes continue to collect benefits.
Even in these tough times, public employees continue to press city councils for retroactive pension increases, which amount to gifts of public funds for past services. Officials fear the clout that these unions, especially police and fire unions, wield on Election Day.
The story doesn’t end with the imbalance in pay and benefits. Government workers also enjoy absurd protections. The Los Angeles Times did a recent series about the city’s public school district, which doesn’t even try to fire incompetent teachers and is seldom able to get rid of those credibly accused of misconduct or abuse.
A state law referred to as the Peace Officers Bill of Rights, along with excessive privacy restrictions, likewise makes it nearly impossible to fire police officers who abuse their authority.
The media have finally started to take notice, largely because of some impossible-to-ignore financial excesses, particularly the tens of billions of dollars in “unfunded liabilities”—that is, future debt—run up by politicians more interested in pleasing union officials than in looking after the public’s finances. News reports have also focused on scandals at CalPERS, the California Public Employees’ Retirement System, which has faced record losses after making risky leveraged investments in bizarre real-estate deals. (The government pension system encourages such risky behavior: with defined-benefit systems, union members stand to gain if the investments go well, while taxpayers shoulder the burden if they don’t.) Meanwhile, the Los Angeles Times reported on a politically connected insider who received $53 million in finder’s fees from CalPERS, raising questions of pay-to-play deals.
But the real scandal is a two-tier society where government workers enjoy benefits far in excess of those for whom they supposedly work. 
Et oui, les employés du privé peuvent bien crever sous les taxes et le chômage, les syndicalistes du public ne lâcheront pas leur plan de retraite plaqué or. Le socialisme, qui prétend parler au coeur des électeurs de l'injustice des marchés, est d'abord un égoïsme. Là bas comme ailleurs...

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Une synthèse - L'analyste Andy Xie, dont j'apprécie régulièrement les chroniques chinoises, fait une synthèse complète des arguments ci dessus dans un "quatre pages" pour le journal pékinois Caixin, et arrive lui aussi à la conclusion que la "reprise en V" est plus que fragile... "V Means Vulnerable"-  Sa conclusion:

One factor is common globally: the central role of stimulus. Most governments have been counting on stimulus to resuscitate their economies. As I have argued many times before, an economy tends to have a major misalignment of supply and demand after a big bubble phase. An adjustment takes time.

Trying to regenerate high growth through stimulus, rather than patiently waiting for a market realignment, leads to rising inflation rates. When inflation sparks panic, rapid tightening becomes inevitable. And that triggers another crisis. I'm afraid this is exactly what's in store for 2012.

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Bref, en guise de conclusion, si les marchés deviennent fous, c'est pour de bonnes raisons: L'Europe brûle, l'Amérique brûle, la Chine commence à chauffer, et les gouvernements s'ébaudrillent dans une joyeuse improvisation économique keynesiano-brownienne, dans de subtiles variations autour du thème "2 à 3 points de croissance bidon financés par 20 points de dette réelles".
La reprise est un mirage, et quoiqu'en disent les politiciens, les épargnants du monde entier sont en train de s'en rendre compte.
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