Réalisateur de 12h08 à l'est de Bucarest (film auquel Bertrand Tavernier voue une très grande admiration, gage de qualité selon moi, alors que je n'ai pas vu le film), Corneliu Porumboiu revenait sur le devant de la scène en 2009 avec Politist, adjectiv, film pour lequel le metteur en scène obtint le prix du jury au Festival de Cannes 2009 dans la section Un certain regard.
Oeuvre remarquable traitant notamment de la thématique du langage ainsi que de la dichotomie existant entre le sens établi des mots et leur signification subjective en fonction des individus (mettant ainsi en avant leur acception toute relative), le film de Porumboiu risque de laisser de marbre, voire d'exaspérer des spectateurs habitués à une action continue. En effet, le réalisateur travaille sur la longueur de ses séquences, étirant ces dernières au maximum par le biais de plans fixes que d'aucuns exécreront, tandis que d'autres s'y laisseront totalement hypnotiser.
Racontant l'histoire d'un agent de police chargé de prendre en filature un adolescent soupçonné de dealer de petites quantités de haschich, Politist, adjectiv décrit le refus du policier de procéder à l'arrestation du jeune homme, pour ne pas avoir sur la conscience son emprisonnement, sanction selon lui obsolète pour un délit qu'il considère comme mineur.
Sur ce canevas, le metteur en scène procède à une analyse extrêmement pertinente de la signification des mots et de leurs sens fluctuants (voir à ce titre la scène de l'entrevue finale entre le policier et son chef, à la lisière du surréalisme), tout en plongeant le spectateur dans le quotidien de ses protagonistes à travers des plans séquence d'une longueur véritablement envoûtante pour qui acceptera de s'y abandonner. Ainsi, la scène où l'on assiste au repas du policier tandis que sa compagne écoute une chanson dans une autre pièce est d'une immersion extrêmement rare, le tout filmé en un plan fixe de plus de 5 minutes. L'on devine ici l'attrait du metteur en scène pour une approche naturaliste, et l'on pense ainsi souvent à Bruno Dumont, autre réalisateur naturaliste s'il en est.
Ce type de plans abonde dans le métrage, et apporte au film son exceptionnelle singularité, la gestion du temps constituant un véritable tour de force de la part du réalisateur. Par ailleurs, les deux tiers du film se déroulent sans aucun dialogues. Ce parti-pris participe pleinement non seulement de la thématique du film (le véritable langage ne passe pas par les mots), mais rappelle également que le cinéma est avant tout affaire d'image et de construction des plans (le cinéma muet en est l'exemple irréfutable).
Politist, adjectiv constitue donc un film à découvrir de toute urgence, tant il bouleverse les codes modernes de rythme cinématographique. Par ailleurs, son propos est d'une intelligence telle que ce serait pécher que de passer à côté.
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