Bonjour David, lorsque l'on visite votre site (www.davidsala.com), on découvre un artiste protéiforme: à la fois photographe, illustrateur, auteur de bandes dessinées...quelle est votre formation initiale? Vers quel Art, en premier lieu, penche votre stylet?J’ai suivi une formation artistique classique, cinq années d’études de dessin à l’école Emile Cohl de Lyon.Les quelques disciplines que je pratique me semblent liées, je ne parviens pas à les segmenter tout simplement parce qu’elles participent de la même dynamique, j’applique différentes techniques pour finalement dire à peu près la même chose.
Lorsque l'on découvre La colère de Banshee, on est subjugué immédiatement par l'époustouflante beauté du graphisme, charmé par le choix de ce "doré" qui domine et l'on pense forcément à Gustave Klimt. Avez-vous consciemment été inspiré par le peintre? En effet c’est un parti pris que j’ai souhaité dès le départ, dès la première lecture du texte de Jean-François Chabas : « elle est vêtue ,aujourd’hui, de sa robe d’or… » , comment résister ! Sur ce livre là, j’ai bien entendu volontairement appuyé le parallèle avec Klimt, mais de manière plus générale, je dirais que tout mon travail a profondément été marqué par le sien, ainsi que par celui d’Egon Schiele.
Comment est née cette idée de travailler sur le doré? Comment se nomme cette technique de surimpression qui donne envie aux doigts de toucher la robe de soleil de Banshee?
L’ajout de doré a été décidé assez tardivement dans l’élaboration du livre. L’idée s’est imposée petit à petit, à mesure de l’avancement de mes images. Le doré est en réalité une cinquième couleur dont je définis l’emplacement. Il est retranscrit sur un calque informatique et enfin ajouté par l’imprimeur.
Vous semblez dessiner comme un peintre. C'est à dire que vous semblez beaucoup travailler sur les perspectives, privilégier des bandes de couleurs qui font sens, utiliser des techniques impressionnistes.... je me trompe?Votre comparaison me flatte beaucoup, mais tout ceci n’est qu’une illusion. Bien qu’utilisant un médium similaire (la peinture à l’huile) cela reste bel et bien de l’illustration. Je suis au service d’un texte, et bien qu’une part de symbolisme se glisse parfois, mes images sont seulement narratives.Mais je ne désespère pas, un jour, de me confronter à la montagne qu’est la peinture.Banshee est un personnage de l'imaginaire irlandais: vous êtes-vous inspiré d'illustrations celtiques? Pas directement. Mais c’est un univers que je connais assez bien, qui a marqué mes premières années d’apprentissage.Vous représentez la terrible colère de Banshee, la plus puissante fée d'Irlande avec beaucoup de douceur et de rondeur. Pourquoi? Est-ce parce que votre public est enfantin? Je crois qu’avant tout je me laisse porter par ce que m’évoque le texte, il s’adresse en effet à de jeunes lecteurs et de ce fait cela influe indéniablement sur la manière dont je vais traiter mes images.
Comment avez-vous construit ce personnage? L'avez-vous "croqué" immédiatement en petite blonde capricieuse et frémissante de rage?C’est vrai que « Banshee », s’est matérialisée assez vite, dès les premières recherches et dès les premiers croquis. Il faut croire qu’elle n’était pas très loin.
Le texte de Jean-François Chabas est extrêmement poétique. Comment avez-vous réussi, selon vous, à être fidèle à son imaginaire?En réalité je ne suis fidèle qu’a mon propre imaginaire. Un livre est une collaboration, où chacun enrichit le travail de l’autre, Et paradoxalement, il faut parfois trahir le texte pour le restituer pleinement. L’image de doit pas répéter ce que les mots disent parfaitement, elle doit parfois même savoir « désobéir » pour espérer dire ce qui n’est pas écrit.
Vos dessins fourmillent de petites choses fines, fleurs dans les cheveux, arabesques, coquelicots...diriez-vous que les détails font tout? Une image doit fonctionner d’abord dans son plus simple appareil avant d’envisager de lui donner plus de relief par l’ajout d’ornements et de motifs décoratifs. Un peu comme en musique, où les arrangements amplifient les harmonies de la mélodie.
Vous avez illustré d'autres livres pour enfants? Lesquels? Quelles difficultés peut-on rencontrer, lorsqu'on est illustrateur, vis à vis des auteurs?Je ne suis encore qu’un débutant, je n’ai illustré que deux albums, la « Tatoueur de ciel « était le premier.Je n’ai pour l’instant rencontré aucune difficulté à travailler avec un auteur. Une collaboration c’est avant tout une rencontre (même si dans la plupart des cas on ne se rencontre pas physiquement), qui doit déboucher sur une confiance mutuelle.
Dans La Colère de Banshee, vous aspergez la page de couleurs rieuses. Vos illustrations pour adultes semblent, au contraire, plonger dans le sombre, flirter avec le noir et blanc. Pourquoi? Est-ce un hasard? Une esthétique choisie et revendiquée?Je n’ai pas de formule toute prête. Mes illustrations pour « adultes » sont plus sombres parce que je traite de sujets plus sombres. Mais de manière plus générale, il me semble important, quand on est illustrateur, de chasser avec force tout systématisme. Céder à la facilité en se réfugiant derrière un savoir faire ou des astuces peut vite devenir du maniérisme.De chaque texte s’échappe un sentiment, un univers ou une émotion singulière, qui me semble impossible de retranscrire avec une seule et même « couleur ».
Enfin, avez-vous d'autres projets en cours?Je viens de terminer une nouvelle Bande Dessinée, le tome 2 de la série « One of Us » qui devrait sortir au mois de juin prochain, et je prépare un nouvel album jeunesse aux éditions Casterman sur un très beau texte de Jean-François Chabas