Webby award, ça rime avec youpi. Et joli. Enfin, si tant est qu'on enlève "award". Ca rime aussi avec awkward. En laissant "award". Et en un tour de langue, tout est dit. Car chaque année, le palmarès des Webby Awards offre à l'internaute sourcilleux une bouffée de plaisir extatique, en dénichant et récompensant les sites les plus innovants, les plus esthétiques, les plus ergonomiques, et, comme le réseau est aussi une niche à WTF, les plus absurdes, forcément. Débauche de superlatifs pour cette cérémonie organisée par IADAS, l'International Academy for Digital Arts and Sciences, composée de 750 membres, "anciens vainqueurs et nominés des Webby Awards" et "professionnels d'Internet". Belle brochette que voilà: le simpsonesque Matt Groening, David Bowie, du Google, du Virgin ou du Huffington Post... Dévoilé en début du mois, le palmarès des webby se divise en quatre catégories: "websites", "interactive advertising", "online film and video" et "mobile web sites". De grands ensembles, eux-mêmes morcelés en de nombreux sous-groupes – plus de soixante pour la seule catégorie "websites". Autant dire que naviguer dans cette sélection, c'est un peu comme entrer dans un bon restaurant. Ravi par la diversité et la rigueur du service, on est tout de même un peu perdu sous l'opulence des plats offerts. Limite du budget et de l'appétit, impossible de tout goûter. Un dilemme qui se termine souvent par une valeur-refuge, une assiette connue, qui rassure. Une petite quiche. Des nems. Un burger.Peu effrayée par les activités chronophages, je suis allée fureter dans la liste des grands vainqueurs des webby. Histoire de vous faire tester les meilleures étrangetés, nappées de ce délicieux confort que seul vous procure DCDL.
Le mot en question était donc "Yasasin".
Mais j'ignore encore sa signification.
Distancé par le méritant HBOimagine, le site du Sputnik Observatory m'a évidemment intriguée par sa dénomination. Pas de russes derrière tout cela, mais une institution new-yorkaise affirmant que "la pensée n'est qu'énergie".Mis en évidence sur la home du site, un alphabet inversé, adossé à des images et des termes étranges. Au hasard, je clique sur P : s'affiche le terme "plenum" sur fond de ciel éventré. Autre clic sur l'image : une nuée de vidéos m'est proposée, reliée à cette thématique qui m'échappe encore. Je lis sous une des vignettes: "Bubble universes". Clic, un physicien japonais apparaît et évoque l'"hyperspace", les "bubble universes", donc, le Big Bang, aussi. Retour à l'alphabet, le Y s'associe à un lézard et à un mot désormais oublié. Sachant depuis peu que 20% des lézards allaient disparaître d'ici 2080, et chargée d'affection pour l'animal, je clique. Nouvelles vidéos. J'opte pour celle intitulée "supranormal frequencies". Et ainsi de suite. Le B de "behave" me mène à un poisson porc-épic, suivi d'un scientifique évoquant la danse et la biologie. Le D de "dust", à une pouponnière d'étoiles, puis à l'impératif de vivre sur deux planètes.En raison de leur courte durée, les vidéos n'endorment en rien la déambulation du visiteur. Déambulation qui, à condition de s'être enregistré sur le site, peut-être sauvegardée et publiée sur le site. D'ailleurs à retrouver ici, le Roi Lézard et les univers-bulles.
Jim, juste Jim.
Jim Carrey. Du centipède au bébé pressé / Webby award dans la catégorie "Celebrity/Fan"Jim Carrey est fou. Une inspection en règle de son site concrétise toute suspicion. Dans un univers technico-onirique, les multiples visages de l'acteur vous fixent et foutent un peu les miquettes. A la fois beau gosse, Grinch grille-pain végétal ou The Mask robotique, Jim vous invite à découvrir sa carrière dans un point-and-click géant, qui permet de naviguer dans le site, d'écouter des répliques de film complètement jetées ou detomber sur des vidéos cachées. Et c'est là que ça devient vraiment inquiétant. Parce que voir Jim Carrey engloutir un mini Jim Carrey dans un enfer digne de Bosch, passe encore, mais l'entendre dire à sa femme: "You're squeezing the baby ! You're a bad MOTHER !", là c'est carrément insoutenable.
Les tortillas rendent-elles fou ?
Asylum 626 . Du Doritos psychiatrique / Webby award dans la catégorie "Food/Beverage"La mode est aujourd'hui à l'intéractivité, aux réalité/virtualité augmentées, et les marques y vont chacune de leur petit sketch. Ici, Magnum, là, 13eme Rue. L'internaute charge une photo et hop, il apparaît dans un film promotionnel. Le rendu est divertissant, mais rarement parfait: l'avatar est trop souvent apathique, les yeux figés. Dans le cas qui nous intéresse, c'est Doritos qui s'y colle. Et la marque à la tortilla y va fort: un film d'horreur qui mobilise webcam et micro. Révolutionnaire ! Grandiose ! Sauf que, non. Si le film est bien ficelé, l'interaction est finalement assez peu présente. Virtualité moyennement augmentée. Seul point qui vaut le coup d'oeil, l'enregistrement des réactions des différents cobayes, qui apparaissent en fin d'expérience. Mais au-delà de cette tiède expérience, je ne comprends pas la stratégie de la publicité (attention, ce qui suit révèle des clés de l'intrigue). En effet, ce spot plonge l'internaute dans la peau d'un individu interné en hôpital psychiatrique. Docteurs tarés, patients flippants, murmures en écho et... un paquet de Doritos en remède. Les bras m'en tombent.
Cat pooh crossbow family sandwich.
L'ensemble des nominés de la catégorie "Weird"Impossible de choisir ici parmi les nominés. Parce qu'Internet est le bizarre incarné, les prétendants au titre étaient nombreux. Et les nominés sont l'exact reflet du côté absurde du réseau.
- Selleck Waterfall Sandwich. Grand gagnant de la liste. Un joyau d'absurdité. Rien à ajouter, tout est dans le nom.
- FAIL Blog. Le site qui a eu les faveurs du public. Panoplie de #fails, comme on dit de nos jours.
- Awkward Family Photos. Le grand classique, recelant de trésors familiaux, de la famille Mickey aux adorateurs de l'arbalète.
- Cute Overload. Si Internet est peuplé d'humains et d'algorithmes, les chats en sont leurs divinités. Tout comme leurs "so cute" extensions à fourrure. Ne cherchez pas, c'est comme ça.
- I can Haz Cheezburger ? Encore et toujours du LOLcat. Gros bonnet du milieu, la Cheezburger family compte notamment dans ses rangs le blog Epic Fail. La mafia du net.
Kent.
En dessert, visites expressPour finir, quelques curiosités et grands incontournables qui méritent mention et coup d'oeil.
- Male Coppy Writer (webby award des catégories "Self promotion/Portfolio" et "Best Home page")
Parce qu'un moustachu nu en double page. Parce que des vidéos de gens qui gloussent "couillou-couillou" au téléphone.
- Davidlynch.com presents interview project (webby award dans la catégorie "Documentary: series")
Parce que le projet et l'interface vidéo convainquent par leur grande sobriété. Mais surtout parce que je suis tombée amoureuse de Kent.
- Mind Lab (webby award dans la catégorie "Science")
Parce qu'il est question d'illusions d'optiques expliquées par des scientifiques japonais. Et que les japonais font toujours de l'excellent travail. Interactif, rigoureux, ludique: comme un Science & Vie Junior.
- Pixar Intro Parody (webby award dans la catégorie "Animation")
Parce que ces petits fripons de College Humor. Parce que les lampes de bureau sont étrangement antropomorphes.
- Indexed (webby award dans la catégorie "Personal blog/Website")
Parce que la vie devrait être une succession de schémas.
Il est bon de préciser que les très grands du web ont également été récompensés par cette cérémonie. Je parle de ces sites sans lesquels Internet n'aurait ni la même forme, ni les mêmes orientations. Je parle de ces sites que nous sommes allées visiter lors de notre toute première connexion; de ceux vers lesquels on se tourne lorsque nos favoris sont épuisés. Les ultimes, en vrac: NYTimes, NASA, Mashable, Twitter, The Onion, The Huffington Post, et j'en oublie. Félicitations à eux et longue vie au réseau.