Si le nom de Damu The Fudgemunk ne vous dit absolument rien, vous avez peut être en revanche déjà du écouter le fruit de son travail, notamment sur l’excellent Travel At Your Own Place de Y Society (2007), ou sur les différents projets de Panacea. Producteur extrêmement discret à l’allure nonchalante, ce natif de Washington D.C est devenu au fil du temps un expert en matière de sonorités rap 90’s et de jazz cotonneux. Lorsque ce dernier ne se trouve pas parqué entre les quatre murs de son studio, c’est dans les rues bondées de New York qu’il trouve son second terrain de jeu pour des exhibitions musicales qui confèrent presque au happening.
C’est alors seul au milieu de la foule, accompagné de ses Technics et de sa MPC jonchée de disquettes colorées, que la moitié de Y Society diffuse avec hâte quelques titres épars de son nouveau projet How It Should Sound vol.1&2, qui regroupe des instrumentaux inédits réalisés entre 2003 et 2008.
Loin de la simple compilation de chutes de studio, ce nouvel opus confirme tout le bien que l’on pensait de ce producteur de l’ombre. Sa musique à la fois synthétique et mélodieuse offre une riche palette de sonorités jazz élaborées sur une structure boom bap solide et bien sentie. Les deux volumes respectent ainsi un équilibre qualitatif au point de rendre difficile toute préférence pour l’un ou pour l’autre. Proche de ce que pouvait offrir un Pete Rock au milieu des années 1990 (cf. Lost & Found), les productions s’enchaînent avec une régularité étonnante, évitant avec brio l’écueil de la compil’ « fourre-tout » totalement incohérente. Car en fin limier, Damu s’est engagé depuis ses débuts sur une ligne artistique nette et précise, d’où la présence prépondérante du jazz insufflée à cette sélection de haute prestation et que l’on retrouve sur des morceaux de choix tels que « Another Introduction », « Judgement Day », « Figment », ou le doucereux « Straight From The Harp ». L’auditeur pourra alors gouter aux plaisirs de l’égarement musical sans risquer la moindre fausse note.
Que l’on découvre ou non cet artiste méconnu, le résultat reste inchangé. Damu The Fudgemunk nous dégotte ici un melting-pot savoureux, sorte de madeleine proustienne qui nous ramène au début des années 1990, à une époque où le rap-jazz devenait une véritable branche spécifique du rap. C’est donc sans risque mais avec une approche intelligente pleine de panache que How It Should Sound prend la forme d’un revival généreux qui ravira les amateurs du genre. A posséder absolument.