Une chronique de Nico
Dorénavant dans le cinéma, il faudra considérer l'année 2010 comme l'an 1 après - le nouveau cinéma de - JC (James Cameron).
Oui, Avatar est une date. Faut vraiment être borné pour ne pas voir en Avatar une véritable évolution (technique) du cinéma.
Quand je parle d'évolution, je parle des effets spéciaux et de la performance capture (merci Gollum d'ailleurs). Non mais, vous ne vous imaginez même pas la mornifle que je me suis prise en Août lors de l'Avatar day, entouré de fans absolus venant voir le nouveau Cameron comme certains vont à la messe.
Oui, le maître du monde était bel et bien allé filmer sur une autre planète. Bizarre sensation de photoréalisme quand même. Les pinailleurs qui vont me dire "Oui mais sur ce plan là, au ralenti, on voit bien que le personnage est trop fluide pour être crédible", ces pinailleurs là, ils n'aiment pas le cinéma.
Pour ce qui est de la révolution de la 3D, là je suis plus sceptique. Non pas que Cameron ne s'en serve pas correctement, c'est même le contraire (et fallait voir Aliens of the deep aussi), mais vous avouerez qu'aujourd'hui on peut en avoir marre de lire toutes les minutes une annonce d'un nouveau blockbuster converti en 3D. Et cette 3D là, non merci. Je boycotte.
Avatar n'est pas un chef-d’œuvre parce que techniquement il vous met un aller retour dans la poire, non, c'est un chef-d’œuvre parce que son histoire est tout simplement superbe. Les histoires universelles, ça marche toujours. Rappelez vous Joseph Campbell et le "monomythe". Ben oui, inconsciemment le public aime les films s'y rapportant.
Le cinéma depuis son invention ne cesse de répéter les mêmes quelques histoires (un héros se découvrant, une histoire d'amour...), avec quelques variantes et mélanges. Avatar est un film simplement générationnel et universel. Logique avec la volonté de rentabiliser un tournage pharaonique estimé à près de 500 millions de dollars, mais logique aussi avec les intentions de Cameron (à savoir sensibiliser la population mondiale aux problèmes écologiques).
Qu'est ce que ça fait plaisir de voir un succès pareil, surtout qu'il ne fallait pas qu'il se plante après Titanic.
Et là, pouf, encore une merveille !
Le scénario d'Avatar est aussi limpide que celui de Titanic, qui je le rappelle est connu pour être quasiment parfait d'un point de vue strictement narratif.
Pour Avatar, voyez le début du film : en 10 minutes, il nous présente tous les personnages, toutes leurs motivations, le décor et le thème du film.
Voilà la preuve du talent de conteur de Cameron.
Pas une scène inutile jusqu'à la fin du film et une démonstration constante de l'intelligence du metteur en scène.
Vous voulez quelques exemples ?
Regardez bien la scène de présentation de Quarritch, le bad guy : premier plan sur les bottes, suivi par un plan sur le flingue. Là, l'uniforme passe avant le personnage. On sait qu'il sera belliqueux, notamment inconsciemment parce qu'il marche de la droite vers la gauche. Ensuite, plan sur sa cicatrice (ouch ! le mec c'est un dur à cuire !) puis enfin plan sur sa tête. Le tout sur un discours paternaliste. On sait que le mec, c'est pas un guignol et qu'il va péter un câble.
J'en profite aussi pour souligner la première phrase de Quarritch ("You're not in Kansas anymore, ladies and gentlemen, you are on Pandora") qui renvoie bien entendu au Magicien d'Oz de Victor Fleming (1939), connu pour être l'un des films les plus vus et surtout pour ses images passant de tons sépia (le Kansas) à la couleur (le pays d'Oz, en technicolor).
Regardez bien sa présentation avec le héros : l'un en fauteuil roulant au ras du sol et l'autre en haut de son mécha. Deux personnages dépendants d'appareils mécaniques, l'un en position de force par rapport à l'autre. L'un coincé sur son fauteuil roulant malgré lui, l'autre installé dans un robot gigantesque lui permettant d'amplifier ses mouvements pour décupler ses forces. Ce doigt mécanique tendu au moment où Quarritch dit à Jake qu'il va lui rendre ses "vraies jambes", n'est ce pas une belle preuve du talent du réalisateur ?
Le film est thématiquement très dense (questionnements sur la vie, le réel) et a tout l'air d'un mélange des tendances culturelles de ces 10 dernières années (cinéma asiatique, jeux vidéos, écologie, technologie en haut de liste).
En effet, on ne peut nier l'importance du cinéma d'animation japonais dans Avatar, celui de Miyazaki en tête (écologie, montagnes flottantes...). Ce plan de Neytiri chevauchant la panthère n'est pas sans rappeler Mononoké sur sa louve. Et puis le plan du mecha de Quarritch sautant du vaisseau en feu semble typique de ce genre.
On ne peut pas ne pas penser à ces joueurs en ligne se connectant à leur avatar d'elfe bleu de la forêt, et à leur dépendance limite maladive pour certains. Un peu comme Jake se connectant dans son monde et oubliant de manger et se laver lorsqu'il se déconnecte.
A ce propos, formidables plans de tubes de cryogénisation, cercueil, caisson de connexion se faisant écho, et idée géniale de commencer le film par un plan sur un seul œil qui s'ouvre (sur une lumière bleue) et [attention spoiler !] de terminer le film sur deux yeux qui s'ouvrent (le thème du rêve revient souvent d'ailleurs).
D'ailleurs, le fait que Jake soit dans un fauteuil roulant et doive se connecter pour aller s'immerger sur la planète Pandora n'est-il pas une image du spectateur assis dans sa salle et mettant des lunettes 3D pour (pour la majorité) la première fois afin de se plonger dans le film ?
Comment ne pas voir les différents peuples d'Amazonie au travers de l'histoire des Na'vi ?
Mais comment ne pas penser également au terme "avatar" qui en Inde évoque l'incarnation d'une divinité sur Terre répondant à un besoin de l'humanité.
Comme quoi le film n'est pas qu'un film sur le colonialisme.
Et à ceux qui disent que c'est un simple copié-collé de Pocahontas... Et alors ? C'est carrément ça l'idée, en fait. Ca n'est pas négatif, que je sache. C'est juste une façon de nous faire comprendre que l'Histoire se répète. Le Nouveau Monde est simplement différent.
Ben ouais, je sais, Danse avec les loups, Stargate, Atlantide, le Dernier Samouraï... sont passés par là. Peu importe, non ?
Bref, le scénario d'Avatar est excellent.
Il permet aussi à Cameron de faire le point sur sa carrière, de reprendre ses préoccupations, de nous raconter une nouvelle histoire où l'Homme est confronté à la Nature. Et il se fait plaisir en s'auto-citant avec ce plan de cheval en feu rappelant ceux du jardin d'enfant du générique de T2, Jake (Jack ?) accroché à un missile (True lies ?), ces hélicoptères et une Trudy Chacon très proches d'Aliens, et la végétation de Pandora très Abyss.
Tiens, et si on parlait de la cohérence et de la crédibilité scientifique ? Non, parce que j'adooooore les gens qui ne se sentent pas dépaysés. Moi, personnellement, je suis déjà dépaysé quand je regarde un documentaire sur la forêt amazonienne, mais bon, les détracteurs semblent blasés...
Outre l'idée absolument géniale (et surtout extrêmement passionnante) selon laquelle la planète entière vivrait en symbiose et se comporterait comme un cerveau, le design des créatures est bluffant. Tenez par exemple, beaucoup reprochent au look des Na'vi d'être trop proche de nous. Ben ouais, c'est logique, sans ça pas d'identification.
Du coup comment justifier le fait qu'ils n'aient que quatre membres au lieu d'être des hexapodes comme tous les autres animaux de cette planète ? Et bien Cameron a pensé à tout. Les lémuriens entraperçus ne sont pas si inutiles que ça : regardez bien leurs bras. Leurs deux paires de membres supérieurs ont semble-t-il fusionné au cours de l'évolution. De ce fait leurs bras sont "collés" et seuls leurs avant-bras possédants trois doigts au bout sont séparés. Il est évident qu'au cours de l'évolution les ayant amené à devenir des Na'vi (facile à comprendre hein), ceux-ci ont vu leurs avant-bras à leur tour se souder pour aboutir à une seule paire de membres supérieurs à 4 doigts.
Le lien entre la faune et la flore est également assez recherché. C'est un détail mais le plan où l'on voit le cheval "butiner" comme un colibri avec sa longue langue adaptée à la fleur n'est pas si inutile mais ajoute à la cohérence de l'univers. Tout comme le fait de trouver dans la forêt des éléments mi-animaux mi-végétaux, comme ces espèces de coraux...
Et puis vous avez remarqué les habits des Na'vi ? Les espèces d'élytres de coléoptères leur permettant de se protéger lorsqu'ils montent sur les dragons, c'est pas une trouvaille ça ?
C'est le genre de souci de la crédibilité que j'admire.
En parlant de détail et de cohérence, il y a un truc amusant que j'ai noté et qui, s'il n'est pas important dans le film, peut amener à se poser des questions sur la perception d'un film selon qu'il est en 3D ou 2D. A un moment, nous voyons des photos sur un frigo. Sauf qu'en visionnant le film en 3D, les photos sont elles aussi en 3D, ce qui n'est pas montré lors de la vision du film en 2D. On ne se doute pas que les photos sont en 3D si on regarde le film en 2D (alors qu'ils auraient pu le montrer facilement). On perd donc un élément de l'histoire. Je sais, ca n'est rien dans le cas présent, mais c'est une information : " la technologie du futur permet de faire des photos en 3D sans lunettes (je sais que ça existe déjà)". C'est un élément contextuel dans ce film et je me demande juste si ce genre d'exemple ne peut pas se reproduire sur d'autres films et pour des trucs plus importants pour l'immersion du spectateur.
Vous n’avez rien compris ? Pas grave...
Un mot sur le son : dommage que les bruits des "chevaux" soit celui des vélociraptors de Jurassic park. Est-ce un clin d'œil ? Je n'ai pas entendu le cri Wilhelm, mais il doit bien y être...
La musique de James "talalalaaaa" Horner ne m'avait pas semblé extraordinaire, mais il faut avouer qu'après quelques séances, elle est accrocheuse finalement.
Test bluray
Image :
La plus belle du support HD. Une perfection absolue due à l'espace de stockage utilisé.
Une profondeur de champ démente et des couleurs resplendissantes. Une définition impossible à décrire.
J'ai préféré la 2D de ce bluray à la projection 3D.
Reste la question de la réception par les spectateurs. S'il respecte scrupuleusement les intentions du réalisateur (au point d'ailleurs d'être présenté en 1.78 contrairement à la majorité des salles l'ayant diffusé recadré en 2.35), il ne faut pas se méprendre : tous les films ne doivent pas ressembler à Avatar, et le grain de la plupart ne doit jamais disparaître sous prétexte que le public veut une image "comme pour Avatar".
Son :
Une VO (et vraiment, il faut le voir en VO) assez impressionnante mais légèrement en retrait au niveau de certaines ambiances.
Une utilisation intelligente des canaux, des basses surpuissantes. Une bonne expérience, un peu en-dessous de celle du Seigneur des anneaux.
Rien à dire de plus, vous l'avez déjà tous, j'imagine…