15 - 05
2010
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Ayant finalement renoncé au chemin de croix du Pass cinéphiles à Cannes, abdiqué donc à regrets pour cette édition 2010, j'ai néanmoins une bonne nouvelle pour les lecteurs du blog : le privilège de pouvoir reprendre ici, avec son aval, les critiques de films d'un "envoyé spécial" à Cannes particulièrement cinéphile et opiniâtre, privilégiant la formidable moisson de films présentés sur la Croisette aux chronophages fêtes cannoises, le journaliste Benoit Thevenin du blog Laterna Magika.
Arrivé le jeudi dans la nuit à Cannes, Benoit a déjà rattrapé tous les films en compétition officielle présentés depuis l'ouverture... le français "Tournée" de Mathieu Amalric, le chinois "Chongking blues" de Xiaoshuai Wang, le premier des deux films coréens de la sélection, "The Housemaid" de Im Sang-so, le britannique "Another year" de Mike Lee. Et ce n'est pas tout, il a même pris le temps d'aller voir quatre films à la Quinzaine des réalisateurs... Contrairement aux avis glanés ici et là dans les médias, sur le net, Benoit a aimé "Chongking blues", film qui suscité un ennui pas toujours poli, préféré "The Housemaid" original, chef d'oeuvre du cinéma coréen des années 60, à son remake pourtant brillant, pas du tout accroché sur Mike Leigh avec "Another year". "Tournée" est pour l'instant son coup de coeur.
(Pour ma part, je prendrai le relais avec le reprise à Paris des toutes les sections parallèles à partir du 26 mai.)
"La Servante” ("The Housemaid") de Kim Ki-Young, l'original 1960, en téléchargement gratuir sur "The Auteurs"
"La Servante” ("The Housemaid)", le remake 2010 de Im Sang-so "TOURNEE" (Mathieu Amalric), la critique de Benoit Thevenin en direct de Cannes
sortie 30 juin 2010
"Tournée" est le film idéal pour démarrer les festivités et Cannes ne s’en plaindra pas. La charge délicate, peut-être préjudiciable, d’ouvrir la compétition à la Palme d’Or incombe donc au précieux Mathieu Amalric. Cet honneur lui revient effectivement naturellement tant Tournée constitue une bouffée d’air frais, est un film chaleureux et enthousiasmant. En ces temps de morosité, et le Festival de Cannes – entre contexte économique et météo capricieuse – n’y échappe pas, on apprécie d’autant mieux.
Indépendamment du contexte dans lequel le film a été découvert, Tournée constitue une excellente surprise. Mathieu Almalric n’est pas seulement un acteur passionnant, façonné par Desplechin mais pas seulement, il est aussi un cinéaste qui avec ses armes s’est déjà joliment débattu ("Mange ta soupe", "Le Stade de Wimbledon"). Tournée consacre sa sensibilité de metteur en scène autant que sa personnalité d’artiste au sens le plus large possible. Le film est un film d’acteur, sur la communauté du spectacle pour gfaire simple, certes, mais pas seulement. Tournée est autant un cri d’amour passionné à l’artisanat du spectacle, qu’aux femmes, au moins.
Amalric incarne lui-même un ancien producteur de télévision reconvertit promoteur d’un show burlesque d’effeuillage. Ses danseuses, il est allé les chercher aux Etats-Unis. Il leur a sans doute promis Paris, sauf que lui a en réalité ses raisons pour fuir la capitale.
"Tournée" (photo Le Pacte)
La tournée commence au Havre et finira à Toulon, et Paris constituera quasiment un mirage avec des filles qui seront rapidement livrées à elle-même, Joaquim Zand (Mathieu Amalric) se débattant entre plusieurs feux brûlants. Le personnage de Joaquim est parait-il en partie inspiré par le producteur de cinéma Humbert Balsan, lequel a déjà été le modèle pour le héros du "Père de mes enfants" de Mia Hansen-love, un film réalisé en son hommage. Là, l’hommage ne va pas directement à Balsan, plutôt aux filles et au spectacle, mais le lien avec le personnage du "Père de mes enfants" est tout de même perceptible, tant les deux personnages se débattent puissamment pour faire vivre des chimères presque utopiques.
Le film est alors très décousu, s’éparpille dans plusieurs directions qui sont celles prises par le personnage, mais sans qu’Amalric ne perde le film. Ce côté bouillonnant est particulièrement bien maitrisé, la cohérence n’est jamais galvaudée, et Amalric distille à merveille toute l’énergie du film. Les délicieuses actrices qui sont au coeur du film n’y sont pas pour rien. Elles sont belles, ont de fortes personnalités, une envie débordante de s’amuser. La farce cotoie de près quelques aspects un peu plus affectés, mais selon un équilibre parfait. Il n’y a semble-t-il aucune minute en trop dans Tournée. C’est un film vivifiant, enthousiasmant, qui donne envie d’embrasser la vie passionnément et sans se laisser ni marcher dessus, ni freiner par les quelques barrières inévitables qui s’opposent toujours. L’enthousiasme du film, en plus porté par une belle bande-son, est largement communicatif.
Woody Allen et Naomi Watts sur les marches pour "You will meet a tall dark stranger" (photo Isabelle Vautier)
Petit résumé des temps forts de vendredi 14 et samedi 15 mai...
Le début du WE a été marqué par l'affluence autour des films hors compétition de deux réalisateurs stars. Le vendredi 14 mai ,"Wall St, money never sleeps" d'Oliver Stone dont on apprend en conférence de presse que son propre père était trader... Une montée des marches très demandée, un service d'ordre musclé, avec Michael Douglas, Shia Lebeuf, et George Lucas en invité surprise. Idem pour le samedi 15 mai où on se bouculait sur les marches pour voir "You will meet a tall dark stranger", le nouveau Woody Allen avec Naomi Watts. Deux films qui ont suscité un enthousiasme modéré... en sortant de la salle... Un seul film en compétition par jour pour ce début de grand WE, le vendredi, "Housemaid", remake d'un film coréen de 1960, le samedi, "Another year" qui a occasionné une mystérieuse colère de Mike Lee contre un journaliste en conférence de presse ; le dimanche, on attend Bertrand Tavernier avec le second film français en compétition "La Princesse de Montpensier", adapté d'une nouvelle de Madame de Lafayette, et le film africain "Un Homme qui crie" de Mahamat-Saleh Haroun. Deux séances de nuit seulement au programme cette année, deux films hors compétition : "Kaboom", le dernier Gregg Araki samedi soir et "L'Autre monde" de Gilles Marchand dimanche soir, un thriller virtuel avec un beau casting : Grégoire Leprince-Ringuet (déjà dans "La Princesse de Montpensier"), Louise Bourgoin et Melvil Poupaud....
Aussi, comme on s'y attendait en lisant le programme dès le mois d'avril, les sections parallèles font salle comble : A Un Certain regard, vendredi "Chatroom", premier film sur internet du japonais Hideo Nakata, samedi, le tout jeune prodige canadien Xavier Dolan (découvert l'année dernière pour son premier film "J'ai tué ma mère"), avec "Les Amours imaginaires" et le grand réalisateur allemand de l'Ecole de Berlin Christoph Hochhäusler avec "Under dir die stadt" ("The City below"). Mais ce qui semble avoir distrait le festivalier blasé, fédéré les people et la presse chic à l'Espace Miramar ce samedi soir, c'est l'histoire d'un pneu... "Rubber" de Quentin Dupieux à la Semaine de la critique...
Cannes Classic n'est pas de reste qui a sorti cette année l'artillerie lourde pour remonter le temps : Alain Delon et Claudia Cardinale pour la copie restaurée du "Guépard" de Visconti le vendredi, Catherine Deneuve et Almodovar pour présenter "Tristana" de Bunuel le samedi.. Vu un mini-reportage touchant sur Alain Delon dans le carré de la salle Debussy avant d'entrer dans la salle disant qu'il n'avait pas revu "Le Guépard" depuis 47 ans, qu'il ne pourrait pas y échapper à Cannes pour la reprise... mais que cela lui ferait du mal, lui et Claudia Cardinale étant les seuls survivants du film, Visconti, Reggiani, Burt Lancaster, tous disparus.
Benicio Del Toro, membre du jury (photo Isabelle Vautier)
Mots-clés :Cannes 2010Tournée