Essai théâtral
Le charlatan
Personnages :
Guillaume Lavallière : rhéteur ou charlatan
Olivier de Monvachy : prince du pays des colombiers
Jacot Rive : courtisan
Scène IV
Acte III
Guillaume Lavallière, dont la verve par excellence ensorcelait les non-croyants, se baladait dans le pays des colombiers. Il avait choisi cette contrée car les habitants étaient de grands crédules et que le prince avait grande fortune, disait-on dans les contrées voisines. L’argent coulera facilement dans sa bourse d’infortuné, pensait-il. Mais en saura-t-il ainsi ?
Guillaume Lavallière
- Oyez...Oyez...Venez, messires, damoiseaux et damoiselles ! Approchez, approchez de plus près, n’ayez crainte de moi, j’ai grand remède à vous donner qui fera disparaitre tous vos maux. Un remède qui changera le plus sot en un être extraordinaire d’intelligence !
(dit-il en descendant de son vieux cheval blanc)
- Un remède qui vous rendra l’honneur si vous l’avez perdu ou la dignité si vous avez été cocufié, ou bien encore il donnera récompense aux voleurs.
- Venez, vous n’avez rien à perdre mais tout à gagner. J’en Elle ne vous coutera que quelques sous et elle vous apportera un vrai bonheur ! C’est la meilleure liqueur que j’ai pu servir. Je vous assure une réussite totale. Point ne vous rendra malade.
(dit-il avec belle éloquence, debout sur un tabouret)
- Je vous fais fort de m’apporter un âne, je vous le rendrai Maître passé ou bien lui ferai porter la soutane si je lui demande. Prenez garde à mon grand savoir faire, mes tours sont innombrables, dans les villes voisines j’ai rendu disert un badaud !
(S’adressant d’un ton fier à la foule)
Olivier de Monchavy
- Monsieur le beau rhéteur, j’ai justement un beau Roussin d’Arcadie qui me servirait bien d’orateur auprès de ma cour.
-Voyez vous nous avons déjà essayé mais rien n’y fait, cet animal est plus têtu que mon cochet ...
(explique-t-il en s’approchant du charlatan)
Guillaume Lavallière
- A votre service, messire...
(dit –il en coupant la parole tout en lui faisant une grande révérence)
Olivier de Monchavy
- Que l’on m’apporte l’âne ! Et vite !
(En se retournant vers le jardinier placé au fond de la scène)
- L’on verra bien de quoi est capable ce gredin...
(marmonne-t-il aux damoiseaux qui l’entourent)
Guillaume Lavallière
- Gentilhomme des près, écoutez mon oraison, je vous la livre comme une belle chanson.
Sire, sire de ces lieux
Je l’ai fait à mille lieux
Un manant est heureux
Un rustre est peureux
Sire, sire, osez prononcer
Votre ordre est exécuté
(Prononce-t-il d’une voix haute et forte)
Olivier de Monchavy
- Je m’incline, votre science est plus forte que ma connaissance. Prenez cette bourse
(De sa main droite, il la lui tend)
Guillaume Lavallière
- J’assure la réussite de votre âne. Faites-lui boire ce précieux breuvage et au bout de dix ans, il sera assis sur le banc de vos hauts conseillers.
(Il le rassura, et lui pose la main sur l’épaule)
- Fie de Dieu, j’en fais le serment ! Sinon, pendez-moi haut et court sur la place publique. Recouvrez-moi de ridicule, je vous l’accorde, si toutefois mon remède ne fonctionne pas.
(Implorant et tombant les deux genoux au sol)
- Oui pendez-moi, rendez mes oreilles comme celle d’un Baudet et collez mon alchimie dans mon dos. Mais point vous n’aurez à faire car la réussite est au bout de mes doigts.
(dit-il d’une voix complaisante tout en courbant le dos)
Jacot Rive
- Que nénies celui – là ! J’ le verrai bien suspendu au bout d’une corde ce gredin là !
(Souffla-t-il dans l’oreille du prince)
- Sa grâce et sa prestance aurait bonne mine, j’suis sûre ! Et plus encore, s’il se souvint de tout son discours. J’suis sure, sire, que cela deviendrait pathétique de voir ce Cicéron servir les larrons ! Et que nous autre, avant l’affaire nous mourrons ! C’est pure folie que de compter sur dix ans de vie, nous pouvons mourir bien avant, alors buvons, festoyons, sire car nous devons à la mort trois fois plus de notre vie !
(Ricane-t-il de bon cœur)
L’histoire
Un charlatan parcourant les villes du monde entier, rempli sa bourse d’écu d’or, sur le dos des benêts, en leur vendant sa science de tout temps tel un bon comédien sur scène ou dans la vie jusqu’au jour ou il se fera prendre à son propre piège.