Choses vues et tellement ressenties

Publié le 15 mai 2010 par Toulousejoyce

Les personnes sensibles feraient mieux de s'abstenir de lire cette note.

Je n'étais pas encore entrée dans cette profession; 11 juillet 1978, j'allais avoir 28 ans un mois -moins un jour- plus tard et je demeurais impasse Lavidalie à Toulouse, avec ma fille âgée de 8 ans. Depuis qu'elle m'avait parlé de la "lumière" autour des gens, environ 4 ans plus tôt, je dois dire qu'il m'arrivait de plus en plus de lire des ouvrages sur ces histoires "surnaturelles" comme je disais. Je lisais des histoires de Dame Blanche, des contes et légendes de telles ou telles autres province, la bête du Gévaudan, des ouvrages d'ufologie, sur la psychologie; bref, je farfouillais dans les rayons du bibliobus sans m'attacher à m'inféoder à une direction précise.

Si vous croyez que je m'acharnais sur un bout de viande pour savoir si j'avais le don de guérisseuse, vous vous trompez. A cette époque, je lisais  c'est tout, je ne faisais pas d'expériences. Mais, j'ai toujours pensé que pour bien comprendre il fallait expérimenter et donc, j'ai tout de même voulu faire des "expériences", pour me rendre compte par moi-même comme j'ai toujours fais jusqu'à maintenant. Je ne me laisse rien imposer des autres qui ne soit frappé du coin du bon sens.

Et encore, expérience est vraiment un mot très fort: quelles furent-elles? J'ai magnétisé un bout de viande, oui: durant trois jours. Pas la peine de faire plus, la viande était sèche comme du bois et noire comme pourrait l'être un morceau de momie égyptienne. J'ai magnétisé mes plantes pour les faire pousser; mais, je n'ai pas la main verte. Et oui, c'est incroyable, je fais germer des graines à la vitesse sidérale (disons, plus vite que ne le fait dame Nature) mais, les plantes vertes en voient de toutes les couleurs avec moi: je les arrose trop ou pas assez; bref, je suis mauvaise jardinière, je fais tout à contretemps.

J'ai aussi tenté d'enregistrer la voix de décédés dans le vide comme il sied, mais je n'ai rien entendu. Les morts ne sont jamais venus aux rendez-vous. Et donc, j'ai abandonné au bout de trois jours. J'ai tenté l'écriture automatique et je n'ai eu que des gribouillis. Bref, si j'avais été raisonnable, j'aurais dû vite cesser de me croire "super-naturelle": j'utilise n'importe quel qualificatif mais, croyez-moi, ce n'est pas parce que j'utiliserais les mots que d'autres inventent pour se faire voir et reconnaître comme des initié que je serais meilleure.

Ma blague coutumière, depuis 27 ans, quand la consultation se termine et que l'interlocuteur ou trice me dire: enfin, on verra bien. Je réponds aussitôt: ha non, c'est moi qui ai vu, c'est moi la voyante. Je les fais rire mais cela surprend toujours.

Ou bien, lorsque quelqu'un me demande: vous avez des flash? Je réponds pince sans rire: ha non, je ne suis pas un appareil photos! Je ne me prends pas au sérieux mais, ne vous mettez pas dans l'idée de vous moquer de ma profession devant moi, vous seriez vite ramassé-e! Je ne m'autorise qu'à moi-même de me moquer de mon travail. Serait-ce un petit reste de mon enfance où j'ai toujours fais ou dit l'inverse de ce que l'on tentait de m'obliger à faire?

J'étais, comme à l'accoutumée ce jour-là, en train de lire un ouvrage quelconque, appuyée sur la table de la cuisine: depuis que je sais lire, vous ne me verrez jamais assise chez moi sans tenir un livre dans les mains; j'ai plus de respect pour les livres que j'aime des chien-chiens à la mémère, c'est mon choix.  Mais, je ne fais pas de mal aux animaux; surtout s'ils n'aboient pas et ne me dérangent pas dans mes lectures.

Je me souviens de la robe que je portais; je me souviens de la chaleur de l'été toulousain; j'étais en train de lire et puis tout à coup j'ai entendu une formidable explosion dans ma tête; c'était un déchirement effroyable dans une grande boule de feu brûlante. J'en avais la bouche ouverte de surprise tant c'était violent et brutal. Mon corps sentait où il était, les fesses sur la chaise, le dos appuyé contre le dos de la chaise, le cendrier où se consumait une énième cigarette -je fumais énormément, deux à trois paquets par jour de gauloises filtre-; je sentais la chaleur de l'été, les mains moites de transpiration mais, j'étais aussi "dans" cette énorme boule de feu avec ces couleurs insoutenables du feu puissant, ardent, ravageur. Il me semblait être explosée en des milliards de cellules distinctes comme si le feu était dans mes cellules, j'englobais le vaste champ, ou la scène toute entière dans sa globalité. Je peux tenter d'expliquer, je n'y parviendrais pas et vous ne pouvez pas comprendre.

L'explosion n'en finissait pas d'être, le feu d'être ardent et violent: je sentais voler des tonnes d'acier et de plastique bouillant, tordus, enchevêtrés. J'ai vu tous, oui tous, les visages de ceux qui étaient vaporisés pour l'autre monde; j'ai vu leurs visages torturés, si étonnés. Et, en même temps, j'ai entendu les hurlements de douleur, les hurlements de la peur, les hurlements de la mort. Ces hurlements de blessés. J'ai vu, j'ai entendu, j'ai senti, ressenti de la façon que vous ne pouvez pas imaginer. Ecrire cela n'est même pas une torture, c'est inconcevable. Il n'y a aucun mot, aucun adjectif, aucun geste, aucun pleurs, aucune grimace: rien qui puisse vous l'exprimer.

Je me suis dressée toute roide et tendue pour essayer de chasser cette chose de dedans moi. Il m'a fallu serrer les dents et les poings pour que cela cesse. Quand ces choses, trucs ou comme vous voulez ont quitté ma tête et qu'à la place de l'indicible horreur inexplicable et insoutenable, l'image toute prosaïque et même, indécente, de mon réfrigérateur s'est imposée à mon regard, j'étais sans souffle, sidérée, figée, tremblante car quelque peu fébrile d'une sorte de maladie nouvelle. Quelque chose qui s'est produit et qui se reproduit encore aujourd'hui, autrement, différent mais pareil. J'ai regardé ma montre, trente minutes étaient passées depuis l'explosion; j'ai vécu trente minutes d'explosion perpétuelle et entendu les hurlements démentiels pendant trente minutes. Je tanguais un peu quand j'ai allumé la radio, posée sur le réfrigérateur et j'ai entendu un présentateur dire l'horreur de la dépêche qu'il devait "donner".

Le 11 Juillet 1978, Camping Los Alfaquès, Espagne.