Au cours des ces sept semaines du temps pascal, l’Eglise nous a invité à contempler le Christ ressuscité. C’est ce que nous rappelle le cierge pascal, qui représente le Christ ressuscité. C’est aussi ce que rappelle la couleur blanche (ou dorée) des vêtements liturgiques, symbole de la gloire de la Résurrection, de la lumière que les ténèbres n’ont pu éteindre. Dans une semaine, après la Pentecôte, le cierge pascal sera rangé, et, sauf pour les solennités, nous retrouverons la couleur verte qui caractérise le Temps Ordinaire.
Au cours du Temps pascal, nous avons célébré la victoire du Christ. Durant le Temps ordinaire, nous célébrons les efforts de l’Eglise pour annoncer cette victoire. C’est donc à juste titre que, maintenant que s’approche la fin des célébrations pascales, l’Eglise nous rappelle saint Etienne, le premier martyr ("protomartyr") chrétien, qui a témoigné de la victoire du Christ par la parole, par l’exemple, et jusque dans la mort.
Qui était saint Etienne, et pourquoi en est-il arrivé à être lapidé ? Les historiens nous apprennent qu’Etienne fut l’un des 72 disciples de Jésus. Les 12 Apôtres constituaient le cercle des plus proches disciples du Christ. Le cercle suivant était constitué par les 72. Ils ont suivi Jésus tout au long de sa vie publique et pris part aux premières activités missionnaires. Ainsi donc, saint Etienne a connu et suivi le Christ. Après la Pentecôte, alors que le nombre de chrétiens augmentait rapidement, le choix des Apôtres s’est porté naturellement sur pour faire partie des sept diacres à qui ils imposèrent les mains pour les assister dans leur ministère.
Mais Etienne était juif. Il brûlait d’un grand désir d’annoncer Jésus, le Messie, à ses frères de race. Et c’est ce qu’il a fait avec une éloquence inspirée, confirmée par des miracles. Malheureusement, beaucoup de Juifs n’étaient pas aussi zélés pour écouter sa prédication qu’Etienne pour la donner. Quand certains chef de la synagogue l’engagent dans un débat et qu’Etienne s’en sort très bien, ils ne l’ont pas digéré. Ils le font arrêter pour de fausses accusations et il est sommé de comparaître devant le Sanhédrin, la Cour Suprême de Jérusalem.
C’est là qu’Etienne fait un discours magistral qui résume toute l’histoire du salut, expliquant que Jésus est le Messie, et réfutant les objections des chefs de Jérusalem qui ne voulaient pas accepter le Christ.
Comment les membres du Sanhédrin réagissent-ils ? La Bible nous dit que leurs cœurs sont endurcis. Ils refusent de croire. Imaginez la douleur d’Etienne. Il a accompli des miracles au nom de Jésus, expliqué les Ecritures, réfuté tous leurs arguments et ouvert son cœur devant les dirigeants de son peuple, tout cela sans réussir à les convaincre. Ce disciple hors pair s’est heurté à un mur. Il ne serait pas étonnant si Etienne, à ce moment, a éprouvé une très grande tristesse, s’est senti découragé, jusqu’au désespoir. Il a pu penser que Dieu l’avait conduit devant le Sanhédrin justement pour convertir ces personnalités. Mais il avait failli. Il était un saint, mais humain aussi. Il a expérimenté la douleur du rejet, la frustration déconcertante de l’echec.
Voilà donc le contexte de la scène dont nous venons d’entendre le récit. Selon toutes les apparences, saint Etienne avait failli. Mais avait-il failli aux yeux du Christ ? Non! A ce moment crucial, où Etienne avait fait tout ce qui était en son pouvoir, et où les cœurs des Juifs étaient restés endurcis, Jésus vient à son secours.
Le Livre des Actes raconte qu’il
« regardait vers le ciel ; il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. »
Dans le Nouveau Testament, il y a plusieurs endroits où il est dit que Jésus est à la droite du Père, mais chaque fois, il est précisé qu’il est assis. Ceci est le seul passage où il est dit qu’il est debout. Il est debout pour venir au secours de son soldat, Etienne, qui souffre, dont le courage risque de flancher, qui ne sait plus quoi dire ni quoi faire sous le poids d’un échec apparent. Jésus renouvelle son courage et récompense sa fidélité.
Alors Etienne annonce ce qu’il voit, et les membres du Sanhédrin sont fous de rage. Ils se bouchent les oreilles, refusant d’entendre la vérité, exactement comme ils avaient fait avec Jésus. Ils courent vers Etienne et le saisissent, exactement comme avec Jésus. Ils le font mourir, comme ils ont fait mourir Jésus. Alors Etienne tombe à genoux, et perdant tout son sang, il achève son long plaidoyer en priant le Seigneur Jésus, attestant clairement par là sa divinité.
Et comme Jésus, mourant sur la croix, avait remis son esprit entre les mains du Père, ainsi Etienne recommande son âme entre les mains du Christ :
« Seigneur Jésus, reçois mon esprit. »
Puis, suivant toujours l’exemple de son Maître, lui aussi prie pour ses assassins :
« Seigneur, ne leur compte pas ce péché. »
Et c’est ainsi qu’il meurt.
Saint Etienne reproduit donc exactement la trame de la vie du Christ : tous les deux ont annoncé la Bonne Nouvelle, ont souffert à cause de cela, et aimé leurs ennemis. C’est aussi la trame de l’Eglise, qui, tout au long de l’histoire, annonce la Bonne Nouvelle, dans la souffrance et l’amour des pécheurs.
Chaque chrétien est l’Eglise en miniature, un autre Christ, et cette trame est aussi la voie de chaque chrétien vers la plénitude. Si nous passons notre vie en annonçant la Bonne Nouvelle du Christ par la parole et l’exemple, endurant toutes les souffrances dans la fidélité à la volonté de Dieu et l’enseignement de l’Eglise, souhaitant du bien à ceux qui nous veulent du mal, alors, tout comme Etienne, nous verrons le Christ en gloire. Nous aussi, nous recevrons la couronne de la victoire ("Etienne" veut dire "couronne" en grec), nous endormant dans le Seigneur, pour nous éveiller dans la maison du Père, pour le début d’une aventure sans fin.