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Léogâne, Port au Prince : témoignages d'haïtiens

Par Gangoueus @lareus
Léogâne, Port au Prince : témoignages d'haïtiensUne église détruiteVoilà quatre mois qu’un séisme d’une très forte magnitude a quasiment rasé Port-aux-Princes et certaines communes environnantes comme Léôgane. 210000 morts. En secouant son dos, la nature a fait en Ayiti, autant de dégâts que la bombe atomique à Hiroshima. Comme on pouvait s’y attendre, le soufflet médiatique autour de l’événement s’est effondré alors que la situation reste désespérée sur terrain.
Depuis un peu plus de deux mois, les haïtiens de la diaspora peuvent de nouveau se rendre sur l’ile. J’ai tenu à recueillir le témoignage de personnes de mon entourage qui ont fait le déplacement. Nadine, une jeune lycéenne de la banlieue parisienne. Hervé, travailleur haïtien dont la famille est en Ayiti. Mais, j’ai également relevé le propos d'Olivier, un pote, il y a un peu plus d’un mois, vivant ce drame haïtien depuis l’Ile-de-France. 
Le regard de Nadine.Port-au-Prince, point d’arrivée. Arrivée en journée. Les gens gardent l’espoir. Espérance en Dieu. Chant de cantiques. Joie d’une communauté qui se réunit à l’air libre.
Problème d’hygiène. Dans la ville. Pas possible. La chaleur.
Dans les milieux ruraux, on trouve plus des stocks d'eau, électricité, nourriture par rapport à la commune de Léogâne. Inflation des prix dans les villes. Décalage. Léôgane. C’est une grande ville. Proche de l’épicentre. Très touchée par le tremblement de terre.
Sur le terrain, à Léogâne, j’ai principalement vu des militaires américains et canadiens, la Croix Rouge Haïtienne. Les militaires pour calmer les populations, pour apaiser, pour permettre la circulation des véhicules. Des militaires américains sur le qui-vive.
3 fois par jour le repas (avec des vivres rapportés de France). Pas d’impact sur la maison (de ses parents). Pas de décès dans la famille. Une cousine morte au moment de son extraction d'un immeuble. Pas trop peur. Tension qui commence à monter par rapport à la sécurité.
De manière générale, pour la nourriture une personne par famille va chercher la nourriture auprès des organismes selon les besoins.
Mes grands parents continuent de pleurer sur leur maison. Appel aux services administratifs pour la destruction de la maison. Deuil difficile. Ecole en plein air pour occuper les gamins. Pas de scolarité.  Les écoles sont détruites.
Remplacement des cabanes de fortunes construites rapidement par des tentes.
Ma marraine est venue de Guadeloupe. Tour de la campagne avec elle. Beaucoup de maisons écrasées. Présentées par le guide. Chatulet – Chatuley. Marraine choquée. Maison sauvegardée. Accueil des habitants. Le peu qu’ils avaient, ils souhaitaient le partager. Enfants très maigres…
Achat de l’eau dans la rue. Puits d’eau pour se laver. Désespoir du grand père. Difficulté de se déplacer de l’homme. Mobilité de la grand-mère. 
Le plus dur fut le départ.
Ce que j’en pense. C’est émouvant. Je n’arrive pas à me mettre à leur place. Une dame m’a racontée qu’elle était assise sur une chaise. Sauvée par une étrangère. Chaise écrasée. C’était la première fois qu’il y ait un tel tremblement de terre.
Pas le sentiment que la reconstruction soit entamée à Léôgane. Début de reconstruction de l’église.
Les organisations étrangères, au moment où je rentre en France, ne sont pas vraiment organisées. Elles ne savent pas comment distribuer les vivres. Avant en Haïti, on trouvait peu de mendiants en arrivant à l’aéroport. Maintenant, je parlerai d'une centaine. Bonne volonté des organisations humanitaires, mais absence de méthode.
Beaucoup de respect pour Haïti. Elle s’en sort pas mal, malgré les catastrophes naturelles. 
Léogâne, Port au Prince : témoignages d'haïtiensMaison détruite à Léogâne
Hervé : "Je veux rentrer"
Le regard que porte Hervé sur Léogâne détruite est légèrement différent de celui de Nadine. Il vient de France aussi, mais il a fait toutes ses études sur l'île. Tous ses repères sont détruits. Le collège ou le lycée qu'il a fréquenté il y a quelques années ont été réduits à l'état de poussière.
Ce qu'il a vu est en dessous de la réalité des premières images diffusées sur les chaînes occidentales. Mais, je devrai commencer par préciser qu'il a retrouvé ses enfants en bonne santé. Les premières nouvelles laissaient entendre que sa mère avait disparu, mais il en était rien.
Si la violence du désastre et son ampleur ont ébranlé  Hervé,  l'accueil de la famille, des amis du quartier, et des populations locales lui a mis un baume au cœur.Sur place, il faut avoir un moral d'acier. C'est incroyable, mais c'est la vie.
Sur l'action des ONG et des organisations humanitaires, Hervé, au moment de son séjour, est extrêmement lucide :
"Leurs aides oui, mais par où commencer?"
A propos des solidarités, Hervé a été soutenu par son entreprise en Ile-de-France pour faire le voyage dans son pays et pouvoir être autonome et aider les gens sur place à Léôgâne.
Il y a eu beaucoup de morts dans cette commune de 200000 habitants. Près de 10000.
Un autre problème majeur est l'organisation des campements, en particulier sur la question des enfants, des adolescents. Certains d'entre eux possédant leur propre tente et s'affranchissant de cette manière de la tutelle des parents avec toutes les dérives possibles. Les attitudes de certains haïtiens de la diaspora présents sur place ne sont pas toujours marquées par le recul et la discrétion. D'après les observations d'Hervé, ce drame semble avoir rapproché dans ces campements, les haïtiens de toutes classes, dans une bonne harmonie. Tous ont perdu quelque chose.
Hervé a sillonné la commune en véhicule ou à pied. Tout est à refaire.
Gangoueus, il faut aller voir sur place ! 
Et il se demande à son retour en France, à quoi bon rester en région parisienne quand il voit l'ampleur de ce qu'il y a à reconstruire sur son ile? Cet échange fait suite au déblocage de 5 milliards de dollars par la communauté internationale. Mais, il est bien conscient que la logistique des organisations humanitaires, des armées onusienne, américaine et canadienne très présentes sur le terrain, puisera dans cette cagnotte. Les haïtiens ne peuvent par conséquent restés passifs. Hervé devra peaufiner sa stratégie de retour pour qu'elle soit efficace, utile pour son pays.
Léogâne, Port au Prince : témoignages d'haïtiensLes campements provisoiresOlivier, le drame de la distance.
C'est quelque chose que j'ai connu il y a quelques années. De manière différente, certes. Une guerre civile. Ta famille réfugiée quelque part sans que tu saches exactement si les obus pleuvent sur leur zone ou s'ils sont à l'abri. C'est avec mon ami Olivier, que j'ai pu ressentir de nouveau ce sentiment d'impuissance qui peut habiter celui qui suit à distance des calamités s'abattre sur les siens.
Il y a deux mois, mon frangin, m'expliquait qu'il avait eu sa sœur qui sur place, malgré les tragédies qui continuaient à toucher l'ile (une inondation avait touché la commune du fief familiale, Cavaillon, 1 mois après le tremblement de terre), elle gardait le sourire. Au grand dam, du désespoir de son frère outre-Atlantique. L'un culpabilisant d'évoluer dans un environnement beaucoup plus stable, plus sur, impuissant à cet instant face au sort de ses proches, l'autre s'étant armé de cette distance face aux événements qu'ils soient du fait de la gestion catastrophique de ce coin des Caraïbes, des caprices de la tectonique des plaques ou du courroux des cyclones.

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