RECIT DE VOYAGE
Editions Payot, 2000
Voici l'autre "face" du récit de voyage écrit par Ella Maillart, La voie cruelle, un récit beaucoup plus lyrique et poétique que celui de sa consoeur, qu'elle cite d'ailleurs très peu.
Rappelons le contexte en 1939 : les deux baroudeuses, Maillart et Schwarzenbach, décident d'aller jusqu'en Afghanistan, à bord d'une Ford. Ella, dans un but d'abord ethnologique et afin de guérir AnneMarie, ayant subi plusieurs cures de désintoxication. L'autre pour trouver l'éternelle terre des promesses, les rives perdues de l'enfance.
Instantanées magiques, brefs éclairs de l'instant et toute la nostalgie et la souffrance d'une âme en quête de l'absolu pour qui le voyage est tout sauf une évasion, un divertissement. Car pour elle, le voyage est une série de rencontres, de départs et d'adieux qui nous aident à comprendre les déceptions de la vie. Le refus de l'attache, les rencontres fortuites puis l'oubli. Même le souvenir n'est pas en mesure d'immortaliser ce que l'on a vu, ressenti. Annemarie déclare n'avoir retenu que des bribes, que quelques mots.
Et ce sont ces bribes qu'elle nous donne à admirer ; des sensations, des réflexions, des prises de consciences nostalgiques ou mélancoliques qu'elle a écrites dans une série d'articles ou dans son journal intime, publiés après sa mort. Des descriptions magiques du désert, des montagnes mais aussi d'inoubliables portraits de bédouins afghans et des femmes voilées.
Les moments de grâce sont très rares mais sublimes ; dominent l'inquiétude et la peur devant le cataclysme international qui se profile à l'horizon en 1940 ; AnneMarie retourne en Europe et médite sur la futilité des choses et le besoin d'être en communion avec ceux qui souffrent.
Un récit de voyage mais aussi et surtout un beau poème en prose où alternent monologues intérieurs et descriptions de paysages.
Ma prochaine lecture : La mort en Perse où comment trouver le désespoir et la mort au cours d'un voyage...