Le « Gothique », tout le monde en parle et tombe d’accord pour trouver ça bien, mais qui sait vraiment qui il est, le « Gothique »…
A-t-on raison de voir immédiatement des spectres gémissants ou des châteaux en rune dès lors que le mot est lâché…?
A la rédac, il y avait beaucoup d’opinions différentes, chacun voyait du « Gothique » un peu partout. Alors, il ne nous resta plus qu’une solution…
A la tombée de la nuit, nous sortîmes de leurs coffres anciens tous les grimoires que nous possédions, et lançâmes des incantations pour invoquer l’âme éternelle d »un Grand Maître…
Chacun pensait très fort à un auteur fétiche.
Tad, en transe, marmonna « Stephen… » jusqu’à ce que CC lui rappelle que le King vivait encore… Le Crétin de l’Ombre gémissait « François… »
Puis le tonnerre gronda lorsque la voix sépulcrale s’éleva…
« Qui ose m’invoquer, Moa, H.P. Lovecraft ! »
Tous se tournèrent vers Iso… « Désolé… » dit-il…
Nous étions tous foutus… Tad et Boris se jetèrent chacun sur une bière… Chiant comme il était, HPL allait ouvrir une porte dimensionnelle et nous projeter dans les abîmes de R’lyeh où nous allions surement tous mourir dans d’horribles souffrances…
L’ectoplasme de HPL se formait devant les rédacteurs et leurs amis (Tad, CC et le Crétin, qui ne manquèrent d’ailleurs pas de leur faire remarquer qu’ils étaient responsables mais pas coupables mais qu’ils auraient quand même leur mort sur la conscience…).
Master X déclencha la fonction enregistrement de son mp3, effaçant une magnifique compilation « self-made-black-indus-métal » dernier cri, mais tant pis, il avait une idée poétique…
« La Mort nous sourit, Son sourire est mortel, Comme un coup de truelle. Nous allons mourir, Notre Mort c’est HPL… »
ça y était… Devant nous, complètement formé, à moitié translucide, Lovecraft nous regardait en ricanant… Il murmura : « C’était pour déconner »…
The gravestone of H.P. Lovecraft, famed 20th-century horror writer.
…un peu plus tard…
Iso : Bon, d’abord, merci à toi, Howard, de nous accorder cet entretient avec un revenant… (Rires)… Alors, le « Gothique », tu connais ?
HPL : Bien sûr, j’ai même écrit un bouquin dessus. Épouvante et Surnaturel en littérature, par moi-même, chez Bourgeois Éditeur. A vrai dire, je situe les origines de la littérature de le « Gothique » à Coleridge et W. Blake, au XVIIIème siècle. Mais on peut trouver des origines plus lointaines dans les contes et récits folkloriques du moyen-âge, pleins de surnaturel et d »horreurs sataniques… « Faust » de Goethe, le fleuron de la poésie germanique, ou Macbeth de Shakespeare, contiennent déjà tous les ingrédients du « Gothique ». Notons d’ailleurs que ce goût du mystique et du récit fantastique reste une tradition très nordique, essentiellement anglo-saxonne et scandinave, dont les consonances dont donné les canons du « Gothique »… A mon humble avis, ce style, dans sa forme la plus authentique, a connu son apogée en 1796 avec le roman de M.G. Lewis, « Le moine »…
Master X : Ainsi, il existe des règles précises dans le « Gothique »
HPL : Oui, dans le sens où une histoire avec du « Gothique », c’est avant tout un récit fantastique et pas une histoire d’épouvante comme on le pense trop souvent… L’épouvante, c’est la peur physique, la peur d’une souffrance et d’une douleur charnelle. Le fantastique, c’est la peur cosmique, la puissance des forces inconnues et hostiles liguées contre la race humaine… Dans les récits fantastiques (à la différence des récits d’épouvante), les conséquences sont plus importantes et effrayantes que les causes mais…
Boris : Mais le « Gothique« , c »est pas QUE du fantastique…
HPL (énervé que quelqu’un lui coupe la parole) : Ben ouais, c’est comme ça, désolé ! Bon, j’m'tire, faut que j’y aille…
MX et Iso (à genoux, se traînant lamentablement par terre, s’arrachant les cheveux en se flagellant et criant en chœur tout en regardant Boris, cet impoli, de travers…) ! Non HPL, dit-nous-le, avant de repartir dans le monde des morts ! Que faut-il mettre pour que cela en soit ?
HPL : Ce que vous voulez ! Pourvu que vos joueurs soient horrifiés, excités, bouleversés ! Ils doivent avoir ressenti au plus profond d’eux-mêmes cette frayeur cosmique… Mais que cela soit vraiment du « Gothique », il faudra aussi te rappeler des classiques du XVIIème et XVIIIème, de savants mélanges d’exotisme fantastique oriental (coloré et féérique) et occidental (plus convaincu et horrible). Il y a aussi une intrique romantique. Il peut s’agir d’un amour platonique ou d’une passion dévorante, peu importe, ce sont les personnages (et leurs déchirements) qui comptent avant tout… Paysages hantés, sabbats de sorcières, châteaux délabrés, cryptes macabres, suspense démoniaque, visions lunaires, créatures surnaturelles assoiffées de sang et de chair, tempêtes interminables font, entre autres, aussi partie du tableau… Quant au traitement, c’est une affaire de style … Balzac, Dante, Dunsany, Doyle, Byron, Poe, Stoker, Goethe, Hawthorne, Hoffman, Lewis, Le Fanu, Maupassant, Machen, Molière, Stevenson, Baudelaire, Radcliffe, Shelley, Wallpole, Wells ou Wilde ont tous fait du « Gothique »… A leur manière…