Amené à alimenter le débat sur la réforme de notre système de retraites, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a délivré différents scénarii dont aucun n’est vraiment rassurant. A question complexe, réponse complexe. Alors que Martine Aubry réserve ses propositions, François Hollande estime qu’il ne faut pas se focaliser sur l’âge de départ ou la durée de cotisation mais, qu’il faut jouer sur “l’ensemble des paramètres”.
Avant d’entrer dans le vif du sujet il serait souhaitable que les différends interlocuteurs partagent quatre grands objectifs indissociables à assigner à la réforme : clarté, lisibilité, équité et acceptabilité. S’y ajoute une condition plus générale, préalable à l’adhésion d’une majorité de français : prendre le temps de laisser mûrir la réflexion.
Par essence, un système de retraite par répartition se doit d’être équilibré. La crise grecque a rappelé à tous les dangers d’une vie de cigale. Héritage d’empilage successifs de situations particulières, notre système de retraite n’est plus viable. La question de son financement offre l’occasion de le remettre à plat, de le simplifier, de l’universaliser et de l’adapter à un nouveau mode de vie dans lequel les trajectoires professionnelles ne sont plus linéaires mais chaotiques.
Réformer les retraites c’est quelque part jeter les bases de ce nouveau contrat social qui fait défaut à notre société en n’omettant pas, tout au long de la réflexion ceux qui restent au bord de la route, privés d’emploi.
L’équité nécessite d’être inventif et de mettre fin à certains corporatismes. Inventif par rapport à la question de la pénibilité, ferme par rapport à des situations injustes à l’image du décalage dans l’âge de départ effectif entre salariés du public et du privé, respectivement 58 et 62 ans. Inventif toujours face au particularisme qui fait de la France le seul pays industrialisé dans lequel, en moyenne, le niveau de vie des retraités est supérieur à celui des actifs. On se félicitera à cet égard que la fondation progressiste Terra Nova ait mis les pieds dans le plat. Étrangement, cette proposition de mise à contribution de certains retraités, qualifiée d’iconoclaste par l’Express, n’a trouvé aucun écho dans une classe politique très, très frileuse sur le sujet.
Glabre à souhait, François Hollande fait partie de ces hommes politiques qui pensent à 2012 en se rasant. Soucieux d’asseoir sa stature de présidentiable, le député de Corrèze s’est emparé de deux sujets lourds : la remise à plat de la fiscalité et des retraites.
Sur ce deuxième dossier, il a dévoilé une méthode en quatre points au micro d’Europe 1 : “d’abord faire travailler les seniors, sinon comment obtenir qu’ils aient la durée de cotisation nécessaire; deuxièmement trouver de nouvelles recettes, sur le travail comme sur le capital; troisièmement préparer l’avenir avec un fonds de réserve des retraites qui doit être alimenté. La quatrième piste, mais ça ne peut être qu’une quatrième piste, c’est de regarder en fonction de l’espérance de vie ce que l’on doit faire en termes de durée de cotisation. C’est en utilisant tous les paramètres que l’on peut avoir une position qui soit à la fois comprise des Français, juste dans les efforts demandés et en même temps durable dans ses conséquences“.
Pragmatique face à un monde qui évolue particulièrement vite, François Hollande propose également que les règles soient revues “tous les cinq ans” en fonction de “l’espérance de vie” et de la “pénibilité des métiers”. Xavier Bertrand prône à l’inverse une attitude proche de celle de l’autruche : “Dire que c’est une réforme seulement pour cinq ans, c’est pire pour les Français: c’est anxiogène, ça leur fait peur. Il faut leur donner une lisibilité beaucoup plus importante“.
Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que le débat sur les ressources du système de retraites est étroitement lié à celui de l’emploi. Selon une estimation de la CGT, la moitié des besoins de financement de la retraite pourraient être couverts par le retour au plein-emploi. A défaut de maîtriser ce levier, il convient de chercher ailleurs d’autres solutions.
Syndicats et partis de gauche proposent notamment de chercher d’autres ressources. Il paraît difficile de relever le taux de cotisation sur les salaires déjà très élevé (29%) c’est pourquoi, il est préconisé de mettre à contribution certains revenus du capital. La plupart des observateurs ont désormais conscience que les nouvelles ressources à dégager doivent s’inscrire dans un processus vertueux favorable au travail dans un monde ouvert où la compétition entre économies est impitoyable.
A tort, le gouvernement par la voix d’Eric Woerth, ministre du Travail, veut faire de l’allongement de la durée de cotisation et de la fin de la retraite à 60 ans la porte d’entrée de la réforme. Une attitude purement idéologique qui raidit le débat au lieu de contribuer à son émergence. Le temps n’est pas à régler les différends curseurs mais à inscrire au tableau noir toutes les solutions envisageables. L’honnêteté intellectuelle imposerait de distinguer la possibilité de faire jouer ses droits à la retraite à 60 ans et le départ à cet âge à taux plein. Une question qui en tout état de cause ne peut être dissociée de celle de l’emploi des séniors.
Nouvel épisode lundi. Le ministère du Travail remettra aux partenaires sociaux un document d’orientation d’une vingtaine de pages qui ouvrira le bal d’une nouvelle série de rencontres avec les dirigeants des centrales syndicales et patronales.
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