Denis Marquet - Quand l'ange fait irruption depuis le monde de la transcendance jusqu'au monde de l'immanence, il apporte toujours une rupture dans l'ordre des choses. Il joue en dehors de la trame des causes et des effets. Cette rupture apporte de la nouveauté radicale. J'appelle "angélique" une philosophie qui affirme que le propre de l'être humain consiste à pouvoir être le lieu d'une création pure.
Patrice van Eersel - Vous dites que le propre de l'animal est de dire non, et celui de l'homme de pouvoir dire oui. Pourtant, l'animal est obligé d'accepter les lois naturelles, alors que l'homme peut les refuser et se rebeller.
Patrice van Eersel - Le petit enfant ne commence-t-il pas par dire non, avant de pouvoir dire oui ? Individuellement et collectivement, le oui ne vient-il pas après le non ?
Denis Marquet - Observez bien le non du petit enfant en train de se construire : il s'agit en fait d'un oui à lui-même. L'adulte perçoit un refus, mais, pour l'enfant, si l'on ressent les choses avec subtilité, c'est un oui. Il est en train d'affirmer un espace propre, dans lequel pourra plus tard émerger l'être unique qu'il est. Pour cela, il a besoin de poser des limites. Parfois, le non à l'autre est un oui à soi-même, une condition pour que s'exprime notre pouvoir angélique, créateur. Au niveau collectif, c'est un projet radicalement neuf. Et urgent : la négativité nous mène vers un désastre de plus en plus clair, et l'horizon s'obscurcit."
Philosophe et essayiste, mais aussi romancier et scénariste, Denis Marquet, qui tient la chronique de philosophie de la revue Nouvelles Clés depuis plusieurs années, est avant tout intéressé par la mise en acte d'une spiritualité humaniste. La question de l'accomplissement humain traverse toute son oeuvre.