Extraits :
La liste des lauréats des Prix Orwell 2010, sanctionnant les pires atteintes à la vie privée, aux libertés publiques et individuelles, semble interminable. De mémoire d'organisateurs, jamais le choix n'a été aussi difficile. Les jurés ont d'abord absolument tenu à exclure le plus attendu des Big Brothers, Nicolas Sarkozy, pour dopage et récidivisme chronique, et préféré «récompenser» les plus méritants de ses exécuteurs, qu'ils soient ministres, hauts fonctionnaires, élus locaux, entreprises, médias ou personnalités. Résultat : dix trophées décernés, neuf prix Orwell et un prix Voltaire pour cette 10ème édition des BBA !
Eric Besson, ministre de l'immigration : , remporte le Prix haut la main. Les chefs d'inculpation sont multiples : durcissement des quotas d'expulsions, refus de disculper les personnes et associations aidant les migrants, expulsion expéditives hors contrôle du juge des libertés et non respect des droits des migrants. (...)
La catégorie Etats/Elus était si fournie en candidats poids lourds que deux mentions ont été instaurées :
Mention spéciale "Fichiers" :
A la quasi unanimité, le jury a souhaité récompenser les ministres successifs de l'Education nationale pour six années d'efforts à mettre en place un fichage systématique (sans base légale et dénoncé par des instances de l'ONU comme le Conseil des droits de l'enfant) des enfants dès l'âge de trois ans. Base Elèves et la BNIE (Base nationale d'identifiants élèves) sont le socle d'un futur "Safari", qui permettra un fichage à la source des futurs actifs, façon "casier scolaire". (...)
Mention spéciale "Exécuteurs des basses oeuvres" :
Elle récompense ces hauts fonctionnaires, petits chefs ou élus zélés sans lesquels la machine à broyer ne serait pas aussi performante. Grand gagnant : Eric Ciotti, rapporteur de la dernière loi sécuritaire de l'ère Sarkozy "Loppsi2", "porte-flingue" du gouvernement pour toutes les questions de sécurité intérieure, et "conducator" zélé d'un département qui veut être le premier à supprimer les allocations aux familles en difficultés. (...)
Orwell "Localités" :
Tir groupé pour les Alpes Maritimes ! Car c'est le maire de Nice Christian Estrosi qui décroche la palme du pire élu local de ces BBA 2010. pour avoir promu la fameuse loi «anti-bandes» votée cette année, et pour sa volonté de faire de sa ville un laboratoire de la vidéosurveillance (en projet, un réseau 600 caméras à Nice pour un investissement de 7,6 millions d'euros). (...)
Orwell "Entreprise" :
Le Prix revient aux banques BNP Paribas, la Banque Postale, LCL, la Société générale... et tous les autres établissements bancaires qui laissent ou incitent leurs employés à dénoncer aux services de la Préfecture les clients sans papiers venus à leur guichet.
Orwell "Novlang" :
Brice Hortefeux, notre nouveau et célèbre auvergnant ministre de l'Intérieur, n'est pas oublié. Il a signé le décret imposant le terme de «videoprotection» et la modification de tous les textes règlementaires, histoire de rétablir une réalité sinon sécurisante du moins sécurisée. Ensuite le jury a été sensible à la campagne dite des « Voisins vigilants », autre avatar de la nouvelle sémantique orwellienne, qui pousse la population à s'entre-surveiller. (...)
Mention spéciale "médias" :
Dans cette catégorie, les journalistes «qui soufflent sur la braise sécuritaire» méritaient bien une petite mention. Parmi les six cas d'école soumis au jury (...), le jury finalement placé ex-aequo Les Infiltrés (France 2 / CAPA) (...) et le journaliste du JT de TF1, dans l'affaire Continental, pour avoir diffusé des images non-floutées qui ont permis d'arrêter et de condamner des syndicalistes.
A l'opposé du Big Brother Awards, le Prix Voltaire.
Il récompense des individus et des collectifs qui luttent contre la surveillance et tentent d'enrayer la frénésie de contrôle des élus et des responsables publics et privés. Parmi les huit candidats en lice cette année, c'est le groupe Pièces et main d'œuvre, né à Grenoble il y a une dizaine d'années et son minutieux travail d'information sur les relents totalitaires des techno-sciences, qui a remporté les suffrages.
Le jury a aussi été sensible au mot d'ordre du REFI, le Réseau Emploi Formation Insertion, composé de salariés des services publics (Pôle Emploi, organismes sociaux, direction du travail, associations, organismes de formation...) qui refusent de participer à la chasse à l'étranger et au fichage systématique de la précarité (...)
Et puis, surprise le jury a exigé...un Prix Spécial du Jury a été remis à Alex Türk, sénateur du Nord et président de la Commission de l'informatique et des libertés (CNIL). Il a finalement été distingué par ce Prix Spécial, après avoir été un candidat malheureux pendant de si nombreuses années.
«Enfin ! Après des années d'attente, me voici primé par la petite équipe du Big Brother Awards. En 2004, je venais d'être élu Président de la CNIL, je n'avais pris aucune initiative, ni même été rapporteur, comme sénateur, de la loi de 2004 et j'avais déjà failli obtenir le prix ! Finalement, je n'avais pas été retenu et j'en avais été fort marri.
Certes on ne m'attribue que le prix spécial mais peut-être aurais-je la chance, l'année prochaine, de remporter le grand prix...
Quoiqu'il en soit, je ressens cette distinction comme un très grand honneur : comment en effet ne pas y être sensible quand elle vous est ainsi décernée par un «jury» composé de membres aussi peu éclairés, tellement contents d'eux-mêmes et ô combien dépourvus de toute influence ?»
Vue la concurrence, Türk a intérêt à s'accrocher pour se maintenir au top. Quant aux oubliés du BBA, ils ne perdent rien pour attendre.