L'ÉGYPTOLOGIE TCHÈQUE : IX. L'INSTITUT ET LES FOUILLES D' ABOUSIR DURANT LA DERNIÈRE DÉCENNIE DU XXème SIÈCLE - 1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

Publié le 15 mai 2010 par Rl1948



     Quand nous nous sommes quittés, samedi dernier, amis lecteurs, je vous proposais de commencer d'envisager aujourd'hui avec vous ce que l'ultime décennie du précédent siècle avait réservé aux archéologues de l'Institut tchèque d'égyptologie (I.T.E.) qui, depuis le début des années soixante, explorent avec le succès que l'on sait la nécropole d'Abousir, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest du Caire actuel.      Sous la direction de Miroslav Verner, nous l'avons vu, de nombreux complexes funéraires furent ainsi mis au jour. La provende, fort heureusement, ne se tarit nullement puisque, même après avoir quitté la direction de l'I.T.E., le Professeur Verner assumant celle de la Concession pour la Prospection d'Abousir, poursuivit ses travaux patronnant et accompagnant de nouveaux collègues : je n'en citerai que deux qui, relativement jeunes encore à l'époque, se révélèrent par la suite, vous le constaterez au fil des prochains articles, de brillants découvreurs :  

Ladislav Bares               et Miroslav  Barta
     Dès 1991, les équipes de fouilleurs tchèques vont se rendre encore un peu plus au sud du site d'Abousir pour en explorer les ultimes confins, à environ un kilomètre de la nécropole royale d'origine, celle d'une majorité de souverains de la Vème dynastie ; et ce, après avoir pris soin d'effectuer des sondages préalables dans  cette zone bien circonscrite.
    Permettez-moi d'emblée une petite précision : en historien, mais pas uniquement pour cette raison, j'ai pris l'initiative de relater
dans un ordre purement chronologique les découvertes qui se sont là succédé. Car en fait, ayant quitté la tombe-puits d'Oudjahorresnet la semaine dernière, il m'eût fallu, animé de la logique la plus élémentaire, envisager de vous emmener vers celles qui lui étaient proches dans ce cimetière saïto-perse, et qui furent mises au jour dans les années qui suivirent.
    J'ai en réalité plutôt préféré épouser le cheminement des égyptologues - même si, dans un premier temps, leurs raisons premières m'échappèrent en partie  -, et donc momentanément quitter le cimetière ouest pour les accompagner en  celui de son extrémité sud.
    Le plan ci-après, dessiné par Vladimir Bruna, devrait faciliter vos déplacements : il s'agit des tombes numérotées de 14 à 18.

     En revanche, ce que je vous demanderai pour l'heure de maîtriser sera la chronologie, et plus précisément les différentes dynasties égyptiennes. Car si la  zone nord de la nécropole, ses pyramides, effondrées, et ses mastabas de nobles, dataient pour une grande part de la Vème dynastie de l'Ancien Empire, la tombe-puits d'Oudjahorresnet, souvenez-vous, avait quant à elle été creusée quelque 1700 ans plus tard, soit à la  XXVIème dynastie, à Basse Epoque donc.
    Et maintenant, nouveau retour en arrière, là-bas, tout au sud du site, je vous  invite à renouer avec l'histoire des fonctionnaires palatiaux de l'Ancien Empire.
    Aussi, et afin que toutes ces allées et venues dans le temps et le sable du désert ne vous essoufflent démesurément, je vous propose aujourd'hui, amis lecteurs, plutôt que déjà nous précipiter dans de nouvelles tombes, de simplement les évoquer de manière très générale, en guise de mise en appétit pour les prochaines visites auxquelles je vous convierai.
    Profitez donc que ces quelques moments de répit car, - et je vous l'annonce solennellement -, ce n'est pas en vacances que je vous emmènerai ces prochains samedis : il ne s'agira pas ici de déambuler dans Prague comme nous l'avons fait l'automne dernier ni de nous prélasser au soleil d'une agréable croisière sur le Nil avec soirée dansante déguisée en Néfertiti, mesdames ou en Toutankhamon, messieurs.
     Non ! Ce seront plus certainement des godillots qu'il vous faudra chausser et des jeans endosser : nous allons à nouveau descendre, à la suite des archéologues tchèques, dans le sous-sol de la nécropole, en explorant avec eux ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le cimetière des fonctionnaires de rang inférieur à Abousir Sud.
    Certes, d'aucuns m'opposeront très vite qu'il ne s'agit point là d'une vraie découverte ; que plusieurs  des tombeaux que je compte prochainement vous faire découvrir furent déjà, au XIXème siècle, l'objet de fouilles, notamment par l'expédition pour compte de la Prusse de l'égyptologue allemand Karl Richard Lepsius, (1810-1884) qui, de 1842 à 1845, sillonna précisément toute cette région des domaines funéraires de Guizeh, Saqqarah, Abousir ou autres pour en effectuer un relevé topographique de première importance.

    Bien évidemment, je ne puis qu'entériner cette connaissance pointue qui est vôtre en la matière. Je préciserai simplement que si nos amis tchèques ont cru bon, là et alors, d'y consacrer un temps certain, c'était parce qu'il était urgent à leurs yeux d'y effectuer ce qu'ils nomment une "fouille de sauvetage" dans la mesure où la structure même de ces monuments se trouvait grandement - et irrémédiablement - menacée par d'avides pilleurs de sépultures.
    Et parmi ces sépultures antiques, je relève, sans aucune prétention d'exhaustivité, les mastabas pourtant en partie déjà connus de Kaaper, un fonctionnaire de très haut rang, et de Fetekti, un prêtre d'un temple royal, tous deux
ayant vécu à la Vème dynastie ; et ceux, nouvellement découverts, de Qar, un vizir de la VIème dynastie et des membres de la famille d'un certain Hetepi, prêtre également, mais à la IVème dynastie ...      Toutes ces fouilles, toutes ces découvertes  - ou redécouvertes, c'est selon -  sous la direction de Miroslav Verner s'étageront donc sur les dernières années du XXème siècle : à partir de 1990-91 pour ce qui concerne Kaaper, Fetekti et les tombes près de celle de Hetepi, de 1993 pour Itehy, fonctionnaire du début de la IVème dynastie - ce qui correspondrait donc à la plus ancienne du site -, et de 1995 pour les sépultures des vizirs Qar et Isesiseneb ...      Sans oublier - et là, il nous faudra revenir près de la tombe-puits d'Oudjahorresnet, dans le cimetière saïto-perse - celle également explorée à partir de 1995 d'un autre très important personnage de cette époque : Iufaa.
     Mais pour l'heure, c'est la première d'entre elles, celle de Kaaper, que, samedi prochain, amis lecteurs, je vous propose de visiter en ma compagnie ... (Barta : 2005  1