L’enjeu, dévoilé par le quotidien du médecin du 12/05/2010 : Fusionner 200 services en 12 pôles
Sommée de faire mieux avec moins de moyens, la biologie de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) est à la veille d’une profonde restructuration. Les biologistes se disent prêts à soutenir le projet, à condition que les investissements soient à la hauteur.
LA BIOLOGIE de l’AP-HP, en quelques chiffres, c’est 2 milliards de B par an, 150 à 250 services répartis sur une trentaine d’hôpitaux, 4 500 équivalents temps plein (dont 3 500 sont médicaux). L’activité est dispersée, morcelée, cloisonnée. Et coûteuse : 400 millions d’euros de dépenses par an. La réorganisation semble inéluctable sous l’effet d’une double pression, financière, et réglementaire (l’ordonnance Ballereau imposant un gros travail sur la qualité au travers de l’accréditation).
« On sent bien que la biologie est dans l’œil du cyclone. La mise en place des pôles n’a rien changé. Le nouveau plan stratégique de l’AP-HP va forcer les restructurations », résume le Pr Philippe Beaune, chef du pôle biologie à l’Hôpital européen Georges Pompidou (HEGP), et animateur du groupe de réflexion sur la biologie au sein de l’AP-HP.
Au pied du mur, les biologistes veulent à tout prix éviter la construction d’un laboratoire unique, une tour centrale en plein Paris qui traiterait l’ensemble des analyses du CHU. Peut-être le rêve de l’administration à moyen terme. « On n’acceptera pas de faire circuler un tube qui doit être analysé dans les dix minutes, prévient le Pr Beaune. Puisque l’AP-HP forme désormais douze groupes hospitaliers, privilégions cette approche, et créons un seul pôle de biologie par groupe hospitalier. » L’orientation, présentée en conseil exécutif en mars, sera prochainement exposée aux organisations syndicales. La réorganisation de la biologie sera l’un des axes forts du futur plan stratégique de l’AP-HP, voté en juillet prochain.
Regrouper les 150 à 250 services actuels en douze pôles de biologie rimera immanquablement avec baisse des effectifs. « Nous pensons qu’il est possible de gagner en qualité et en délai de réponse tout en allégeant les effectifs, à condition d’investir dans la robotique, les transports, l’informatique, la mise aux normes, l’immobilier, estime le Pr Jean-Claude Petit, président du comité consultatif médical de Saint-Antoine, et conseiller biologie au sein de la mission efficience de l’AP-HP. Le président de la CME bataille actuellement avec la direction générale pour avoir ce soutien à l’investissement. Nous refuserons les coupes sombres dans les équipements ».
Des exemples de regroupement à moindre échelle fonctionnent déjà, qui encouragent les biologistes sur cette voie. « Rien qu’à l’HEGP, il y a 7 ou 8 labos, expose le chef du pôle biologie, le Pr Beaune. L’arrivée de machines à haut débit nous fait évoluer. J’ai dépensé beaucoup de salive à convaincre les virologues de ne plus avoir leur propre machine. Déléguer la réalisation de ses actes techniques à une plateforme commune n’est pas facile : les virologues craignaient une usine qui crache des chiffres. De même, les pharmacologues n’ont pas facilement accepté de déléguer le dosage des médicaments à une plateforme commune. Ils craignaient la disparition de leur discipline, et une baisse du service médical rendu. Avec deux ans de recul, la pharmacologie a conservé son rôle. Cela fait partie des pistes à étudier à l’échelle de l’AP-HP. »
D’accord pour mutualiser les moyens, disent en substance les biologistes de l’AP-HP. D’accord, également, pour booster l’activité, et tailler des croupières au privé en « captant » les examens de biologie prescrits lors des consultations externes. Mais pas à n’importe quel prix. « Seules les suppressions de postes médicalement justifiées seront acceptables », prévient le Pr Petit. « La recherche sur les biomarqueurs, nous y sommes très attachés. Il faut que nous puissions continuer », renchérit le Pr Beaune.
Source : DELPHINE CHARDON, Le Quotidien du Médecin