Vous êtes-vous déja demandé où sont envoyés tous vos vieux déchets électroniques ? Et bien nos chers pays développés les envoient tout simplement au Ghana (c'est sûr, ça coûte beaucoup moins cher de les jeter sans rien faire dans un pays africain, que de les recycler pour fabriquer de nouvelles merveilles technologiques). Là-bas, ce sont des enfants qui désossent tous ces déchets dans les décharges, respirant chaque jour les vapeurs toxiques des métaux lourds contenus dans ces déchets.
La population vivant dans les bidonvilles est enveloppée par une âcre fumée noire. D'ailleurs, même le fleuve bordant la capitale est noir. C'est la pleine saison: des milliers d'écrans d'ordinateurs, et des morceaux de plastique et de mousse synthétique barbotent dans l'eau sans se soucier de quoi demain sera fait (surtout si leur quotidien est déjà noir....). Et c'est la fête: des véritables feux sont allumés sur les berges en guise d'incinérateur dégageant une fumée qui vous brûle les poumons (parfait si vous voulez à tout prix mourir d'un cancer du poumon ou de la gorge). Destination de rêve n'est-ce pas ? Sûrement pour ça qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de blancs qui s'y aventurent.
La plupart des gosses qui travaillent dans ces décharges n'ont malheureusement pas d'autres choix: soient ils aident leur famille à survivre dans cet enfer, soient ils sont orphelins et sont obligés pour manger de devenir les esclaves de nos sociétés surconsommatrices. Armés d'un simple sac et d'un aimant, ils sont à la recherche de cables de cuivre, de moteurs de disque durs, d'aluminium, d'acier. Une fois leur sac rempli, ils peuvent aller vendre le métal à la fonderie pour acheter un peu de riz, une tomate, voire une cuisse de poulet qui a été grillée sur la jante d'une voiture. A partir de 18 ans, l'Etat ghanéen les autorise à démarcher auprès des importateurs pour recevoir des appareils électroniques à désosser afin de récupérer tout ce qui est récupérable. Le reste partira dans les flammes, et dans les poumons de ces ombres au milieu des fumées d'émanation. Et c'est seulement à 25 ans qu'ils pourront espérer s'installer à leur compte et faire commerce de ce sombre traffic.
Et que font les Etats dans tout ça ? Le constat est assez désespérant. A vrai dire, l'Union Européenne a mis en place deux directives s'inspirant de la convention de Bâle (qui est soit disant censée interdire aux pays développés de déverser des déchets électroniques dans le tiers monde sans autorisation): la directive relative à la restriction de l'usage de certaines substances dangereuses (RoHS), et la directive relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE). Des douaniers et des agents de la police maritime sont présents dans tous les ports européens pour veiller à ce qu'il n'y ait pas d'exportation de déchets électroniques. Le problème, c'est qu'en ouvrant un conteneur rempli d'ordinateurs, ils ne peuvent rien faire. En effet, les lois européennes ne définissent pas ce qu'est un déchet d'ordinateur, mais elles autorisent l'exportation d'ordinateurs d'occasion. Bref, on se retrouve encore une fois face à une loi complétement inapplicable. Et du coup, ce qui doit arriver arrive: lorsqu'il faut trancher, vu que les directives sont flous, le juge donnera toujours raison aux exportateurs. Et tout cela même si les ordinateurs sont inutilisables et vieux de plusieurs dizaines d'années ! Qu'on ose après nous dire que l'Europe est à la pointe en matière de protection de l'environnement....
Greenpeace a d'ailleurs publié un rapport sur les déchets électroniques au Ghana (http://www.greenpeace.org/international/Global/international/planet-2/report/2008/9/poisoning-the-poor-electonic.pdf). Avec des gants, des membres de l'association environnementale ont prélevé de la boue dans les lagunes, de la terre et des cendre, et ont envoyé tout celà dans un laboratoire du Royaume-Uni. Devinez ce qu'ils ont trouvé ! Des quantités hallucinantes de substances cancérigènes se chiffrant en terme de concentration à plusieurs kilos (alors qu'en Occident on s'alarme dès qu'on décèle plus de 0,5 microgramme d'un polluant): plomb, cadmium, arsenic, mais aussi des dioxines, des furanes, et des polychlorobiphényles (PCB).
Depuis la publication du rapport de Greenpeace, d'autres "centres de retraitement des déchets électroniques" se sont développés au Nigeria, au Vietnam, en Inde, en Chine, et aux Philippines.Tout celà au mépris des populations et de la planète. Franchemment, c'est pas demain la veille que je changerai d'ordinateur. Tout ce que j'ai envie de faire, c'est de gaver les industriels responsables de ce traffic avec les mêmes substances cancérigènes qu'ils font respirer à certains êtres humains. Puis après, je me camperai devant eux, et je leur dirai: "Alors, vous avez vu, ça a bon goût ! Vous en voulez encore un petit extra, juste pour la route, pour le quatre heures ?". Mais je ne suis pas aussi pourri qu'eux parce que je serai tout simplement incapable d'arriver à être aussi hypocrite et aussi débile. Tout ce que je souhaite (et avec beaucoup d'amour et de compassion) c'est qu'ils s'étouffent avec les millions qu'ils gagnent grâce à ce "petit" traffic. Fermez les yeux, car ça ne sera pas vraiment joli à voir: le retour du boomerang (et ce qui fait qu'il y a quand même au bout du compte toujours une justice sur Terre, même si ce n'est pas celle des hommes), en pleine gueule en plus, c'est toujours assez sanglant. Gageons qu'il ne restera pas beaucoup de déchets parmi eux.
Neo Anderson, The Daily Planet