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Alors que CineTrafic vient tout juste de donner le coup d'envoi de sa seconde édition de DvdTrafic, j'ai reçu il y a peu le tout premier film de ma sélection: Purple Violets. Premier sujet d'agacement: le titre. Si l'on conçoit parfois que, pour faciliter la compréhension du plus grand nombre, un titre anglais, espagnol, russe ou japonais soit traduit en français, j'avoue avoir beaucoup de mal à comprendre l'intérêt de traduire un titre anglais... en anglais. Ainsi, Purple Violets devient sur notre territoire Just You, pour une sortie en direct to dvd.
Certains d'entre vous - la plupart en fait - connaissent peut-être Edward Burns pour ses apparitions dans 27 robes, The Holiday, Il faut sauver le soldat Ryan ou encore la série Will & Grace. Pourtant, c'est d'avantage en tant que réalisateur (discret) que Burns a bâti sa carrière, dans un registre plutôt intimiste notamment, lorgnant d'avantage du côté de la dramadie que du blockbuster. D'ailleurs, la plupart de ses films sont assez méconnus du grand public, pâtissant sans doute en partie de leur statut de "films à petit budget". Et sa dernière création en date, Purple Violets (Just You, donc), ne fait pas exception à la règle.
Purple Violets (dont le titre original se justifie très logiquement lors d'une scène) s'articule autour des "retrouvailles" de quatres amis de lycée, après plus de dix ans de séparation. Patti et Kate d'une part, et Brian et Michael d'autre part, sont restés très liés, mais gardent un souvenir mitigé de leur passé commun. En effet, Patti et Brian ont rompu avant d'entrer à l'université, et Kate, devenue institutrice, n'a jamais pu pardonner une incartade à Michael, auquel elle voue depuis une rancoeur tenace. Patti, après un premier roman très remarqué, a laissé tomber l'écriture et est devenue agent immobilier, métier qui ne l'épanouit nullement, pas plus que son mariage avec Chazz. Brian, lui, a brillamment réussi en tant qu'écrivain avec une série de romans policiers tous best-sellers, dont il n'assume plus la relative médiocrité, pas d'avantage qu'il n'assume ses conquêtes. Michael, quant à lui, est devenu avocat spécialiste des affaires, et de celles de Brian plus précisément. Leur rencontre fortuite dans un restaurant va bouleverser leur existence et les amener à se remettre profondément en question...
Rien de bien novateur dans cette histoire éprouvée maintes fois: au coeur de New York (cadre toujours très vendeur, ici représenté comme une suite d'appartements de charme rivalisant de vues imprenables sur la Grosse Pomme), les destinées se croisent, assorties des regrets, secrets espoirs et autres aspirations vitales qu'elles charrient. Les protagonistes sont tous trentenaires - un cap qui se prête à un premier bilan, tant personnel que professionnel - ont tous une situation appréciable (leur assurant un bon train de vie) mais qui ne leur convient que modérément. Car, c'est bien connu, on n'est jamais satisfait de ce que l'on a. Ici, la demonstration est pertinente, pleine de sens même, et abordée avec une délicatesse de poète.
Si le propos principal semble de prime abord être le renouveau d'un amour de jeunesse (y'a-t-il une seconde chance pour un premier amour?), il dérive bien vite, et de façon très (trop?) accentuée sur les aléas du métier d'écrivain, en énumérant pratiquement tout ce qui entrave un auteur - crédibilité, continuité, inspiration, popularité, gestion de l'égo, confiance en soi... - avant d'apporter un semblant de réponse à ce qui le "libère": l'amour. Pourtant, s'il s'avère cohérent quant au domaine de l'écriture, il frise le hors sujet quand il aborde son thème principal: la reconquête d'un premier amour. Le tout est - heureusement - très intimiste, naviguant à vue dans les méandres des chassés-croisés sentimentaux, crédible dans ses interrogations, ses enchaînements et ses réponses, bien qu'un tantinet "simpliste" ou "facile".
Le casting, adjuvé à l'environnement séduisant, complète l'atout charme de ce film, tant l'on adhère à leurs personnages banals, bien cernés, qui se prêtent au jeu de l'auto-psychanalyse. Le duo Patrick Wilson et Selma Blair (surprenante dans ce registre) fonctionne à merveille, sur le fil d'une tendre complicité, et je regrette de ne pas avoir vu Debra Messing autant que je m'y attendais, au profit d'un Donal Logue apathique. La relative mise entre parenthèse d'Edward Burns à l'écran, quant à elle, se justifie assez clairement quand on sait qu'il écrit, réalise et produit le-dit film.
Pourtant, aussi craquants soient les comédiens, aussi belle soit la ville de New York, dans la brume du petit matin, aussi pertinent soit le propos, Purple Violets souffre de deux maux, et non des moindres, qui plombent rapidement toutes ses belles promesses.
Car Purple Violets est de ces films qui, malgré une idée de base sympathique au possible, ne parvient pas à "décoller". Il se traîne, laborieusement - mais avec charme - entre diverses séquences terriblement longues, ou qui semblent longues tant la seule valeur de plan proposée à l'écran pour celles-ci les prive de toute dynamique. Un peu comme s'il voulait nous placer littéralement dans le rôle du spectateur extérieur, Edward Burns a choisit de filmer la plupart de ses scènes de trop loin, en plan d'ensemble, de sorte que l'on n'est absolument pas en prise directe avec la conversation et l'émotion éprouvée par les personnages en présence. A tel point que, plus d'une fois, j'ai eu l'affreux sentiment d'un "décalage" entre le dialogue et le jeu des acteurs, comme si la scène qui se déroulait n'était pas en phase avec eux. De même, le rythme de l'intrigue ne rattrappe en rien cet "absentéisme" au coeur des scènes mêmes. D'un bout à l'autre du film, on attend désespérément LE moment où tout va basculer, imploser, décoller... en vain. Si quelques soubressauts délicieux animent la dernière moitié de Purple Violets, et si son final est des plus doux, l'ensemble peine à se maintenir, à susciter l'attention, tant tout ceci est lent et contemplatif. Le lot de consolation viendra de ce que l'on pourra apprécier sans peine la superbe bande originale du film, massivement imprégnée du groupe The Blue Jackets.
Bref, rien de bien méchant. Ni dans le bon, ni dans le mauvais sens du terme, hélas.
*Indice de satisfaction: (-)
*1h43 - américain - by Edward Burns - 2007
*Cast: Selma Blair, Patrick Wilson, Debra Messing, Edward Burns, Elizabeth Reaser...
*Genre: A nos actes manqués...
*Les + : On redécouvre (encore!) New York avec plaisir à travers la caméra d'Edward Burns. Le casting est charmant, et la B.O. délicieuse.
*Les - : Le tout manque hélas de rythme et d'épaisseur.
*Liens: Fiche film Cinétrafic
Just You
Un film de Edward Burns avec Selma Blair et Edward Burns
Distribution : M6 Vidéo
Fiche produit M6VOD
Date de sortie : 04/05/2010
Bonus: /