Magazine Cinéma
vendredi 14 mai 2010
En 1936 ! Faire encore un film muet ! Quelle obstination ? Oui, bien sûr et heureusement ! Ce film est je pense le plus universel de Chaplin, il traverse les âges en conservant toute sa force comique et dramatique. C’est le manifeste du film muet. Ici, seul le directeur de l’entreprise parle, il représente l’autorité, la technique, les temps modernes qui cherchent à imposer le cinéma parlant ; Charlot lui, c’est la poésie, le bonheur simple libéré des contraintes du matérialisme. C’est à la fin que le film prend toute sa dimension et son sens : Charlot doit chanter devant le public du café où il travaille comme serveur, il a noté les paroles de la chanson sur ses manchettes pour ne pas les oublier. Au début de son numéro, il lève les bras en l’air et envoie les manchettes en l’air. Malheur ! Il n’a plus les paroles. C’est alors qu’il se met à chanter dans une langue inventée et incompréhensible en agrémentant son chant de sa danse et ses mimiques. La salle est écroulée de rire et moi aussi. Au delà de l’aspect comique, cette scène est là aussi pour nous dire : « Regardez ce que vous allez perdre en utilisant le cinéma parlant : l’universalité ; alors qu’il suffit d’une musique, de pantomime et de paroles incompréhensibles pour provoquer une émotion. Le parlant enlève au cinéma tout son pouvoir poétique, il devient trop explicite et son combat désespéré pour coller à la réalité lui faire perdre toute son âme ».