Interdire Bécassine

Publié le 14 mai 2010 par Yvesd

Après Tintin au Congo, c’est Bécassine qu’il faut interdire au nom de la correction politique universelle et obligatoire. C’est ce que réclame le CRAB, le fameux Conseil Représentatif des Associations Bretonnes, et non des Alcooliques Bretons comme le susurrent certains mauvais esprits. Il s’agirait non seulement d’interdire toute réédition de ces consternants albums enfantins mais aussi de détruire, par le feu de préférence, les exemplaires encore en vente chez les bouquinistes ou illégalement détenus par des particuliers de France, de Navarre et même de Bretagne.

La raison de cette revendication est évidente pour tous ceux qui ont eu l’occasion de les feuilleter, fut-ce par inadvertance : ils véhiculent un racisme anti-breton particulièrement infect en présentant systématiquement les bonniches armoricaines comme autant d’abruties même pas capables de servir une (vraie) galette-saucisse à leurs maîtres sans casser la vaisselle.

Et ça fait plus d’un siècle que le scandale dure dans une indifférence aussi coupable que quasi-générale. Depuis 1905 en fait, date à laquelle ce dangereux brulot que fut la Semaine de Suzette a entrepris de véhiculer, dans l’esprit de nos chères têtes blondes et sur fond d’idéologie ouvertement colonialiste, l’idée que la domesticité bretonne ne serait qu’un ramassis d’attardées à peine bonnes à servir de paillasson à leurs maîtres parisiens.

Le temps n’est plus où ces derniers pouvaient rire impunément de la naïveté et des mimiques puériles des indigènes dansant le kost ar c’hoad au son du biniou. De nombreuses recherches menées par le CNRS ont en effet démontré que le folklore armoricain était l’expression populaire d’une civilisation aussi brillante que victime d'une acculturation brutale imputable à l’impérialisme français.

C’est pour ces nobles raisons que « Restons Correct ! » s’associe sans réserve à l’entreprise initiée par les vaillants militants du CRAB pour faire respecter l’indispensable devoir de mémoire ancillaire que la collectivité nationale doit aux Bécassines outrageusement humiliées et exploitées par la bourgeoisie.

Comme il est avéré que, depuis le procès intenté à Tintin au Congo par un collectif d’esprits aussi éclairés que respectueux de la Liberté d’expression, le ridicule judiciaire ne tue pas, nous irons s’il le faut devant les tribunaux de la République pour obtenir l’interdiction de Bécassine.

C’est d’autant plus indispensable que, avec la probable suppression de l’abattement fiscal au titre des emplois à domicile, il se pourrait bien que les dernières bonnes péninsulaires rejoignent prochainement le thon rouge sur la triste liste des espèces en voie de disparition…