C’est une belle rétrospective de Mimmo Jodice que la Maison Européenne de la Photographie offre sur un étage jusqu’au 13 juin. Belle et révélatrice des points forts et des faiblesses du photographe, de ce qui l’ancre dans l’histoire et de ce qui n’est qu’anecdotique. Ses photographies de l’antique sont remarquables, pleines de mystère, yeux vides, visages défigurés des statues antiques (Déméter d’Herculanum II) ou enfilades de formes alternant entre ombre et lumière comme l’antre de la Sybille de Cumes. Jodice est si évidemment à l’aise avec la fréquentation de ces formes immémorielles que l’on s’inquiète un peu de ce qu’il peut faire avec les vivants.
Une salle est consacrée à ses recherches expérimentales des années 60 et 70, photogrammes, montages, solarisations : la
plupart sont appliquées, bien faites mais laborieuses, paysages recomposés, photos déchirées, couleur et noir et blanc juxtaposés, images saturées et graineuses où les formes se perdent, nus stroboscopiques comme des échos du futurisme ou de Marey. Jodice expérimente avec une audace mesurée, il s’interroge certes sur la nature du médium photographique, mais ne se perd pas dans la totale décomposition du visible, se raccrochant toujours au réel. La photographie la plus accomplie de cette salle est sans doute celle où le regard se perd devant une forme élémentaire, parfaite et mystérieuse, où il peine à reconnaître un corps féminin nu comme violé par une main-pince (Maily). Outre l’antique, Jodice est un formidable photographe de Naples, du quotidien et du sublime, et de la manière dont ils s’emmêlent dans cette ville unique, “haïe et aimée à l’excès”. Ainsi ces anges blancs devant un mur lépreux, chemisettes séchant au vent, au drapé tombé digne de la Chapelle Sansevero (Vico della Concordia). Ce n’est pas comme photographe de société qu’il excelle : ses séries sur l’hôpital psychiatrique et la prison sont intéressantes, mais trop littérales, n’atteignant pas, par exemple, le pouvoir d’évocation de sa compatriote Yvonne de Rosa. Mais il n’a pas son pareil pour faire surgir la magie napolitaine dans l’image : ces deux escaliers souterrains (Naples 1986) ne peuvent que mener aux enfers, puisque nous sommes à Naples. Hélas, comme Antée loin de sa mère, dès qu’il s’éloigne de sa ville, il s’étiole : ses photos de New York ou de Paris ont perdu leur âme, elles n’expriment rien ou presque, belles images sans plus. Et sa série maritime (ici Punta Pedrosa) est bien belle, mais trop léchée, trop composée avec un équilibre tendant vers l’abstraction, pour qu’on éprouve autre chose qu’un respect froid devant ces images sans passion. Et le propre d’un Napolitain comme Jodice, au delà du travail bien fait, c’est bien de nous transporter.Photos 3, 4 & 5 de l’auteur.
Il y a aussi, jusqu’au 21 mai, une exposition de 30 de ses photographies napolitaines à l’Institut Culturel Italien, mais je ne l’ai pas encore vue.