Lancement des TROIS PREMIERS VOLUMES (3) de l‘édition de poche totalement refondue, de l’Éventail d’Histoire Vivante d’Haïti pour devenir des ouvrages neufs, populaires, approfondis, et largement inédits en quinze volumes
par Leslie F. Manigat
Je suis tenté de m’amuser à dire que nous avions déjà, en histoire générale d’Haïti, le Thomas Madiou, un monument en sept tomes et le Beaubrun Ardouin, une réplique en onze volumes de l’édition originale. Alors, pourquoi pas aujourd’hui mes quinze volumes de cinq cents pages chacun, en essais d’émulation ? Lucien Febvre n’espérait-il pas voir chaque génération faire mieux dans la connaissance de l’histoire ?
Du nouveau chez Clio ! Ainsi titrais-je, dans la revue « Optique » de Lucien Montas, mon compte-rendu critique du « magnum opus » du Dr Jean Price Mars sur « La République d’Haïti et la République Dominicaine » en 1954. C’est le même cri qui annonce aujourd’hui comment l‘étude de la nouvelle histoire chez nous reprend son élan « revivificateur », comme la vie quotidienne a repris son cours. La vie reprend, la vie continue. Mais que de leçons à tirer de l’horrible tragédie du 12 janvier 2010 ? Notre façon d’écrire l’histoire en est sortie toute changée.
C’est ainsi que le projet, annoncé l’an dernier, d’une édition de poche, totalement refondue, de notre ancien Éventail d’Histoire Vivante d’Haïti pour en faire des ouvrages neufs, populaires et approfondis, comme contribution à l’histoire nouvelle d’Haïti qui s’écrit en « nouvelle histoire » en Haïti, se fait réalité, avec le lancement, en ce mois de mai 2010, des trois premiers volumes, coup sur coup, de cette nouvelle série en édition de poche illustrée, comme les trois coups du destin de la cinquième symphonie de Beethoven. Et puisque nous sommes à nous référer à la musique, on peut se hasarder à dire que la composition de ces volumes montre bien qu’il ne s’agit pas de manuel d’histoire au sens propre du terme, ni du point de vue de la forme, ni du point de vue du fond. Par exemple, à propos des répétitions dans le texte, il y a, comme en musique, des redites voulues qui font partie intégrantes de l’ensemble tel que conçu et structuré (Da Capo), des reprises pour changer de moments musicaux sans changer d’inspiration, et enfin des variations sur un même thème. Est-ce un Traité ? Sans doute plutôt. Mais le souci de totalité d’un ensemble diversifié et structuré en fait une synthèse globale. En somme, c’est une somme. Ces trois volumes veulent marquer les trois coups successifs de la genèse de notre histoire. Et c’est avec le verbe que tout a commencé !
Nous, hommes de la parole, notre métier d’enseignant prend acte de ces trois premiers volumes de cette série de l’édition de poche sortis de notre plume fouineuse pour viser d’abord l’audience des classes de baccalauréat et des classes propédeutiques de nos universités dont le programme correspond à leurs besoins professionnels de lire er d’apprendre notre histoire nationale de peuple.. Nos trois premiers volumes couvrent le programme du baccalauréat haïtien. Une bonne aubaine intellectuelle pour professeurs et étudiants, ces derniers légitimement obsédés par leur succès aux examens de fin d’études secondaires et aux épreuves des propédeutiques en histoire, en sciences politiques et sociales de nos Facultés et Ecoles Supérieures. Mais l’honnête homme de notre vingt et unième siècle doit avoir pour bagage l’histoire de notre pays et d’abord, cette révolution d’indépendance dont nous contribuons à assurer quantitativement et qualitativement par nos recherches, le renouvellement dans notre combat incessant pour les nouvelles idées en marche.
Le premier volume, de 465 pages, est intitulé « Une histoire nouvelle du Peuple Haïtien, la nouvelle histoire en Haïti », suivie de « Coup d’œil sur la Société Coloniale Dominguoise à la Veille de la Tourmente Révolutionnaire ». Le second, de 517 pages, a pour sujet et titre « La Révolution Haïtienne d’indépendance (1791-1806), ce séisme de libération nationale anti-esclavagiste victorieuse, restée unique dans les annales de l’histoire universelle et dans l’histoire mondiale des révolutions de décolonisation ». Le troisième, de 647 pages, reconstitue, mieux : reconstruit « La Naissance d’Haïti à la Vie Nationale et Internationale 1804-1838», une entrée dans le concert des nations par le commerce import-export, dans le contexte politique de l’hostilité des grandes puissances (white, slave-holding and colonial powers), percevant l’existence d’un état noir, indépendant, né d’une révolution violente et abolitionniste, comme « une anomalie, un défi, une menace » (Rayford Logan).
Du nouveau ? D’abord, un détail d’importance qui n’en est plus un, une audace pédagogique pour notre jeunesse scolaire et universitaire en vue de satisfaire son « besoin d’histoire », au tout début de chaque volume, une table des matières très détaillée comme jamais vue auparavant. Sur le modèle de ces « abstracts » qui donnent la substance élaborée, en une douzaine ou quinzaine de pages serrées, du contenu structuré de l’ouvrage, comme un « digest », au point que le lecteur sait de quoi parle l’auteur, de quoi il traite et dans quelle perspective, en ouvrant les premières pages. A la rigueur, il peut s’en contenter en attendant le plaisir de la lecture postérieure ainsi incitée par cette première approche didactique. La compréhension historique est au-rendez-vous de ces comprimés apéritifs. Ce hors d’œuvre trouve un dessert dans la Table des illustrations qui suit immédiatement, montrant des photos assorties des légendes informatives sur les personnages et scénarios présentés. Par exemple, la légende pour Toussaint à cheval sera « J’ai pris mon vol dans la région des aigles », pour Dessalines « On n’est pas haïtien, si on n’est pas dessalinien » (Louis Mercier), pour Christophe « By all standards he was a great men » (Wilberforce) et pour Pétion « Il professe le républicanisme d’un Jefferson et d’un Washington » (Dauxion-Lavaysse) . Il y a quinze illustrations par volume.
Rappelons que l’auteur avait sollicité une contribution financière à des mécènes et à des fondations culturelles de nos banques, mais le 12 janvier a eu pour effet de changer nos priorités vis-à-vis de l’impression des ouvrages à compte d’auteur, même dans le cas d’une entreprise de l’ampleur de la nôtre. Mais nous avons fait le maximum quand même, en ce qui concerne le lancement de nos trois premiers volumes de la série, pour faire à notre triple audience intellectuelle (baccalauréat, propédeutique universitaire et grand public), des conditions exceptionnellement favorables d’accès à nos publications, .d’autant plus que nous éditons en collection de poche. Noblesse oblige !
Accommodant, on fixera, pour ces ouvrages de l’ordre de cinq cents pages chacun, un prix unitaire uniforme modique de mille (1000) gourdes l’exemplaire, soit deux cent (200) dollars haïtiens, vingt-cinq (25) dollars américains ou vingt (20) euros. On connaît notre formule à l’adresse de notre clientèle intellectuelle : lire, réfléchir, relire, faire lire et méditer, approuver, contester, gourmander, et surtout tirer profit en accompagnant nos lecteurs que l’on prend plaisir à remercier pour leur fidélité.
Du nouveau ? Le souci est de faire de l’histoire totale : récits analytiques et synthèses structurées, événements et conjonctures, géohistoire et essais de psychanalyse existentielle, économies, sociétés et civilisations, religions, raison présocratique et raison cartésienne à cheval sur les deux rationalités haïtiennes : la rationalité logique (le logos) exigeante des théorèmes et de la géométrie, et la rationalité magique du « merveilleux haïtien ». Notre histoire est une intégration d’ingrédients élémentaires pour une mise à nu propice à l’auscultation du corps social, et elle se définit comme recherche de la complexité humaine. Elle est le refus des sociétés-modèles en faveur des modèles sociaux. Elle a réglé son compte avec les exclusivismes d’antan d’un secteur marxiste dogmatique qui a fait son autocritique, et avec la stupidité hier encore médiocre d’un secteur noiriste fascistoïde, et ceci, au nom humaniste du post-marxisme et du post-noirisme dont il nous faut tirer profit.. L’haïtianité se découvre à tous ces carrefours d’expérimentation de l’itinéraire historique de notre identité de peuple et cette haïtianité demeure, malgré l’intensité heuristique de nos échanges et la marche vers la mondialisation, notre différence incommunicable.
Ne soyons pas hypocrite : cette haïtianité a toujours porté le sceau de l’ethnicité identificatrice, que certains de nos compatriotes le veuillent ou non. On est, et on est perçu comme, un pays nègre (noir et mulâtre). La question du primat de la race, surdéterminée qu’elle ait été ans la réalité historique de Saint-Domingue- Haïti, et de son sous-produit la question de couleur, ont été souvent à l’affiche de l‘actualité, au tableau de bord de notre pilotage de destinée de peuple. C’est un fait incontestable. Mais, leur complexité, à travers leurs variations d intensité, m’a offert l’opportunité de m’amuser à lister au moins dix-huit dichotomies et non pas une, qui concourent à la position de « la question sociale » en termes de division et/ou d’union, aux racines de la production, de la répartition, de la circulation et de la consommation des richesses. Ne simplifions pas nos analyses, compliquons- les !
En des pages neuves, nous explorons le constitutionnalisme dessalinien en sept versets de l’évangile politique du fondateur et en douze tables de la loi dessalinienne. A lire ! Les moins de trois ans de l’expérience dessalinienne au pouvoir sont l’objet au second volume d’un traitement d’analyse « totale globale » du fondateur et de son temps. On s’est arrêté sur des thèmes contestés comme la compétence de Dessalines au pouvoir, pour se transformer, d’homme de guerre en homme de paix, son absolutisme, ses traits de caractérologie de « primaire, actif et émotif » (un sanguin ? un sanguinaire ?), sa bonté native jusqu'à la naïveté candide, sa perméabilité à subir les influences de son entourage, sa spontanéité compatible avec une dose de calcul rusé, sa rigueur tempérée par une complaisance complice, ses atouts dérivés des impératifs de son usage personnel du pouvoir jalousé par des collègues militaires jouant à l’indépendance par rapport à lui, ses contradictions, sa sensibilité altruiste, sa philosophie sociale, cette riche étoffe humaine trop à l’étroit du corset des conformismes de ceux d’en haut alors qu’il était à l’aise avec les savoir-faire de ceux d’en bas, et voilà qui fait déjà parler d’un Dessalines de Manigat, comme on a déjà parlé du Toussaint de Manigat il y a quelques années. Et puis cette gestion de l’économie d’après la tempête dont les statistiques et les appréciations de Madiou pour le commerce extérieur de 1804 à1806 illustrent l’analyse qualitative des problèmes et des solutions appréciables à leur juste valeur, dans le contexte du caporalisme agraire à intentions socialisantes d’un régime policier. Camper un homme en dépeignant son destin.
Mais en des séquences saisissantes, nous scandons les neuf coups de force qui ont jalonné l’ascension fulgurante de Toussaint Louverture qui a obligé ses rivaux l’un après l’autre, a être brisés en devenant inexorablement, des obstacles à éliminer sur son chemin : exit Galbaud, exit Sonthonax, Exil Maitland, Exit Vilatte, Exit Hédouville, exit Moise, exit Roume, exit Rigaud.
Mais cette chronologie des neuf coups de force et d’éclat ne doit pas faire oublier les dix instruments de la conquête du pouvoir (à apprendre par cœur ?) par le stratège consommé d’un ancien esclave reconnu comme « un être extraordinaire par ses partenaires, par ses adversaires et par la postérité. On rappellera le mot trop connu « Il n’y a qu’un seul Toussaint Louverture et qu’à son nom, tout le monde doit trembler ». On y retrouvera, bien sur, l’analyse classique remaniée des douze facettes du génie de Toussaint Louverture, mais aussi des dimensions et aspects des relations internationales de Toussaint qui sont présentés sous une lumière originale et instructive, hissant Toussaint à la hauteur du dialogue d’égal avec Pitt par Maitland interposé au service de Sa Majesté Britannique, avec Jefferson, son « quasi-allié) et avec Napoléon. Une analyse inédite montre la crise de la grande propriété dont on continue à dire sans nuance que Toussaint est le garant, et montre aussi, sinon même surtout, la solution qu’il apporte avec le régime portionnaire de rétribution qu’il substitue sciemment à la grande propriété coloniale blanche déclinante dont les propriétaires l’accusent en France de sonner le glas. Des pages audacieuses ont permis une investigation sur la diversité, la constance et la hardiesse des rapports de Toussaint avec les anglo-saxons dans tous les domaines, jusqu'à la participation américano-anglaise dans les deux phases des guerres de l’indépendance haïtienne en situation concrète de belligérance. Les forces navales américaines sont restées engagées aux côtés de Toussaint jusqu’au bout, qui, en retour, avait consenti en faveur des vaisseaux marchands battant pavillon étoilé, le bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée de fait, dans les échanges commerciaux avec son ile devenue « son domaine ». Leclerc revenu en 1802 a dénoncé constamment dans ses rapports au premier consul le parti-pris délibéré louverturien contre le système de l’exclusif ou pacte colonial et par contre sa politique de donner le monopole aux américains en matière de commerce international.
Il est bien vrai que LES MASSES ONT FAIT LA REVOUTIION HAITIENNE D’INDEPENDANCE, MAIS SOUS LE LEADERSHIP DE DEUX MENEURS D’HOMMEs, L’UN POUR LA COMMENCER ET L’AUTRE POUR LA TERMINER. Malgré l’inimitié finale de leurs relations historiques, le passage de l’un et l’autre successivement a rendu possible de se rendre compte que le précurseur puis le fondateur ont été les CO-CONSTRUCTEURS de la nation haïtienne.
On ne saurait arrêter cette présentation sans souligner la nature « national-indigé niste » de la révolution haïtienne d’indépendance analysée dans ces trois premiers volumes de la nouvelle édition de poche totalement refondue de notre ancien Eventail d’Histoire Vivante d’Haiti, notre révolution qui a dû attendre la révolution mexicaine de 1917 pour découvrir une révolution-sœur en affirmation de « National-indigenism e », ou les temps de Sandino dans les années 1930s en lutte de classes et de races pour la libération de son peuple nicaraguayen et de tous les peuples opprimés de l’Indo-Amérique Latine, et trouver aujourd’hui des répliques sinon des sosies dans les expériences national-indigé nistes à l’offensive en Amérique centrale et andine au jour d’aujourd’hui. . Comme quoi, avec les révolutions national-indigé nistes de l’Amérique Latine contemporaine, il y a de l’ethnicité dans l’air.
L’aventure qui commence, avec la parution des trois premiers volumes de notre nouvelle édition de poche de l’Eventail d’histoire vivante d’Haiti, sur les quinze annoncés, promet de faire vivre l’histoire nouvelle telle que « nouvelle histoire » chez nous, pour des générations de « fans » de l’étude scientifiquement conduite de l’évolution historique plus que bicentenaire de notre peuple encore souffrant d’avoir été pionnier
Leslie F. Manigat