Continuons notre série sur l’interprétation et la partition. Dans le post précédent nous avions abordé la question de l’édition , aujourd’hui nous nous tournons vers la notation et l’interprétation des signes.
Chaque signe écrit par le compositeur possède une signification globale. Chaque exécutant aura une approche différente du même signe. Autrement dit, la notation nous donne à nous interprètes une certaine marge de manœuvre, un petit espace de liberté. C’est à nous de définir le sens exact du signe, en fonction de notre gout et du contexte lié au texte, à l’époque et au compositeur lui-même.
Prenons maintenant un petit exemple pratique. Le point au-dessus ou en-dessous d’une note signifie qu’elle doit être jouée staccato ou en termes moins technique « piquée ». Le compositeur nous indique par ce signe que la note est courte. Oui, mais dans quel ordre de grandeur? Le plus court possible ou juste court? C’est ce que le compositeur laisse à l’appréciation de l’interprète. La notion de durée est très relative: certains joueront la note très courte et d’autres opteront pour un staccato moins sec. Le résultat dans ces deux cas sera complètement différent et influera sur le caractère général de l’œuvre: il y aura donc une interprétation différente d’un même signe engendrant une interprétation différente de l’œuvre complète.
Chaque compositeur a une idée très précise du résultat à obtenir. Une partie de son travail est de transcrire en un langage « universel » cette idée précise, ceci en utilisant une notation compréhensible par tous les musiciens. Celle-ci se révèle être souvent sémantiquement floue et ne reflète qu’une partie de l’intention du compositeur. Le compositeur pourra donc préciser la notation en ajoutant des annotations ou d’autres signes, mais ceci peut parfois surcharger la partition, la rendant difficilement lisible. Il peut aussi laisser travailler l’intelligence de l’interprète pour déduire la véritable nature du signe employé dans le contexte précis de son œuvre. L’interprète doit donc toujours mettre en perspective ce que le compositeur écrit et ne pas le prendre pour agent comptant: c’est un fondement du travail interprétatif. Rappelez-vous: un point signifie staccato, oui, mais quel type de staccato?
Dans mon travail avec les compositeurs, il souvent arrivé que mon interprétation de certains signes soit très différente de l’idée du compositeur. Nous parlions bien évidemment du même texte, des mêmes signes mais notre idée face au résultat musical était complètement différente. On ne pouvait pourtant ni dire que l’interprète avait tort, ni dire que le compositeur avait mal écrit le passage: nos perspectives étaient différentes, c’est tout. Les compositeurs alors expliquent et remettent dans le droit chemin de leurs intentions l’interprète qui s’en était écarté.
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