J’étais conviée hier soir à une performance de Bita Faayazi, artiste iranienne dont je ne connaissais encore rien, ce qui m’a permis de vivre pleinement l’évènement.
Ce serait réducteur de le décrire avec des mots, les photos parlant d’elles-mêmes. Je préfère laisser (moi aussi) libre cours à mes sensations et les laisser se dévider au fil de mes pensées.
Une sculpture vivante
Qui témoigne d’une souffrance
Qui défie l’auditoire
C’est une femme offerte. Ouverte.
On la perce facilement
Tout est à prendre
Cœur gros et lourd de bronze rose en premier
Prisonnière, attachée, attachante
A son corps défendant
Par des cordes, fils, cheveux, liens de tous poils,
Renforcés de pinces, de menottes, de pistolets
L’assistance fatigue, s’assoit, se lasse
A cours d’inspiration
Attaquons le cocon
Le premier dévide un peloton
Provoquant de brefs gémissements
Le second s’accroupit pour déplacer un objet avec précaution
Celle-ci plonge dans les entrailles
Représentation métaphorique d’une césarienne
Des objets nouveau-nés sont lâchés sans scrupules
Tombant bruyamment sur le plancher en résonnant comme des cris
D’autres sont posés au ralenti
En étouffant le bruit des talons sur le parquet blond
Le spectateur devient acteur
La performeuse est spectatrice
Suivant une orchestration aléatoire
L’un après l’autre ils se lèvent
Composant une de ces processions religieuses célébrant une sainte
Bita est là, bras en croix
Impuissante ou terriblement éminente
Celui-là tire un peu sur la corde
Sans peur ni reproche
Celle-ci pointe l’arme
Sur la figure de proue défiant les regards
La chrysalide en soie turquoise expire
A-t-elle dit hou …ou … ouh
Scène violente que d’aucuns ne supportent plus
Besoin d’air, de sortir, d’échanger avec les autres
Une adolescente fait un geste de la main avant de partir
Pour encourager ou dire au-revoir, je reviens
Long battement de cils silencieux
Clin d’œil d’un homme
Sourires, rires étouffés
Brouhaha du hall qui s’infiltre à chaque ouverture de porte
Quelques-uns reviennent
C’est qu’il en reste encore
À sortir des tripes
Le perchman souffre en miroir, bras tendus
En solide appui sur le mur
Bita fait la moue
Bita tire la langue
Bita tient le coup
Une maman pose, au pied de la robe bleue
Son bébé dans les bras
Trio quasi botticellien
La salle est désertée
Bita a le ventre vide
Au-revoir s’étrangle une jeune fille effrayée
Le public est revenu au monde
Tentant de tendre la main vers le buffet
Après l’avoir plongée dans l’artiste
Chacun interprète, discute, argumente, se livre un peu.
Dehors, de grosses boules bleues se balancent dans les arbres de l’avenue. Encore du bleu ... couleur artistique s’il en est. Elles passent au rouge vif pendant que je prends quelques photos. Un quatuor de techniciens se livre à des tests d’éclairage grandeur nature, hésitant déjà sur le meilleur choix pour illuminer les Champs Élysées Noël prochain et le Jour de l’An.
Le quartier de l’Etoile scintillera probablement en turquoise à ce moment là. Comme Bita ce soir !
Bita Faayazi est née en 1962 à Téhéran en Iran. Après avoir vécu pendant 7 ans en Angleterre, elle est retournée dans son pays où elle vit, travaille et enseigne. Elle a une expérience professionnelle de plus de 15 ans dans le domaine de la céramique et de la sculpture. Elle exposera très prochainement à Paris avec deux autres artistes iraniens, Ramin Haerizadeh et Rokni Haerizadeh, sous l'intitulé «Couronnés de lauriers dans l'oubli» du 03 juin au 30 juin 2010, à la Galerie THADDAEUS ROPAC, 7, rue Debelleyme, dans le troisième arrondissement.