Il y a longtemps que je cherchais quelqu'un qui aurait un autre point de vue, sur le moyen de réduire le nombre d'accidents et de morts sur les routes, que de faire payer, de plus en plus cher, les automobilistes, considérés dans leur ensemble, sans discernement, comme des coupables, qu'il faut punir pécuniairement, administrativement et pénalement. Avec le livre de Maurice Von der Mühll, publié aux éditions Xenia ici j'ai trouvé cette perle rare. Dans ce livre j'ai trouvé des idées originales qui méritent au moins d'être examinées sinon adoptées.
En ce week-end de l'Ascension, où, malheureusement, un certain nombre d'automobilistes trouveront la mort, il est intéressant de se demander pourquoi la solution conformiste de la réduction de ce nombre passe par une baisse de la vitesse limite, par l'augmentation des amendes, par l'augmentation des taxes, en résumé par une répression collective accrue, sans parvenir à un résultat probant, ni tangible. Le nombre de morts sur les routes en Suisse tournant, chaque année, bon an mal an, autour de 500, en dépit de mesures toujours plus contraignantes.
Maurice Von der Mühll a exercé pendant 40 ans, à Lausanne, la profession d'avocat et a "forcément rencontré beaucoup de cas d'accidents de la circulation". Lui-même n'a été vitime que d'un seul accident, "provoqué par un autre, où il a laissé des plumes". C'est donc au nom de toutes les victimes qu'il a décidé de s'intéresser au sujet, avec la ferme intention de ne pas s'en laisser conter par les prétendus spécialistes en chambre, spécialistes surtout des règles arbitraires.
Maurice Von der Mühll est particulièrement sensible à l'équité, déformation professionnelle en quelque sorte. Il est surtout indigné par le fait que les bons conducteurs, qui représentent la très grande majorité des conducteurs en Suisse, soient traités de la même façon que les chauffards avérés. Partant de là il est convaincu que la répression accrue des automobilistes sans distinction va à l'encontre du but recherché qui est de réduire le nombre d'accidents :
"Il faut surtout motiver les bons conducteurs et leur donner envie de le rester jusqu'à la fin de leurs jours".
Or cette répression uniforme conduit au développement d'une mentalité qui va à l'inverse du but recherché :
"Du moment qu'il n'y a pas de pardon, autant prendre des risques et demeurer lucide. Comme on dit aussi dans ces cas-là : "pas vu, pas pris" en ajoutant : "si je dois être sanctionné un jour, une autre fois, pour ce genre de faute, je saurai au moins que je l'ai vraiment mérité"."
Tout au long du livre l'ancien avocat expose les réformes qu'il demande, à partir des constats qu'il a effectués, et qu'il justifie de manière très argumentée et convaincante.
Chemin faisant il rappelle quelques vérités et s'en prend à quelques idées reçues :
"N'oublions pas que dans nos sociétés modernes le trafic des personnes et des marchandises est à la source d'une économie prospère fondée sur les échanges. N'acceptons pas que certains, voulant se rendre intéressants, créent des chicanes et toutes sortes de difficultés sur la route."
Il démontre, à l'aide des lois de la physique, qui sont "incontournables pour tous" que "le ralentissement général des véhicules augmente le degré de pollution de l'air".
En fin d'ouvrage il résume les 6 réformes que les autorités fédérales devraient, selon lui, avoir à coeur d'engager :
"1. Bonus au pénal pour les bons conducteurs qui n'ont pas eu d'accident pendant plus de 5 ans, aux donneurs de sang et aux conducteurs qui ont signé un don d'organes.
2. Suppression de la priorité de droite [priorité à droite en France] remplacée par la double priorité due aux piétons et au trafic.
3. Moderniser la loi et la simplifier par l'adoption des 15 commandements du bon conducteur.
4. Marge de tolérance d'au moins 5 km/h pour les excès de vitesse et pour l'alcool au volant sans accident jusqu'à 0.8°/°°. En revanche, condamnation dès qu'il y a accident même avec un tout petit peu d'alcool.
5. Organisation d'une procédure rapide pour les retraits de permis à raison d'un excès de vitesse ou d'une conduite sous l'effet de l'alcool.
6. Créer un esprit de tolérance chez les automobilistes entre eux et chez les autorités chargées de la répression."
Bien sûr il faut lire le livre pour comprendre le pourquoi de chacune de ces réformes, qui plutôt que "de durcir les règles de la circulation" se fondent sur une véritable compréhension de la "psychologie des conducteurs". Bien sûr il faut le lire pour découvrir les 15 commandements du bon conducteur, qui relèvent du simple bon sens, largement perdu de vue par les autorités.
Ce livre, écrit dans une langue accessible à tout le monde, non dépourvue d'ironie et de fermeté par moments, souligne que les conducteurs doivent être considérés comme des adultes, c'est-à-dire comme des êtres responsables de leurs actes et non pas comme des moutons que l'on peut tondre et soumettre indéfiniment à l'arbitraire.
Francis Richard
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