-Moderato cantabile, dit l'enfant.La dame ponctua cette réponse d'un coup de crayon sur le clavier. L'enfantresta immobile, la tête tournée vers sa partition.-Et qu'est-ce que ça veut dire, moderato cantabile ?-Je ne sais pas.Une femme, assise à trois mètres de là, soupira.Tu es sûr de ne pas savoir ce que ça veut dire, moderato cantabile ? reprit la dame.L'enfant ne répondit pas. La dame poussa un cri d'impuissance étouffé, touten frappant de nouveau le clavier de son crayon. Pas un cil de l'enfant nebougea. La dame se retourna.-Madame Desbaresdes, quelle tête vous avez là, dit-elle.Anne Desbaresdes soupira une nouvelle fois.-A qui le dites-vous, dit-elle.L'enfant, immobile, les yeux baissés, fut seul à se souvenir que le soir venaitd'éclater. Il en frémit.-Je te l'ai dit la dernière fois, je te l'ai dit l'avant-dernière fois, je te l'ai dit cent fois, tu es sûr de ne pas le savoir?" Au café: "-Parfois encore, c'est l'été et il y a quelques promeneurs sur le boulevard. Le samedi soir surtout, parceque sans doute les gens ne savent que faire d'eux-mêmes dans cette ville. -Sans doute, dit Chauvin. Surtout des hommes. De ce couloir, ou de votre jardin, ou de votre chambre, vous les regardez souvent. Anne Desbaresdes se pencha et lui dit enfin.-Je crois, en effet, que je les ai souvent regardés, soit du couloir, soit de ma chambre, lorsque certains soirs je ne sais quoi faire de moi. Chauvin proféra un mot à voix basse. Le regard d'Anne Desbaresdes s'évanouit lentement sous l'insulte,..."Antigone et Passion des livres en parlentUn film de Peter Brooke avec Jeanne Moreau et Belmondo est maintenant en DVD
Moderato cantabile de Marguerite Duras(Les Editions de Minuit, 1958, 155p))