Parce qu'hier je suis allée choisir des livres et que je suis revenue de ma tournée mensuelle avec pas moins de douze titres tout nouveaux ( douze comme une douzaine d'œufs frais bien nourrissants!), aussitôt j'ai ressenti comme une légère indigestion anticipée!Trop, c'est trop! Par où commencer? Celui-ci? Celui-là? Le plus mince ? Le plus épais? Le plus populaire? Le plus mal aimé?Et finalement qu'est-il sorti de cette introspection angoissée?Un petit livre de 155 pages, tout simple, tout blanc, tout oublié depuis plusieurs années mais une de mes valeurs sûres au titre de toute beauté!Moderato cantabile! Modéré et chantant!Marguerite Duras, mon amour!Je ne suis pas sûre de tout comprendre mais j'aime quand même toujours beaucoup ce récit si modeste que je relis pour la... énième fois!On dirait un drame intime mais théâtralisé en huit parties! De la leçon de piano interrompue par le cri d'un crime jusqu'à ce lendemain de fête aux baisers froids comme la mort! Attention! Résumé complet réservé à ceux qui ont déjà lu le livre!Dans une ville en bord de mer, la jeune épouse d'un grand patron, Anne Desbaresdes, fait scandale. Elle traverse toute la ville chaque semaine pour faire prendre à son enfant sa leçon de piano. Il est doué mais entêté. Un jour une femme est tué par son amant dans le café du coin. . Désormais, la mère et l'enfant viendront tous les soirs dans cet endroit. Elle y rencontrera Chauvin, un jeune ouvrier licencié par son mari pour ne parler que de ce couple de l'assassin amoureux et de sa victime consentante qu'ils viennent de voir baignant dans le sang, en ce même lieu.Elle cherche à comprendre pourquoi le cri était surtout celui du plaisir. Ils boivent beaucoup ensemble sous les yeux désapprobateurs de la patronne et des autres clients. L'enfant, lui, attend et joue dehors. Elle, elle s'enivre souvent désormais. Lui, il est amoureux d'elle et rôde sans cesse, le soir et la nuit, devant sa grande maison du Boulevard de la Mer, parmi le parfum entêtant des magnolias! Un soir de grande fête chez elle, tous l'attendent avant de commencer le repas. Elle arrive très en retard, ébouriffée et déjà ivre. Elle ne parle pas et mange peu mais continue à boire avant d'aller s'étendre sur le plancher au pied du lit de son fils endormi. Quelques jours plus tard, elle retrouve Chauvin au café où ils s'embrassent pour la première fois..A partir de là, je ne suis plus sûre de rien! Le baiser est froid. Elle a peur!"Les hommes évitèrent encore de porter leurs yeux sur cette femme adultère. Elle fut levée.-Je voudrais que vous soyez morte, dit Chauvin.-C'est fait, ditAnne Desbaresdes."Que faut-il comprendre? Qu'a-t-elle décidé? Reviendra-t-elle encore dans ce café rencontrer cet homme ou pas? Je reste perplexe! Nombreux sont les lecteurs de ce livre: comment interprétez-vous cette fin?N'empêche, ce n'est pas cette histoire que j'aime mais uniquement la voix, le ton, le style de Marguerite.Duras.qui n'explique rien, ne décrit rien, ne juge pas mais se contente d'évoquer des faits , des conversations, des silences, des odeurs, des gestes mêmes les plus insignifiants en apparence mais qui constituent une atmosphère étrange, toujours un peu lointaine! En somme c'est sa petite musique que j'aime, moderato cantabile!Le tout début: "Veux-tu lire ce qu'il y a d'écrit au-dessus de ta partition ? demanda la dame.
-Moderato cantabile, dit l'enfant.La dame ponctua cette réponse d'un coup de crayon sur le clavier. L'enfantresta immobile, la tête tournée vers sa partition.-Et qu'est-ce que ça veut dire, moderato cantabile ?-Je ne sais pas.Une femme, assise à trois mètres de là, soupira.Tu es sûr de ne pas savoir ce que ça veut dire, moderato cantabile ? reprit la dame.L'enfant ne répondit pas. La dame poussa un cri d'impuissance étouffé, touten frappant de nouveau le clavier de son crayon. Pas un cil de l'enfant nebougea. La dame se retourna.-Madame Desbaresdes, quelle tête vous avez là, dit-elle.Anne Desbaresdes soupira une nouvelle fois.-A qui le dites-vous, dit-elle.L'enfant, immobile, les yeux baissés, fut seul à se souvenir que le soir venaitd'éclater. Il en frémit.-Je te l'ai dit la dernière fois, je te l'ai dit l'avant-dernière fois, je te l'ai dit cent fois, tu es sûr de ne pas le savoir?" Au café: "-Parfois encore, c'est l'été et il y a quelques promeneurs sur le boulevard. Le samedi soir surtout, parceque sans doute les gens ne savent que faire d'eux-mêmes dans cette ville. -Sans doute, dit Chauvin. Surtout des hommes. De ce couloir, ou de votre jardin, ou de votre chambre, vous les regardez souvent. Anne Desbaresdes se pencha et lui dit enfin.-Je crois, en effet, que je les ai souvent regardés, soit du couloir, soit de ma chambre, lorsque certains soirs je ne sais quoi faire de moi. Chauvin proféra un mot à voix basse. Le regard d'Anne Desbaresdes s'évanouit lentement sous l'insulte,..."Antigone et Passion des livres en parlentUn film de Peter Brooke avec Jeanne Moreau et Belmondo est maintenant en DVD
Moderato cantabile de Marguerite Duras(Les Editions de Minuit, 1958, 155p))