Grenelle 2: députés divisés pour une loi dépouillée
Jean-Louis Borloo n'a pas réédité son exploit de l'automne 2008, quand il avait obtenu un quasi-consensus pour sa première loi issue du Grenelle de l'environnement. Simple catalogue de belles intentions, cette dernière ne créa pas de vagues. Mardi dernier, après un débat marathon, les députés UMP et Nouveau Centre ont adopté sans surprise la loi mal dénommée Grenelle 2. Décrétée d'urgence il y a plus d'un an (le 13 janvier 2009), la loi sur l'engagement national pour l'environnement a attendu un an pour être votée, un an de réunions, de tractations, de débats et, surtout, d'actions des lobbyistes en coulisses. Cette fois-ci, la gauche n'a pas suivi. On a déjà souligné ici ou ailleurs en quoi ce monument législatif était finalement une vaste imposture, un fatras administratif peu contraignant, grâce à l'action de quelques lobbies, qui enfonçait nombre de portes ouvertes. Parmi les mesures phares, on pouvait citer :
- le durcissement des conditions d'implantation des éoliennes,
- la relative protection accordée aux pesticides (l'interdiction de commercialisation d'un pesticide étant désormais soumis à l'autorisation de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments),
- la création d'un label plutôt flou de «haute valeur environnementale»,
- l'encouragement des transports électriques ou hybrides,
- l'interdiction de la promotion du téléphone portable à destination des enfants de moins de 14 ans,
- la mise aux normes d'économie d'énergie des futures constructions de bâtiments et logement.
Burqa : députés unis pour des belles paroles
Autre sujet, autre ambiance. Mardi toujours, les députés ont voté en faveur d'une résolution sur «l’attachement au respect des valeurs républicaines faceau développement de pratiques radicales qui y portent atteinte». Vaste programme. Le texte vise la burqa et autre voile intégral. Le texte était court, s'abritant notamment derrière les déclarations des droits de l'homme de 1789 et de 1948 et la Convention européenne des droits de l'homme :
«Considérant que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe de valeur constitutionnelle, une valeur essentielle de la République française et fondatrice de l’Union européenne ; Réaffirmant que le principe d’égalité, la lutte contre toute forme de discrimination et la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes sont au cœur de notre ordre juridique et notre projet de société ;Prenant acte que la lutte contre les violences faites aux femmes a reçu le label de « Grande cause nationale » pour l’année 2010 ;1. Considère que les pratiques radicales attentatoires à la dignité et à l’égalité entre les hommes et les femmes, parmi lesquelles le port d’un voile intégral, sont contraires aux valeurs de la République ;2. Affirme que l’exercice de la liberté d’expression, d’opinion ou de croyance ne saurait être revendiquée par quiconque afin de s’affranchir des règles communes au mépris des valeurs, des droits et des devoirs qui fondent la société ;3. Réaffirme solennellement son attachement au respect des principes de dignité, de liberté, d’égalité et de fraternité entre les êtres humains ;4. Souhaite que la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes soient une priorité des politiques publiques menées en matière d’égalité des chances, en particulier au sein de l’Éducation nationale ;5. Estime nécessaire que tous les moyens utiles soient mis en œuvre pour assurer la protection effective des femmes qui subissent des violences ou des pressions, et notamment sont contraintes de porter un voile intégral.»L'empressement Umpiste à voter un tel texte, en pleine crise économique et financière ne lasse pas de surprendre. La burqa ou le niqab sont clairement des atteintes à la dignité de la femme. L'agitation médiatique autour de ces pratiques folkloriques importées d'Afghanistan ou du Pakistan a porté plus de tort que de raison au débat. Au final, 288 députés UMP, 18 Nouveau Centre, 123 socialistes et affiliés, et 5 indépendants (dont François Bayrou) ont voté en faveur du texte. Après cette belle déclaration de principe, le gouvernement planche sur un projet de loi. Les socialistes ont prévenu qu'ils ne voudraient pas d'une loi d'interdiction totale (i.e. dans tous les lieux).
Karachigate : commission parlementaire «entravée»
Mercredi, l'AFP a publié de larges extraits d'un rapport parlementaire sur l'attentat de Karachi, qui a tué 11 Français en mai 2002. Les rapporteurs sont prudents. Il faut avouer que le secret défense n'a pas été intégralement levé comme l'avait promis Hervé Morin, en juin 2009. L'un des députés de la commission d'enquête accuse même le gouvernement d'avoir entravé ses travaux. Mais les rapporteurs, quoique timides, n'excluent rien, voir confirment les révélations des mois précédents.
1. "Le lien entre l'arrêt de versement de certains FCE [commissions, NDLR] et l'attentat ne peut être écarté».
2. La vente des trois sous-marins Agosta en 1994 au Pakistan par le gouvernement Balladur «s'est accompagnée du versement de commissions», légales à l'époque et qui se sont «vraisemblablement» élevées à 10,25% du contrat, soit 550 millions de francs (84 millions d'euros)
3. Les témoignages sur l'existence d'éventuelles rétrocommissions sont jugés fragiles.
4. Ces commissions ont bénéficié dans un premier temps à «des personnalités politiques pakistanaises» (pour environ 6% du marché). les rapporteurs notent ensuite «l'irruption soudaine et plus qu'étrange», au printemps 1995, et «à la demande du cabinet du ministre de la Défense» de deux autres intermédiaires qui ont obtenu 4% du contrat.
Interpellé, le ministre de la Défense a promis mercredi la transmission «dans l'après-midi» à la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), de «nouveaux documents»
Pour s'excuser du peu d'informations communiquées jusqu'alors, le ministre a quasiment invoqué le malentendu (sic!) : lors de la 1ère saisine de la CCSDN, le ministère avait transmis des documents dont les juges n'avaient pas demandé la déclassification. C'était pas de chance ! Autre exemple, les ministères de la Défense, des Affaires étrangères et des Finances n'ont pas jugé bon de transmettre les documents sur le contrat de vente des sous-marins, au prétexte qu'une enquête judiciaire est en cours, rapporte 20 minutes...