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Quand Vichy dénaturalisait Gainsbourg

Publié le 12 mai 2010 par Lommedesweppes
Extraits d'un article paru sur le site NouvelObs.com le 28 avril 2010
"...1940, Vichy met en place une commission spéciale chargée de réexaminer les dossiers de toutes les personnes devenues françaises depuis 1927. En ligne de mire, les Juifs.
Parmi ces familles rayées de la nationalité française par les garde-chiourmes de l'identité nationale de l'époque, se trouvent des noms qui incarnent aujourd'hui la culture française, comme Marc Chagall ou Serge Gainsbourg, dont la famille entière est déchue au motif qu'ils sont "israélites sans intérêt national"...
Ils s'appelaient apollinaire, Drucker, Vartan, Cavanna, Montand ou Domenech. Ils venaient de l'est ou du sud de l'Europe, chassés par les pogroms, le communisme, les fascismes ou la misère...
"Juifs" : la même infamie pour justifier la dénaturalisation d'une famille entière, les Ginsburg, Joseph, Olia et leurs enfants, Jacqueline, Liliane et Lucien, pourtant nés en France.
Lucien a 15 ans. Il n'est pas encore Serge Gainsbourg. En 1943, leur dossier est rouvert par la commission. "Exerçant la profession de pianiste, le nommé Ginsburg qui se déplace fréquemment réside actuellement à Lyon. Sa fille Jacqueline, titulaire d'une carte d'identité au titre de lycéenne avec la mention "juive", fréquente le lycée Jules Ferry avec sa soeur Liliane. Son fils Lucien est inscrit au collège Du Guesclin. Il ressort néanmoins que l'intéressé a quitté la capitale en 1941 pour la zone libre pour s'éviter des ennuis en raison de sa confession", conclut l'enquête de police. La commission tranche : "Retrait général" ! Gainsbarre aurait apprécié. Comme Chagall, il n'en a rien su. Les Ginsburg, sentant le vent mauvais, se sont fait la malle.
Leurs faux papiers portent le nom de Guimbard. Dinard, Nice, Lyon, Limoges: la chancellerie n'arrive pas à leur mettre la main dessus... "On ne se rendait compte de rien, mais on l'a échappé belle. Dans notre immeuble à Limoges, où nous nous étions réfugiés, la police est venue chercher toute une famille", se souvient Jacqueline, la soeur du chanteur...
Car jusqu'à la fin les fonctionnaires de l'administration française ont accompli leur tâche. Un avis de recherche de Joseph Ginsburg a ainsi été émis le 22 juin 1944 à Limoges. Après le débarquement ! C'est sans doute ce zèle tenace qui effraie le plus. Le dossier du père de Jean Ferrat, Mnacha Tenenbaum, naturalisé en 1928, est ainsi passé deux fois en commission. A l'automne 1943 et au printemps 1944. Pendant tout ce temps, les fonctionnaires enquêtent. L'administration envoie des policiers dans ses anciens lieux de résidence, fait vérifier le registre des sépultures militaires. Un rapport de la préfecture de 1944 résume : "Juif russe marié à une Française aryenne. Parti sans laisser d'adresse. Et pour cause.
Mnacha Tenenbaum était du convoi numéro 39, parti le 30 septembre 1942 de Drancy. Il n'est jamais revenu."
En ce lendemain d'anniversaire du 8 mai, ce rappel n'est pas inutile. Pour se rappeler. Pour ne pas oublier. Mais surtout pour ne pas recommencer.

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