Le Pr Henri-Jean Aubin, psychiatre et addictologue revient sur les substances consommées par les jeunes et notamment le tabac, qui n'est perçu comme une drogue...
L’addiction est définie comme un processus selon lequel un comportement qui permet d’éprouver un plaisir, soulager une tension interne est répété malgré les efforts. C’est une perte du contrôle du comportement qui est poursuivi malgré ses conséquences négatives.
Le tabac entraine une dépendance dont les caractéristiques sont communes à l’ensemble des drogues licites (alcool) ou illicites (cocaïne, opiacées, cannabis...). Ce risque de dépendance augmente fortement jusqu’à 10 cigarettes / jour et s’installe essentiellement entre la 1ère et la 10ème année de tabagisme. Un des effets pervers du tabac est de ne donner que peu de symptômes apparents d’intoxication, ce qui tend à banaliser le tabagisme. Le pouvoir d’accrocher un expérimentateur au tabac est particulièrement élevé : c’est la drogue pour laquelle le risque de développer une dépendance après quelques expositions est le plus élevé. Nous sommes devant un problème de santé publique grave. Le nombre de jours d’hospitalisation lié au tabac vient en tête même par rapport à l’alcool.
Le tabac est la première cause de mortalité évitable mais tout montre qu’il est très difficile d’arrêter de fumer. L’arrêt du tabac induit pendant environ 2 à 4 semaines des symptômes pénibles : frustration, irritabilité, colère, nervosité, dépression, difficultés de concentration, troubles du sommeil... Par contre, les traitements actuels aident à passer ce cap.
Quel discours pour les jeunes ?
Les jeunes sont insensibles au discours de santé future. La dramatisation et la culpabilisation ne passent pas. Il faut attaquer par le comportement et leur faire prendre conscience que le tabac n’est pas une liberté mais une aliénation Leur faire valoir, eux qui sont dans une société d’image que le tabagisme est un marqueur social de souffrance psychologique et de vulnérabilité. Et puisque les discours institutionnels ne marchent pas bien, une des voix possibles serait que les messages soient portés par les jeunes eux mêmes à travers des communautés ou des réseaux sociaux pour qu’ensemble ils lancent la mode du « no tabac » Et leur donner la responsabilité de l’action... Il y a 30 ans, le Dr. Olivenstein, disait « si vous n’êtes pas motivé vous reviendrez me voir plus tard, si vous ne voulez pas je ne peux rien pour vous » La moralisation est difficile, et le rapport entre culpabilisation et responsabilisation aussi. Aujourd’hui nous favorisons la motivation avant le processus de maturation. L’acteur de santé peut induire le patient à changer. Nous devons être pro actifs en établissant une relation sans établir le discours à la place du patient.