La loi du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (dite loi Sapin), a été adoptée dans le but de réguler quelque peu le monde de la publicité.
En effet, les articles 20 à 29 s’attachent à imposer plus de transparence dans les prestations de publicité, en organisant le régime juridique de «l’achat d’espaces publicitaires» et des «entreprises qui fournissent des services de conseil en plan média ou de préconisation de support d’espace publicitaire».
Cette loi a été adoptée avant l’essor de l’internet, et n’avait donc pas prévu son application à ce média nouveau. La question se pose donc de savoir si cette loi est applicable à l’internet et, si la réponse est affirmative, dans quels cas.
Une application possible à l’internet
Le champ d’application prévu dans la loi est assez neutre technologiquement parlant, puisqu’aucun support ou type de support n’a été précisément prévu. La loi utilise des termes neutres qui peuvent être adaptés à tout type de support.
Il en est ainsi notamment des expressions «espace publicitaire» ou de «support» qui peuvent concerner tous les types de support et de médias. Cette neutralité permet une souplesse dans l’application de la loi, et une adaptabilité du texte aux évolutions techniques et technologiques.
L’espace publicitaire est appréhendé par la jurisprudence de manière large, et recouvre tant les espaces physiques (encarts publicitaires dans un périodique), que le temps d’antenne à la radio ou à la télévision.
La jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur l’application de la Loi Sapin pour des prestations de publicités effectuées sur l’internet.
Les juges de la Cour d’appel de Paris ont ainsi considéré qu’un contrat entre un client annonceur et une agence de publicité chargée d’acheter des bannières publicitaires en ligne, était régi par les dispositions des articles 20 à 28 de la loi du 29 janvier 1993 (CA Paris, 22 septembre 2009).
On peut en déduire que la Loi Sapin trouve à s’appliquer sur l’internet. La condition d’application principale étant l’achat d’espaces publicitaires.
Situations dans laquelle s’applique la Loi Sapin
La Loi ne s’applique que lorsque certaines conditions sont remplies.
- Il existe d’abord une condition de territorialité : la loi ne s’applique que si le message publicitaire est réalisé au bénéfice d’une entreprise française et qu’il est principalement reçu sur le territoire français.
- Les autres conditions sont résumées dans la première phrase de l’article 20 : «Tout achat d’espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l’édition ou la distribution d’imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d’un annonceur et dans le cadre d’un contrat écrit de mandat.»
- Il faut un achat, cela signifie un contrat à titre onéreux. Il faut également un espace publicitaire, c’est-à-dire un espace sur lequel est diffusée une publicité.
La publicité a été définie par la Cour de cassation, dans une affaire relative à la publicité trompeuse, comme «tout moyen d’information destiné à permettre au client potentiel de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services qui lu sont proposés» (Cass Commerciale, 6 mai 2008).
Une application de la loi selon les prestations fournies
Compte tenu de ces conditions et du champ d’application de la loi, on peut opérer une dichotomie entre deux grandes catégories d’activités sur le web selon un critère lié à l’application ou non de la Loi SAPIN.
- D’un côté, il est possible de classer toutes les activités liées au référencement payant que ce soit sur un moteur de recherches ou sur un site internet ou un annuaire.
Dans ces cas, la loi SAPIN trouve à s’appliquer à ces prestations pour peu que les autres conditions soient remplies : territorialité, présence d’un intermédiaire…
- De l’autre côté, on trouve les activités de qualification et d’enrichissement de données de connexion, ou les activités d’amélioration de référencement naturel par exemple.
Ces prestations, puisqu’elles ne dépendent pas d’un espace publicitaire, n’entrent pas dans le cadre de la Loi SAPIN.
Il existe, cependant, un risque faible d’application de la loi Sapin à ces activités de webmarketing, si les juges considèrent que l’entreprise fournit des conseils en plan média, ou de préconisation de support d’espace publicitaire.
Dès lors, la loi pénale étant d’interprétation stricte, il ne semble pas possible aux juges de faire entrer dans le champ d’application de la Loi SAPIN, les seuls conseils d’amélioration de référencement naturel, puisque ces prestations se concentrent sur un seul média, et n’ont pas recourt a priori à des espaces publicitaires.
Par conséquent, 17 ans après son adoption, la Loi SAPIN continue à s’appliquer malgré les évolutions technologies. La question reste de savoir si cette loi, qui entrave quelque peu le marché du référencement sur l’internet, est conforme au droit communautaire qui a une vision plus libérale.
Source :
-Cass comm 6 mai 2008 ; -Voir le document
-Loi Sapin ; -Voir le document