Vous pouvez lire partout ces jours ci des péans à la gloire de la politique culturelle décentralisatrice du Centre Pompidou et des éloges sans fins sur l’architecture de Shigeru Ban et Jean de Gastines. Non que je sois en désaccord avec cette avalanche médiatique, mais souffrez que j’attende quelques jours pour écrire, et plutôt d’ailleurs sur l’exposition ‘Chefs d’oeuvre ?’. D’ici là, voici deux mots sur mon escapade lors de ma visite à Metz, en lieu et place de déjeuner.
Et quand des choses sont visibles, elles ont à faire avec la vision car elles questionnent la manière dont nous voyons et dont nous sommes vus, ainsi les installations de vidéosurveillance de Dora Garcia
(Proxy/Coma où une interprète, nommée Proxy, est filmée dans une salle cependant qu’une vidéo d’elle, filmée au même lieu mais à un autre moment, est diffusée dans une autre salle; et Forever, où c’est le visiteur qui est filmé, cependant que Dora Garcia, de chez elle, nous regarde, l’anti Boltanski en somme). Que sommes-nous prêts à accepter ? Comme Francis Alÿs l’avait fait à Londres, le groupe arterroriste a répertorié les caméras de surveillance de Metz; à nous d’établir notre itinéraire. Dans cet ensemble discret, furtif, décontenançant, on peut trouver emblématique l’image de l’affiche, Pissing de Knut Åsdam (ci-dessus; j’en ai récemment découvert un équivalent féminin -photos 7&8), mais j’aurais préféré comme emblème une image de la vidéo One second of silence (Part 01, New York, 2008) d’Edith Dekyndt : un drapeau transparent flottant au vent sur un ciel nuageux. Quel territoire marque-t-il, quelle souveraineté, sinon celle du rêve ? Nul chef d’oeuvre ici : cette exposition fut un excellent antidote postprandial à la richesse démonstrative du Centre Pompidou Metz. Pour compléter la cure, il suffisait ensuite de traverser la rue : dans l’église désacralisée des Trinitaires (où je me souviens d’avoir découvert Céleste il y a dix ans), la galerie messine Octave Cowbell présente (jusqu’au 29 mai) une installation Les durées exposées de l’artiste conceptuel Vincent Delmas, qui est toute de simplicité et de dépouillement. A une heure donnée (il y aura, au total, 77 moments), l’église est ouverte, pour une durée allant de 1 à 77 minutes et vous êtes simplement invité à observer le temps qui s’écoule, face à un écran-horloge marquant la durée. On peut méditer, prier, bailler, rester une minute ou tout le temps prévu. L’exposition est l’oeuvre, et l’oeuvre est l’exposition. C’est tout, et c’est une très belle expérience.Photos 1 et 3 courtoisie du FRAC; photo 4 de l’auteur. Knut Asdam étant représenté par l’ADAGP, la photographie de sa pièce sera retirée à la fin de l’exposition.