Je me suis absentée un moment de la toile, mais comprenez, je suis victime des caprices du second degré. Ils s'est dissout dans la consternation. Le Caliméro que je suis a convoqué Droopy. J'ai déjeuné avec une amie réalisatrice poussée à bout par ses techniciens. Tandis que les intermittents s'appliquent, se dévouent, ne comptent pas leurs heures de tournage dans l'espoir qu'on fasse à nouveau appel à eux, ceux qui disposent au contraire d'une confortable sécurité de l'emploi ont volontairement saccagé ses mois de labeur et d'enquête. Sur les pas d'un serial killer, redoublant d'efforts pour approcher les commissaires et organiser des reconstitutions, mon amie a dû, avant tout, affronter la mauvaise volonté de sa propre équipe issue des rangs d'une chaîne publique. Les bougres avaient des revendications de taille: il fallait interrompre les interviews à midi 30 tapantes pour aller déjeuner. Entrées, plats, desserts et cafés gourmands, histoire d'être bien sûrs d'engloutir la totalité de son budget repas et de profiter au maximum de leur dû. Entretien avec un haut ponte de la police ou pas, il n'était pas question de déjeuner sur le pouce! Ces fiers partisans du moindre effort avaient des droits qu'ils comptaient bien défendre bec et ongles. Les heures sup' étant pour eux ce que l'ail et la croix sont aux vampires, il fallait ensuite interrompre la traque du tueur à 17h pile, non pas pour aller chercher les enfants à l'école, mais pour rentrer à l'hôtel Campanile du coin et se tourner les pouces jusqu'au tournage du lendemain. De toute façon, le preneur de son ne "tournait pas dans ces conditions", l'accoustique du commissariat n'étant pas à la hauteur de son immense talent. Quelques soient les interlocuteurs que la journaliste s'évertuait à mettre en confiance avant les interviews, le cardeur débutait chaque entrevue en les interrompant d'un: "je vous préviens, dans une demi heure j'arrête de tourner, ça fait partie de la convention collective!". Une entrée en matière très pro. Les victimes du criminel se voyaient cette fois menacées par un cameraman féroce. Mais enfin, Monsieur était caméraman depuis l'ORTF, alors que la réalisatrice n'était encore qu'une gamine qui n'allait pas lui apprendre son travail! Revanchard et de mèche avec le preneur de son, l'insurgé décida finalement d'interrompre tout bonnement les enregistrements en pleines interviews. 3 jours de tournages réduits à 15 minutes d'enregistrement. Imaginez l'état nerveux de mon amie lorsqu'elle découvrit les bandes. De quoi adopter la vocation de serial killer sur le champ. L'affaire remonta jusqu'à la Direction mais les techniciens se contentèrent de nier sans sourciller, protégés qu'ils étaient par leur CDI douillet. Le lendemain de ce déjeuner déconcertant, mes producteurs et moi avons rencontré le Directeur des programmes d'une chaîne musicale. Celui-ci nous a précisément exposé ses attentes: "le contenu de votre documentaire, je m'en fous, personne ne regarde la chaîne dans ce créneau-là. Faites du remplissage, j'ai juste besoin d'atteindre mes quotas. Médiamétrie calcule notre audience le lundi et le mercredi. Le reste du temps, je diffuse des redifs de vieilles séries et du clip au mètre pour faire plaisir à aux annonceurs". Bref, une mentalité d'esthète fichée dans un être à coup sûr méritant, hissé au rang de décideur. Si vous vous demandiez pourquoi la télévision nous gave de mélasse, vous avez maintenant un semblant de réponse. Il faut bien l'admettre, ces derniers temps, Blanche Neige a simplement perdu la foi. Knock out. Les animaux de la forêt enchantée sont rentrés dans leurs terriers, abattus. Les sept nains ont fait grève. Elle s'est alors consacrée à son projet musical, mais l'éditeur qu'elle espérait a finalement renoncé à signer le projet pour cause de chant en anglais (quotas chanson française oblige). Une seule solution: l'hibernation!