Rigueur : quand la monnaie nous nique
Les syndicats n'ont pas apprécié le sommet social de Nicolas Sarkozy lundi après midi. Le président français
venait de convaincre ses partenaires européens à une nouvelle fuite en avant financière à hauteur de 750 milliards d'euros, sans contrepartie autre que la surveillance budgétaire des Etats,
c'est-à-dire l'austérité.
Les aides sociales supprimées
Lundi, Sarkozy a fait le tri entre
les dispositifs sociaux, imposés à son gouvernement par la rue et par la crise. Certains demeurent, d'autres sont supprimés.
Ainsi, l'allègement total de charges sociales pendant un an pour toute nouvelle embauche par une entreprise de moins de 10 salariés s'arrêtera en juin. Il coûte cher à l'Etat, a expliqué Sarkozy
(800 millions d'euros sur deux ans). Et la reprise est là, a-t-il
ajouté. Le chômage, pourtant, vient de franchir la barre symbolique des 10% au premier trimestre, malgré tous les efforts menés depuis 18 mois pour cacher les chômeurs dans des dispositifs
d'aide, d'emploi partiel ou de formation. L'aide dure un an et se chiffre à 185 euros par mois pour l'employeur recrutant un salarié au SMIC. Elle concerne un million de salariés!
Les différentes aides au pouvoir d'achat des ménages seront également sucrées cette année : le second tiers provisionnel de l'impôt pour les ménages modestes sera bien dû (sa suppression représentait un montant moyen de 180 € par foyer fiscal), l'octroi
de chèque emploi service sous condition de ressources sera supprimé. Toutes ces aides supprimées ont coûté plusieurs milliards et ne pouvaient être indéfiniment prolongées, a justifié M. Wauquiez... Bien sûr...
D'autres aides ont eu la faveur du Monarque. Celle relative au chômage partiel concerneraient 400 000 bénéficiaires. On s'interroge sur la logique qui considère que les entreprises seraient
suffisamment fortes pour recruter mais trop fragiles pour éviter de licencier. Le recrutement de jeunes en alternance (en apprentissage ou en contrat de professionnalisation) continuera également
d'être soutenu. Ces deux dispositifs «donnent des résultats encourageants mais fragiles. Nous ne pouvons risquer de les mettre en péril» a justifié Sarkozy. Autre soutien, marginal
celui-là, les contrats de transition professionnelle (CTP) pour les ex-intérimaires ou ex-CDD, qui bénéficient à environ 15 000 personnes dans 29 bassins d'emploi, seront étendues à quelques
autres zones, à titre «d'expérimentation».
La rigueur pour les autres... sauf pour les banques et les marchés
«Dans le cadre de l'effort de stabilisation des marchés que nous avons entrepris ce week-end, un certain nombre de nos partenaires, les plus menacés, ont annoncé des mesures d'austérité.
Certains voudraient voir une inflexion similaire dans notre politique économique. Je veux m'inscrire en faux contre cette interprétation.» a
tenté d'expliquer Sarkozy lundi. La presse ne fut pas dupe.
Certaines voix au gouvernement, Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat à l'Europe, et
Laurent Wauquiez, son collègue à l'emploi, se sont faites entendre pour critiquer le bouclier fiscal dans la perspective de la réforme des retraites. Un tabou serait-il en passe de tomber.
Le premier a plaidé pour une remise en cause partielle afin de faire contribuer «les hauts revenus» à la réforme des retraites. Le second a renchéri d'un «Tout le monde doit
payer». Promesses en l'air ? Un conseiller officieux du président français a prévenu: «Il faut, au moment où on fait cet effort de solidarité, dire "ne croyez pas que c'est en faisant
payer les riches qu'on remplit le trou"»... Ben voyons... Le Conseil d'Orientation des Retraites publiait d'ailleurs une nouvelle
étude de plusieurs scénarios de relèvement de l'âge légal de départ (aujourd'hui de 60 ans) et d'allongement de la durée de cotisation (actuellement fixé à 41 annuités pour un départ en
2012). Et qu'apprend-on ? Une chose très simple : ces allongements ne résoudront pas non plus le déficit du régime des retraites ! Un partout, la balle au centre...
Mardi, la banque centrale européenne a continué de racheter des titres de dettes sur les marchés, une façon de soutenir la valeur de l'euro et de prendre à sa charge le risque de défaillance ou
de dégradation de la valeur des dettes publiques. Mais les bourses n'ont pas suivi leur euphorie de la veille. Le CAC a clôturé en légère baisse de -0,73% mardi soir. Une note bancaire, publiée par les Echos, est très explicite sur la situation:
« La BCE ne peut pas à elle seule arranger les tensions fondamentales qui restent suffisamment fortes pour détruire le projet [européen]. La zone euro ne survivra (et peut-être un jour
se portera bien) qu'au prix d'un sacrifice fiscal considérable au cours des prochaines années » Les proches du
Monarque ont poursuivi leur story-telling: il fallait exagérer la menace, pour justifier l'incroyable cadeau (750 milliards de prêts et garanties), et faire oublier l'absence de contrepartie. «
Tous les responsables publics, moi comprise, avaient en tête la crainte d'un désastre si nous ne trouvions pas rapidement un accord»
a ainsi expliqué Christine Lagarde dans une interview aux Echos
mardi. «C'est un tournant historique. (...) Quand on met 500 milliards d'euros sur la table, c'est quand même qu'on y croit tous ! Cela signifie aussi qu'il y aura des
mesures d'ajustement budgétaire pour tout le monde.»
A l'automne 2008, les dirigeants européens s'étaient déjà faits piégés par une menace de défaillance générale du crédit inter-bancaire. Dix-huit mois plus tard, les appels à la régulation des
marchés sont restés lettre morte.
Sarkofrance