Née en 1952 à Newton, dans le Massachusetts (USA), Julie Traymor est la benjamine d’une mère militante démocrate et d’un père gynécologue. Dès l’âge de 7 ans, avec l’aide de sa sœur, la petite Julie fait du théâtre dans le jardin familial. Ce véritable intérêt pour le spectacle vivant se confirme lorsqu’elle suit les cours du Boston Children’s Theater, un théâtre pour enfants à visée professionnelle. Rapidement, elle s’initie aux autres cultures, et part, durant le lycée, tout un été en Inde et au Sri Lanka. La découverte de ce monde polychrome, où le bouillonnement humain se mêle aux odeurs des épices et des pots d’échappements, la marque à jamais. De retour à Newton en 1969, elle devient la plus jeune membre du Portman’s Theater Workshop de Boston, scène avantgardiste. « L’atelier de Barbara Linden permettait d’expérimenter de nouvelles voies, notamment en improvisant sur les Amérindiens », souligne Julie. Quelques mois plus tard, elle s’envole pour Paris, apprend le mime et le travail des masques à l’école internationale de théâtre Jacques Lecoq. Et passe son temps libre à la cinémathèque des Langlois, en compagnie des films de Godard et autres Truffaut.
Une artiste sans frontières
À 21 ans, elle est déjà une artiste accomplie. Mais la jeune femme a soif d’expérimentations. De 1975 à 1979, elle vit en Indonésie, où elle se perfectionne dans une compagnie de masque et de danse, le Theater Loh, composée d’acteurs, de musiciens, de danseurs et de marionnettistes, javanais, soudanais, français, allemands et américains. Ses deux productions, « Way of Snow » et « Tirai », sont présentées, par la suite, aux États-Unis. « Cette période de ma vie m’a marquée à jamais, explique Julie, et m’a permis d’apprivoiser n’importe quelle situation au cours de ma carrière ». Grâce à cela, la jeune artiste entre dans la cour des grands, celle qui permet d’avoir une totale liberté de création.Une véritable touche-à-tout
La liste de ses activités est si longue qu’on pourrait croire que Julie Taymor a eu plusieurs vies. Comment ne pas évoquer la mise en scène de son premier opéra, « Œdipe Roi », de Stravinsky, au Japon, en 1992, ou de « La Flûte Enchantée », de Mozart, à Florence, un an plus tard ? Ou comment ignorer son premier long-métrage, réalisé en 1999, « Titus », et son film « Frida », avec Salma Hayek, un succès planétaire ? Julie passe du virtuel au réel, de la deuxième à la troisième dimension avec une facilité déconcertante. « J’aime mélanger les genres, précise-t-elle. Je change entre le cinéma et le théâtre parce que le théâtre me permet l’intimité et un contact direct avec le public. Ce que je n’aime pas dans le cinéma, c’est l’argent roi et le marketing. Moi, mon but est de conter les histoires d’une manière aujourd’hui perdue… »Et bientôt, les Beatles !
Le « Roi Lion », actuellement à l’affiche à Paris*, a été mis en scène pour la première fois il y a dix ans à Broadway, un spectacle plébiscité par plus de 40 millions de personnes dans neuf pays et en cinq langues. Récompensée par un Tony Award pour sa mise en scène — une première pour une femme —, Julie Taymor rend le conte plus sombre, et moins enfantin : « Tout le public doit se retrouver dans cette histoire, grâce à différents niveaux de compréhension. Chacun doit trouver ce qui lui est propre. » Et puisqu’un succès n’arrive jamais seul, son prochain film, « Across the Universe », qui sort en France le 28 novembre prochain, risque d’en séduire plus d’un. Cette histoire d’amour, qui se déroule au milieu des années 60, est bercée par 18 chansons des Beatles, et compte la participation exceptionnelle du chanteur de U2, Bono. Un nouveau voyage initiatique qui confirme le talent hybride de Julie Taymor. Et quel voyage…PAR STÉPHANE POCIDALO
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